❝ kill or be killed. ❞ - ROXAKE

I stretched my hands out to the sky

We danced with monsters through the night.

Je cherche dans l’œil de cette martyre si pâle, si frêle, le péan que chante le désespoir. Cette meurtrissure infinie et magnifique qui jailli de la paupière ainsi qu’un long et piteux râle. Rumeur embaumée de moiteur et de torpeur. Caressant les plis dégingandés de mon âme de sa doucereuse tiédeur. Je ne vois en la profondeur de ces deux abysses miroitants que le gouffre immensément vide de son esprit engourdi et absent. Autrefois elle chantait l’effroi, désormais, elle ne m’offre que le souffle glacé et violant de sa respiration flétrie et miséreuse. Son haleine frigorifiée flottant dans l’air insalubre de la sombre pièce, glissant sur les vestiges errant et se brisant contre les cloisons cimentés des quatre murs l’assiégeant.  Prisonnière de mes prières. Muse qui ne m’amuse pourtant plus.

- Tu es malade, ce soir. Muse, que Diable t’arrive-t-il ? Mes phalanges atrophiées sont pourtant légères comme ces éphémères. Tu vocifères, les sentant glisser sur ta chair,  creusant leurs ornières déchirantes. Labeur accroissant tes peurs, mais tu n’es désormais que Torpeur.

Ma Muse ne répond pas, interdite. Le crâne lourdement déchu sur l’avant, son front perlant de sueur sur sa peau d’albâtre, ses pâles paupières boursoufflées par de sombres ecchymoses embrassant l’obscurité, elle ne me livre que la racine crasseuse de sa claire chevelure à contempler. Je voudrais qu’elle tourne vers moi, ses yeux pleins de ténèbres et d’étoiles. Dépose sur mes émeraudes, son regard mêlé d’horreur et d’espoir, baume divin, sur mes obscurs plaisirs, vent salutaire qui agitera enfin les voiles funéraires de mon esprit disloqué, pour qu’enfin je puisse la reposer dans un rêve sans fin. Utopique. Ma Muse ne répond pas, interdite. Je sens fondre et se ruer sur moi les lourdes épouvantes de l’Ennui attenante. Noirs bataillons, vicieux démons, parés à ameuter ma Pensée dans les routes mouvantes aux horizons sanglantes. Lucidité, toi que j’apprends de jour en jour à détester. Chère sœur d’élection que je veux haïr pour en vain cesser de croupir. Pourquoi me regarde-tu donc comme ça ? Tu vie hélas dans le creux bourbeux et sinueux de mon crâne. Ce que tu saccage ainsi, ce ne sont que les débris de ma cervelle putride et malade ! Pas besoin de potence. Pas besoin de Conscience ! Je veux voir et croire. Je veux sourire, mais pas souffrir. Je veux percevoir, mais ne pas avoir. Humanité. Insanité. Je n’en veux pas. Je n’en veux plus !

D’un bond lourd et hagard, je me redresse sur mes jambes, m’écartant avec effroi de l’amoncellement de planches de bois qui me sert accessoirement de bureau. Je suis en conflit parfait avec mon crâne et mon âme. L’un me chante Enfer et l’autre me murmure Paradis. Ce que l’un désire, l’autre fuit, ce que l’autre fuit, l’un veut le chérir. Ce soir, ma Muse est malade. Elle me livre froidement et cruellement à mes déboires. Ennui. Embûche bien dressée qui me présente incessamment le commencement de ma Perdition. Éternité misérable et minable que je ne veux pas. Que je n’ai d’ailleurs jamais voulu ! Je me rapproche à pas chancelant de ma Muse atrophiée qui - SEIGNEUR ! - c’est endormie. Constatation qui ne manque pas de me faire hausser un sourcil d’incrédulité : Comment trouver le sommeil ainsi enchaînée en croix contre un mur pourri et froid ?  

- Ouvre les yeux, très chère. Le sommeil n’est hélas qu’une vicieuse perte de temps…

Ma Muse s’agite alors, secouant sa chevelure tragique en tous sens. L’œil fatale s’ouvre vivement et sa voix despotique me crache en pleine figure un hurlement si puissant que je suis convaincu que j’ai perdu 20% de ma capacité auditive. Ce qui malgré tout m’arrache sur les lèvres un indéniable sourire Colgate. Louange à toi, âme stupide, qui espère encore attirer de la pitié en ce lieu oublié et malsain !

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Putréfaction et lamentation. Lieu de désolation. La mort rodait dans les alentours. Endroit sinistre où les larmes et le sang avaient coulé à flot. Endroit mortuaire où les âmes les plus viles venaient trouver refuge. L'antre morbide des mal aimés de cette ville. Poussés à l'exil. Condamnés à rester terrés là comme des rats. Dans les bas fond de New-York une population de meurtriers sanguinaires grouillait. A l’affût de sang neuf. Rapace vicieux attentant avec impatience la tombée de la nuit. Serpents malintentionnés qui espéraient un jour voir une rébellion exploser. Être abjecte. Des abominations. Contre nature. Ils étaient morts et pourtant ils marchaient encore. Roxane répugnait ses semblable... et ses semblables répugnaient son créateur. Comment les en blâmer? Les enfants des ténèbres eux-même craignaient cet être fourbe au nez aquilin et aux regards perçants. Blake. Ce simple prénom suffisait à en faire trembler plus d'un. Alors que les métros de New-York étaient devenue une jungle urbaine, un endroit demeurait épargné. Aucune âme suffisamment avertie n'osait s'approcher de son territoire.

- Pour le reste, tu continuera sans moi, prévint le vampire accompagnant la bichette.

Se déchargeant d'un fardeau, il leva les mains en l'air, signalant par le fait même son impuissance... Ou plutôt, son manque flagrant de courage à poursuivre sa route. De son regard intransigeant, la blonde examina la minable créature. Cheveux aussi gras qu'une vieille friteuse, il portait un vieux t-shirt imprimé AC/DC. Groupe mythique d'une époque révolue depuis bien longtemps. Une honte pour ce groupe de légende que de voir des vermisseaux de ce genre afficher leur logo. Ecoeurante décadence. Une vermine sans nom. Une vermine sans prétention.

- Merci quand même... répondit t-elle simplement, poursuivant son chemin. Pour le reste, nul besoin d'un guide. Elle le savait suffisamment proche pour deviner sa présence.

- Hey, attends, mon argent!

- Tu l'aura quand j'en aurais fini avec Blake, précisa boucle d'or alors qu'elle stoppait sa marche pour se tourner vers son interlocuteur.

Incrédule face à une telle annonce, ses grands yeux vitreux s'ouvrirent en grand, tels de véritable soucoupes. Nul n'était assez fou pour vouloir s'en prendre à lui. Il était la petite terreur de la cour de récré. Consciente de cela, Roxane comptait bien mettre un terme à ces absurdités.

- Oh... Attends... Commençait à paniquer le crasseux, c'était pas convenu dans le deal. Si Blake sait que...

- Blake ne sera plus de ce monde d'ici quelques heures, l'interrompit la chasseresse avec fermeté. Confiante, elle se détourna de lui et reprit son ascension.

La haine. Un sentiment puissant qui s'était vu naître au creux de son estomac. Un sentiment puissant qui s'était propagé dans tout son corps jusqu'à prendre racine dans son coeur mort. Là où nul sentiments ne pouvaient proliférer, la haine avait su germer. Telle de la mauvaises herbes, Roxane l'avait laissé l'envahir.

On lui avait non seulement retiré la vie... Mais on l'avait transformé en la chose qu'elle détestait le plus au monde. Condamnée à une damnation éternelle. Vile créature assoiffée de sang. Condamnée à fuir le soleil. Obligée de se terrer dans l'ombre. Blake allait payer pour tout ses crimes.

La quiétude des lieux n'était troublé que par l'écho incessant de ses pas. Echo se répercutant sur les parois, avant de se perdre à quelque part. Elle se savait proche de son créateur. Tel un lien invisible, un fil conducteur. Elle parcourait avec aisance les quelques mètres qui lui restaient à franchir. Les différentes directions qui s'offraient à chaque fois à elle ne l'intimidait pas. Un GPS incrusté dans le derrière, elle trouva sa destination.

Face à une porte... Face à the porte... Roxane pouvait sentir son corps frémir... Comme si chaque fibres de sa peau décelaient toute les horreurs qui avaient pu se passer ici. Son pied s'éleva dans les airs et alla se fracasser contre la porte. Sa force vampirique et son punch usuel eurent raison de la plaque en bois qui s'écroula lourdement sur le sol. Sans perdre de temps, elle profita de cette ouverture pour rentrer dans l'antre de son bourreau. Sa main la plus agile alla se nicher au creux de ses reins, saisissant la crosse de son browning. Ses yeux d'un clair limpides scrutèrent les environs à la recherche de Blake. Une fois la cible dans son champs de vision, elle brandit le canon de son arme vers lui.

- Bonsoir Blake.

Sa voix, froide comme la mort. Ses traits de porcelaines, durcit par la haine. Elle n'était même pas surprise de la présence impromptue d'une blonde à moitié morte. Toujours aussi aliéné. Mais de sa poupée malchance, Roxane n'en avait que faire.

Il était une âme malade. Une blessure géante. Un fléau. Sous ses airs aguicheurs et charmeurs, il attirait ses proies. Ses mots servaient d’appâts et sa plume de faux. La faucheuse onirique. Il ne lui manquait plus qu'une couronne de pâquerettes sur la tête et une perruque faites avec les mèches de cheveux de ses victimes.

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I stretched my hands out to the sky

We danced with monsters through the night.

Je détiens au bout de mes doigts, l’espérance d’un rêve éternel et le chaos d’un cauchemar sempiternel. Je détiens au bout de mes doigts, le pouvoir de la reposer en paix et ou le cataclysme de l’éteindre en la brisant. Un choix, deux possibilités. Que faire… que faire ? Ma paume se referme graduellement contre les fragiles vertèbres de ce cou si frêle que je sens difficilement déglutir sous mon emprise. Mes doigts, moulés tel un étau de fer contre la gorge, prolongent le supplice alors que l’étreinte devient de plus en plus pétulante. La démolir pour ensuite la voir partir ? Ou la chérir et ensuite l’endormir ? La bercer dans un rêve ou la noyer dans un cauchemar ? Perplexité abyssale. Incertitude qui me tiraille les muscles et tendons. Givrant la toile despotique dans une imperturbabilité point salutaire.  

- Dis-moi, ma Muse, comment est-ce que tu voudrais t’assoupir ? La Fatalité étant là, tu n’as d’autre choix que de devoir l’accepter. As-tu déjà songé à ta propre mort ? Comment te voyais-tu quitter le caveau de ce bas-monde insidieux ? Je peux te faire partir en te faisant voir tes humbles désirs. Ou tu peux tout simplement te détruire en répondant à mes plus fous délires. Le choix te revient. Je t’écoute.

- Ne fais pas ça. Je t’en supplie. Ne fais pas ça.

Aheum. Voilà qui est problématique. Ma Muse, complètement interdite, ne respecte pas le scénario et nous ne voilà pas plus avancés. J’arque l’un de mes sourcils broussailleux en-dessous de mon front barré par une creuse ride de perplexité, puisque complètement décontenancé par l’égocentrisme de ces Mortels qui se plongent volontairement dans ces puits sans-fond bêtises. Raaaahhh ! Le genre humain, incapable d’admettre la défaite, même lorsqu’ils ont les yeux grands ouverts sur l’horizon si vain, ils pensent encore pouvoir se sortir vivant du champ de bataille. La lutte inéluctable entre le cœur et le crâne. Voir de l’espoir, même si tout devient noir sur ce vaste reposoir qu’est la Vallée Des Morts. Je n’ai d’autre choix que de l’achever sans grande cérémonie, lui broyant froidement la nuque sans avoir la chance de pouvoir ajouter un brin de poésie à cette barbarie monstrueuse et sulfureuse. Mes émeraudes se hissant avec lassitude vers le plafond, d’un élan fatigué et paresseux, je m’apprête à esquisser la plate délivrance, lorsque, surgit d’une tourmente, une bourrasque furieuse retentie en trombe dans mon dos… entendant le ramdam typique et culte d’un talon-aiguille qui fracasse d’une force herculéenne la paroi fragile d’une porte… prétendue scellée et forgée à même la soudure du cadre de porte… qui s’ouvre à grande volée et laisse apparaître de l’abysse nouvellement créée une silhouette mirifique que je reconnais que trop bien. Pour l’amour des Enfer et le culte de Satan, le timing ne pouvait donc pas plus mal tomber !?

Un brin alerté par l’intempérie zélée qui me passe tout naturellement le bonjour, à la même manière qu’elle s’est introduite sur le satin de la chair ambrée, ma main livide et glaciale se détache lentement de la gorge de la séquestrée, tandis que je fais un hôte digne de ce nom en me retournant vers mon plus redoutable simulacre. Mes émeraudes brillantes et perçantes tel des glaives allant embrasser l’étendue des dégâts, m’arrachant des lèvres une moue stupéfaite et admirative lorsque mon regard se pose sur les vestiges de ma porte gisant dans un coin sombre et crade de la pièce.

Entrée fracassante et spectaculaire que voici. Foule en délire. Pluie d’applaudissements. Adulation ultime. Lara Croft peut bien aller s’rhabiller, ma très détestable et méprisable Roxane est là pour reprendre le flambeau ! Succube casse-bonbons qui a ce goût légèrement trop accru pour des intrusions théâtrales et dramatiques. Et je vous entends me dire que c’est tout à fait normal puisque la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre. PEH ! Mensonge. Elle et moi, nous sommes deux totaux contraires qui ne s’attirent point. Bref… je devrais bien me manier les miches si j’veux pas finir en gruyère !

- Tu es pénible, Roxane. Oser ainsi mettre tous les œufs dans le même panier et confondre la demoiselle ci-jointe à un espoir qui n’est pas près de retentir ! Pour prouver mes dires, je désigne l’Enchaînée/Crucifiée qui dévisage présentement la jolie grande blonde de ce regard lubrique qui pousse à penser qu’elle a sous les yeux la plus belle merveille du monde. Ne la regarde pas comme ça, pauvre misérable. Tu te fais hélas plus de mal que de bien.

Parce que non, même si j’ai un flingue tout droit braqué sur moi, les faits sont les mêmes : Ma Muse va mourir. Que cela lui plaise ou pas, d’ailleurs.

- Je vais devoir la contraindre de se voiler les yeux. J’espère très fortement que tu es satisfaite de ce gaspillage précieux de temps ? Que je râle, pas satisfais du tout de saboter ainsi mon génie, me rapprochant lentement de la demoiselle enchaînée au mur qui essaie vainement de se déprendre de ses sangles en s’agitant dans tous les sens. Pendant qu’elle se débat lâchement, pendant qu’elle supplie sa présumée sauveuse, moi, impassible, je lui encadre le visage de porcelaine de mes mains. Étreinte aux augures sombres et nébuleux. Mes paumes embrassant ses joues ruisselantes de larmes, j’engouffre et plonge mes deux pouces dans les cavités oculaires. En un bruit de succion juteux et spongieux, j’enfonce mes phalanges meurtrières dans les gouffres gélatineux, déchirant les rétines de mes ongles crasseux, m’esquissant un funèbre chemin dans la boîte crânienne alors que d’un geste vif et précis j’enfonce les globes oculaires dans le tréfonds des orbites. Des rigoles pourpres jaillissent sitôt au travers de mes pouces, larmes de sang cristallines qui se frayent un chemin sur le visage défiguré de douleur alors que la martyre s’arrache des cordes vocales un cri inhumain et tortueux… me faisant frémir de plaisir alors que mes pouces s’enfoncent plus profondément encore dans les tissus lacérés et saccagés.

Labeur terminé. Je retire mes doigts des gouffres, bruit de succion qui enfante une admirable fontaine de sang sur ce visage décomposer dans un masque de peur aux formes multiples. Ivre de supplice, ma Muse, désormais aveugle, laisse lourdement déchoir sa tête sur le côté. Elle pleure comme une enfant et implore les cieux de la sortir de ce gouffre désormais devenu véritablement noir. Moi, indifférent, j’observe quelque instant la toile despotique. Blasé, je dépose à nouveau mon attention vers l’Enfant de la nuit toute fraichement introduite dans ce repères dont les prières nous rappellent et soulèvent le culte effroyable de la Laideur.

Je pourrais lui demander comment elle a m’a retrouvé. Je gaspillerai ma salive au travers de cette question dont je connais la réponse. C’est le lien invisible et inébranlable qui nous unis. Même ainsi plongé dans le déni, elle et moi nous formons malgré tout le complet de tout. Muets, que reste donc, contemplant la gueule de son arme toujours dirigée sur moi. Qu’elle explose ma tête coupable… je m’en moque… comme je me moque de Dieu, tout comme je me moque du Paradis !

- Baisse ton arme. Ou abrège l’agonie de cette pauvre enfant. Elle t’appartient. C’est ta propre verve qui a fomenté cette abomination ! Seulement jamais sur moi tu n’implanteras la moindre balle.

Ici, là, maintenant, tout de suite, c’est le créateur qui ordonne un devoir à son Disciple. Elle n’a pas choix que de m’obéir. Elle le fait toujours. Prisonnière de mon emprise. C’est d’ailleurs elle-même qui l’a voulu… dois-je lui rappeler ?

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Imperturbable, il demeurait. Être dénué de raison et détenant pourtant une sagesse affligeante. Contradiction et perdition. Il demeurait là, ignorant la menace qu'elle représentait. Bien qu'insultait par ce manque flagrant de réaction, elle demeurait impassible, braquant le canon de son arme vers cet être abject. Tant de beauté pour un être aussi vil. Une beauté parfaite camouflant toute l'horreur de ce monde. Folie. Perfidie. Illusions perdues d'un artiste aliéné. Roxane éprouvait pour lui un curieux mélange de haine et de fascination. Un génie incompris. Une folie dévorante engloutissant son âme déjà damnée. Même les portes de l'enfer lui seront refusées.

Lorsque Blake, visiblement contrarié d'avoir été dérangé, désigna sa victime... Roxane ne put s'empêcher d'avoir mal au cœur pour la pauvre malheureuse. Ainsi enchaînée, elle n'avait aucune chance face au démon de ce lieu. Endroit malsain. Nul n'osait s'aventurer sur le territoire du démon. Les yeux de la chasseuse, l'espace d'un court instant, dérivèrent en direction de la muse. Cette dernière, en quête d'un espoir miraculeux, fixait avec un peu trop d'insistance Roxane. La vampire sentait comme un projecteur de lumière l'envelopper d'une aura de sainteté. Une aura de sainteté qu'elle avait perdu depuis tellement longtemps. Roxane n'était pas venue ici pour la sauver. Roxane n'était pas venue en ce lieu lugubre pour jouer l'ange miséricordieux.

Quant au vieux fou... il râlait. La perte de temps ne signifiait rien lorsque l'éternité s'étalait devant nous. Roxane qui d'ordinaire avait la réplique facile, préférait néanmoins garder le silence. Il maniait les mots avec une intelligence rare. Si bien que parler en sa présence pouvait engendrer un rapide complexe d'infériorité. Bien que dérangé, il possédait un langage laissant transparaître tout son génie. Un génie qui n'avait d'égal que sa folie. Triste constatation. Il se condamnait lui-même à une vie de misère.

- Ne t'approche pas d'elle, Blake! Ordre vain qui s'échappèrent d'entre ses lèvres pâles lorsque le Créateur s'approcha de l'enchaînée. Les mains du bourreau se posèrent sur la proie, englobant le visage de l'Elue. Blake... Qu'est-ce que tu fais? question tout aussi vaine.

La contraindre de se voiler les yeux... Les propos tenu par le vampire quelques secondes auparavant prenaient alors tout leur sens. Les pouces cadavérique du Créateur menait à bien sa mission... et Roxane en frémit. Mélange de plaisir et d'horreur. Le démon tapis en elle demeurait sous cette couche écœurante d'humanité. Une part d'elle prenait plaisir à voir cette pauvre malheureuse dans la souffrance. Et elle le détestait tellement pour ainsi la confronter à sa vraie nature. Elle le détestait tellement... depuis si longtemps... Une haine dévorante, rongeant chaque parcelle de son corps, pourrissant ses organes et empoissonnant son sang. Ses doigts serrèrent que d'avantage la cross de son arme. Sa mâchoire se crispa et l'envie de le tuer s'intensifia que bien plus.

Sûr de lui, il osait affirmer que jamais, elle n'oserait lui tirer dessus. Provocation aberrante ou stupidité affligeante? Les années s'étaient écoulées. Elle s'était endurcie. Elle n'était plus sous son emprise. Ce lien l'unissant à son Créateur... il était temps pour elle de le briser. Il était temps pour elle de se libérer... Avançant d'un pas vers lui... Elle se focalisa l'espace de quelques instants sur la pureté de ses traits. Un visage parfait. Tant de beauté pour un monstre. Trompeur. Il excellait dans le beau mais se complaisait dans la destruction et le laid. Si le diable devait porter un visage... Alors il porterait le visage de Blake.

- C'est ton jouet, Blake, pas le mien. Si je suis venue ici c'est uniquement pour toi...

Son doigt effleurait la gâchette. Un geste. Il lui suffisait que d'un geste... L'ultime. Des années, à attendre... et enfin une chance se présentait à elle. Plantant son regard dans ceux de son Créateur, un sourire narquois étira la commissure de ses lèvres. La fin était proche. Tellement proche qu'un frisson de satisfaction dégoulina le long de son échine. La seconde d'après... Son index pressa la détente.

La détonation retentit à ses oreilles. Le coup était bien parti mais pour une raison obscur, sa trajectoire avait dévié. Pour une raison obscurs, Roxane avait tiré un peu trop à sa gauche. La balle censée perforer le cœur du vampire s'était encastrée contre le mur, aux arrière du grand fou. Incompréhension. Stupéfaction et frustration. Sourcils froncés, elle recentra son tir en direction de l'organe mort de son Créateur. Une seconde fois, elle tira et une seconde fois, elle rata sa cible. Jamais... JAMAIS.... JA.MAIS une chose pareil ne lui était arrivée depuis des dizaines et des dizaines d'années.

Et cette martyr! Enchaînée à son destin, elle ne cessait de pleurer et de hurler sa misère! Oui. On l'avait tous compris! Elle ne voulait pas mourir mais elle souffrait tant! Forcément, nunuche, un idiot avait enfoncé tes deux globes oculaires en plein dans ta face! Levant les yeux, soudainement agacée plus que de raison, Roxane détourna sa tête blonde vers la chouineuse. Quelqu'un ne pouvait donc pas la bâillonner? Mieux encore! Le bras de la vampire se tendit vers la muse, pointant le canon de son arme vers elle. Son doigt, une nouvelle fois, pressa la détente. A ceci près qu'elle toucha sa cible.

La balle, rapide et sournoise, perfora dans un premier temps la boîte crânienne de la pauvre malheureuse. Un petit trou. Discret. Pour ensuite poursuivre sa route et ressortir, entraînant avec elle quelques morceaux gélatineux de matière grise. Bah voilà. Roxane venait de refaire la décoration de Blake. Service deux en un.

- Quant à toi, Blake! reportant de nouveau son attention sur Lui, elle baissa enfin son arme pour mieux pointer un doigt accusateur en sa direction. On se retrouvera!

Hors d'elle, elle tourna les talons. Hors d'elle, elle s'éloignait du Créateur. Hors d'elle... Roxane devait admettre qu'il avait raison. Incapable de lui tirer dessus. Pourtant elle en avait tant rêvé. Ce lien qui les unissait... Elle le maudissait. Être ainsi unie à la personne qu'elle haïssait le plus... C'était tellement affligeant! Dégoûtant!! D'une manière ou d'une autre... Roxane Evans trouvera un moyen de le réduire à néant. Sa vengeance ne faisait que commencer. Hors d'elle, la vampire quittait le territoire interdit. Ce lieu où aucunes âmes ne pouvait sortir indemne.

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