We have a trouble || Pv Joe

Un tintamarre infernal. La musique résonne dans l'espace, vibrante, entraînante et fiévreuse. Les corps s'emmêlent, se complètent et s'accordent en une symphonie de pas scabreux. Il y a quelque chose de fascinant, dans l'évolution humaine. Johanna se souvient encore de ces soirées pleines d'humilités, ou chaque homme bien emmitouflés dans ces culottes "élégantes" fumaient la pipe. Riant, parlant politique et écoutant les femmes chanter ou jouer d'un instrument. Des distrations en jupons. Montrant à quel point elles étaient prudes et bien élevées. Si élégantes, non souillées par la disgrâce, faites pour eux. Leurs démonstrations navrantes n'étaient pas plus discrètes que si elles avaient juché sur le tête bien coiffées un panneau plaqué de majuscules striant ' ÉPOUSE-MOI.' Ca, du moins, c'était du côté des bonnes familles. Des nobles cantonnés dans leurs beaux rôles. Mais ailleurs, chez les protagonistes les plus quelconques et pauvres, se dessinaient des corps enfiévrés et pressés de se jeter sur la piste. Criant, riant, psalmodiant. Rien n'a vraiment changé. Quelque part, des riches soignent leurs allures en colportant des rumeurs, trinquant dans leurs verres de cristaux ou jouant une comédie digne d'un vulgaire soap opéra. Et là, devant la brune aux guibolles fuselées, se dresse un spectacle comme elle en a toujours admiré. Cependant, il y a tout de même une certaine évolution. Si on devait placarder un tableau au mur et y mettre une échelle de comportement, alors chaque classe, peu importe son rang, pèterait les scores. S'il devait y avoir un baromètre, il éclaterait comme le jaser de sang explose de l'artère.  

Rien n'a changé, les humains restent les mêmes. Mais au fur et à mesure que le temps avance, leurs dépraves se font plus viles encore que jamais. C'est un spectacle tout à fait … Galvanisant et distrayant. Accoudée au bar, elle admire et étudie soigneusement chaque individu. Parfois, on distingue la main baladeuse d'un homme se glissant sous les plis d'une jupe à 'ras la salle de jeu', comme dirait l'autre. Il n'y a aucune discrétion dans ces gestes. C'est bien de ça, qu'elle fait référence en songeant aux extrêmes, aux limites que l'homme dépasse. Fut un temps où il fallait se rendre dans des bordels ou des tavernes infestés de soldats pour se montrer si exhibitionniste. A son bras, elle sent une fraction de seconde le doigt curieux d'un grand blond, il la regarde d'un air qui en dit long. Le dos contre les bords du bar, Joe hausse un sourcil, souriant d'un air faussement affable avant de se détourner de la piste pour s'accouder au bois, commandant un énième verre. Sûrement le dixième en une soirée.  

- Dis donc, t'as une sacrée descente pour un aussi petit gabarie ! Croit complimenter l'autre, tentant une approche, lui soufflant ses mièvreries. Son halène sent le Whisky. Le seul homme à l'halène souillé de Whisky qui peut l'approcher, c'est Ulrick. Alors Johanna l'ignore, sirotant tranquillement son Absinthe. Sa commence sérieusement à tanguer, après cinq bières, deux Gins, une limonade pour la forme et deux Absinthes. Mais sa nouvelle nature ne diffère pas tellement de la seconde. Si on exclue l'immortalité, la mort et le sang. Elle est plus solide qu'un rock. Et la résistance à l'alcool semble être toujours de mise. Tant mieux, elle aime boire plus que de raison.

- Lâche-moi. Tranche la mutante en lui jetant à peine une œillade méprisante.

Ca semble faire mouche. L'abruti se détourne, moue écœurée sur sa face de surfer qui aurait abusé de l'auto-bronzant. Et le voilà qui part à la charge vers une blonde sulfureuse et survoltée. Ah, voilà donc le résultat surprenant de sa réussite si précoce à se défaire de cet être navrant. Une blonde !  Déjà plusieurs macaques sont sur elle, attendant d'avoir leurs miettes. Prunelles levées au plafond, et la belle se défait de la vision pourtant agréable pour fixer l'étalage de boissons. Derrière le bar, le serveur se démène comme un diable pour servir toutes les boissons dans un service aussi express que possible.  

Mais rien ne l'attire vraiment. Tout l'ennuie, tout est trop fade. Ulrick lui manque, et c'est une constatation douloureuse et terrible. Voilà, elle est vieille. Définitivement. C'est une petite mamie qui a hâte de rejoindre son homme pour roucouler sous la couette. Au calme. D'un mouvement rageur, l'ex-vampire avale d'une traite son verre, sans faire la boulette d'essuyer ses lèvres carmins, au risque de s'étaler le produit partout sur sa bouille d'albâtre. Et c'est là que ça dérape. Tout va très vite. Le blond surfeur est revenu à la charge, insistant et pressé d'emballer – ou d'empaler, si vous voyez le genre – la petite blonde sulfureuse. Tout ça dans son dos. Elle réagit à peine, lorsqu'une petite main touche  son épaule, haussant un sourcil et se détournant, prête à signifier au prochain type d'aller se faire mettre ailleurs. Et sans prévenir, une touffe dorée se précipite vers elle. A peine un mouvement de recul, et deux lèvres pulpeuses et doucereuses se plaquent contre les siennes. Attendez … Hein ? Prunelles écarquillées, la tueuse à gages fixe la blonde qui s'écarte alors. Fut un temps, elle en aurait profité. Largement. Mais cette fois, c'est la stupeur qui l'anime. C'est qu'elle reconnait généralement les femmes plutôt attirées par leurs comparses. Celle-ci n'en a clairement pas l'air, pourtant. Même si oui, les apparences sont trompeuses. Puis, une fois encore, Joe constate qu'elle ne veut pas qu'on la touche ou qu'on l'approche de trop près. Il n'y a plus qu'une personne que son corps réclame. Bon sang, ce que c'est guimauve ! Se raclant la gorge, la mutante remet son masque neutre, s'autorisant un léger froncement de sourcils et un regard en biais vers … Le blond qui semble absolument ravi. Oh, non … La tête de lard s'approche, ourlant exagérément ses lèvres et se pavanant, elle croit même étendre quelques commentaires scabreux, mais la musique l'empêche de distinguer chaque parole. Encore un truc qu'elle digère très mal, ça. L'absence de sens surdéveloppés. Johanna secoue le menton, lui signifiant d'aller voir ailleurs. Elle a pigé le message.

Energiquement, elle se redresse, la blonde l'aurait dépassée, si elle n'avait pas ses hauts talons. Et d'un bras possessif, elle ramène l'inconnue vers elle, pointant le type du doigt et lui faisant signe d'aller voir ailleurs. Pourquoi diable joue-t-elle le jeu ? Pourquoi donc aide-t-elle cette gamine ?  

- Oh, allez les filles ! Qu'il s'exclame d'une voix plus forte, approchant un peu plus et mettant en avant sa … virilité. Il joue à quoi, là ? L'alcool et l'agacement aidant, la brune sent le feu lui monter aux joues et ses poings se resserrer. Si ce connard ose seulement la toucher encore une fois …

Touchée.

Et ca loupe pas, doucement, elle éloigne la bouclette, sans la brusquer ni la blesser. Autant dans par l'orgueil que par la chair . Et d'un réflexe purement animal, surprenant pour une femme. Et encore plus une brindille brune d'une tête de moins. Elle montre les dents, serre les mâchoires et s'approche dangereusement.

- Touche-moi encore, et je t'encastre. S'exalte-t-elle, ses prunelles émeraudes plus menaçantes que jamais.

L'idiot rigole, peu impressionné par ce petit bout de femme et son visage en cœur. Et l'ignare repart à la charge, ne prenant pas du tout compte de l'avertissement. Levant une main, prêt à frôler son bras. Voilà, il a tout gagné. Pour la énième fois, elle lève les yeux au ciel. Avant de choper sans prévenir le poignet du bodylbuildé. Un geste vif, assez pour prouver sa dextérité, sans pour autant laisser supposer une nature d'immortelle aux dents-longues. C'est avec flegme qu'elle contorsionne la chair, laissant les os craquer. Elle est dans déjà dans son dos, le poignet toujours dans sa poigne de fer. Il hurle si fort qu'il couvre la musique. Et Johanna lève un genou, le poussant contre le bar, agrippant ses cheveux et lui plaquant joue la première contre le bois humide. Brisant un verre au passage. Il aura un os en miettes, un bon mal de crâne et quelques coupures. Rien de bien méchant.  

- Je répète donc, scande la brune d'un ton blasé, gagnée par l'animation d'une violence innouie. Tu vas allez voir ailleurs si j'y suis, ou la prochaine, je te pète une vertèbre. Et de se pencher légèrement, son nez mutin proche de l'oreille du pathétique bout de viande. Pigé ?  

Sa tête tente de remuer pour acquiescer, mais c'est bien maintenue dans sa petite poigne solide qu'elle se heurte au bois. Il grogne, grimace, s'agite et tente de se dégager. Et c'est sans ménagement qu'elle le tire en arrière pour le dégager à deux bon mètres de là. Le corps de l'idiot s'écrase sur la piste, et c'est sans attendre qu'elle se détourne pour aviser la blonde, chopant son poignet et dépassant déjà les videurs pour se précipiter dehors. Pas la peine de faire plus d'esbroufes. Le videur devancé semble désemparé et scié sur place, mais évite tout commentaire. Se contentant uniquement de faire son boulot, avant de relever le responsable de toute cette affaire pour l'emmener. Loin des deux jeunes femmes, de préférence. Et une fois à l'extérieur, la brune aspire l'air, fermant ses paupières un moment. Ca aurait pu être pire, et vraiment mal finir. Elle aurait pu se mettre dans une belle merde, si elle n'avait eu aucun contrôle. Lèvres pincées, elle rouvre ses iris écarlates, réalisant soudain le regard insistant de celle qui l'a utilisée en croyant s'en tirer sans encombres.  

- Rentre chez toi. Assène-t-elle d'un ton bourru, tournant immédiatement les talons sans demander son reste. Elle ne veut ni remerciement, ni phrase typique comme ' Comment je peux vous remercier ?!'.

Les égouts mal entretenus gorgent l'asphalte d'un liquide sombre. À peine éclairés par les réverbères au-dessus de leurs têtes, quelques reflets ardents se juxtaposent aux flaques comme des flash difformes et chimériques. Les murmures de la boite qu'elles viennent de quitter résonnent encore à leurs oreilles indifférentes, tandis qu'elle claque ses talons hauts en direction du Bronx. Persuadée qu'elle en terminera là. C'est sans compter sur la témérité de la drôle de petite bouclette qui titube jusqu'à elle, les joues roses et le regard pétillant.  

- Hey! Attends! Elle l'interpelle, cherche à gagner son attention par de grands gestes hasardeux. Et c'est avec une maladresse presque touchante qu'elle se tient en équilibre devant la silhouette dégingandée de Johanna. Qui pourtant, reste de marbre devant la masse organique presque floue à ses prunelles désabusées.  

- C'était vraiment génial la façon dont tu l'a remis à sa place ! Et la voilà qui s'extasie sur les prouesses pas si extraordinaires d'une brune aux antécédents douteux. Ca, extraordinaire ? Une simple prise pour empêcher ce connard de bouger, saupoudrée d'une force toute mutante dont elle ne mérite aucuns bénéfices.  

- Euh, ouais … Dubitative, la brune lui jette une œillade méfiante, mettant une certaine distance entre elles.  

La suite est des plus surprenantes, lorsqu'elle tangue et effectue une séries de gestes les plus incongrues les uns que les autres. Avant qu'elle ne réalise que, à sa grande stupeur, blondie est en train d'imiter tant bien que mal un Ninja. Un Ninja bourré qu'on aurait dépouillé jusqu'à l'os de toute adresse et de sens de l'équilibre. A peine a-t-elle le temps d'esquisser un geste, que la jeune syphilde aux traits candides tombe le cul sur le goudron humide … Sérieusement ? Joe pince ses fines babines, regardant à droite et à gauche, bras pendouillant le long de sa silhouette agrandie par ses aiguilles aguicheuses.  

- Qu'est-ce que tu fous ?! Qu'elle lâche avec une patience mal contenue, se penchant pour lui tendre une main aux ongles peinturés d'un rouge aux teintes d'hémoglobine. Alors ça, c'est la meilleure. Si on avait supposé qu'un jour, Erzbeth tendrait la main à son prochain pour lui venir en aide, la terre aurait fait 'trois fois le tour de son slip.'
- Tu m'apprendras, hein? Je te donnerais des cookies. Assure l'atypique bestiole, soulevée comme une plume par la mutante qui s'autorise un roulement d'oculaires jusqu'au plafond d'étoiles.  

Et puis quoi encore …  

- J'accepte pas les paiements en nature. Clarifie-t-elle d'un ton revêche. Et il faudrait certainement plus qu'une vie entière pour t'apprendre ne serait-ce qu'un tiers de ce que je sais. J'ai plus ça en stock, navrée gamine. Ironise l'ex-vampire en la jaugeant de la tête aux pieds. Parfaitement odieuse et méprisable dans sa répartie cynique. Avec ses airs enjouées, elle a tout sauf l'air d'une terreur. Le genre de fille si gentille que son corps entier le gerbe et le clame haut et fort. Des airs saints et droits dans ses chaussures. Etre méchant, c'est mal. Assure ses prunelles d'onyx. Ouais, elle voit carrément le genre de nana qui se dessine devant ses prunelles d'émeraudes. Des cookies, on aura tout vu. Et malgré sa nature insoupçonnable de Lycan, elle pourrait même avoir une pancarte scotchée dans le dos que ça n'en serait pas pour autant plus flagrant. Non, pour Johanna, cette fille n'a pas les tripes pour être éduquée 'à la dure'. Et surtout pas par elle. Et puis, c'est quoi cette requête douteuse formulée à une parfaite inconnue ? Qu'elle s'insurge mentalement, la caboche en ébullition. Prête à tourner à nouveau les talons.  

C'est comme à son habitude l'air blasé qu'elle observe son vis-à-vis. Clairement, cette dernière est complètement éméchée, tout contrôle lui échappe. Mais au fond d'elle, Joe distingue cette lueur limpide et dynamique dans le regard trouble de la blonde. L'alcool ne fait qu'exacerber les sens, nuls doutes qu'elle a toujours été telle qu'elle est ce soir. En moins … Démonstrative ? Avec un soupire, la brune réalise que la jeune femme a tout compri de travers. Encore un truc de bourrée, déformer la réalité et la rendre plus lubrique. Johanna pince les lèvres, prête à tourner de nouveau les talons.  

- Te payer en nature? Non... Je ne suis pas une péfi... péripathé... Qu'elle bafouille, roulant ses iris dans ses globes à la recherche du mot qui la tourmente. Pérfi... Bref!! Je ne suis pas une pute! J'veux pas coucher avec toi pour te payer!  

Et à chaque mot prononcé, elle agite son corps dans tous les sens, comme si ces seuls mimiques suffisent à appuyer chaque parole.

- 'Patéticienne. Termine Joe d'un ton condescendant. On dit : Péripatéticienne. Si tu piges à peine ce que je dis, laisse-tomber ! Ironise-t-elle, ondulant des jambes pour avancer son départ.  

- Je n'avais rien en stock non plus... c'est dommage hein? On n'aura qu'à reporter ça le jour où les Bisounours porteront des tutus d'éléphants?   Divague Blondie.
Et à la mutante d'hausser un sourcil, avisant la femme au teint d'albatre d'un air déviant.  

- Dites-moi que je rêve … Marmonne la syphilde diaphane dans sa tenue flamboyante, ignorant quelques têtes curieuses qui se tournent sur elles à leurs brefs passages.  

La jeune femme aux airs candides lui rend son regard oblique. Et c'est toutes deux suspicieuses, du coin de l'oeil, qu'elles s'observent et se jaugent. L'une évaluant, l'autre se demandant sûrement quelle texture aurait ses foutus cookies si elle les déguste en tutu aux couleurs criardes, non sans se poser une myriade de questions sur l'étrange bestiole qu'est Joe. Enfin, elle suppose stupidement, secouant la tête et ne cherchant plus de sens à ses divagations. Vue l'heure tardive et le nombre de verres digérés, il n'y a plus aucun sens à quoi que ce soit qui puisse être lâché par ses lippes carmins. Et, d'autorité, la vieille femme aux airs de jouvencelle lève une main en l'air, lui signifiant ainsi que leur entrevue s'arrête là.

- All … Commence-t-elle alors, avant d'être alertée par un groupe d'homme tout aussi prompt à se montrer gênant que le blond du bar. Coup d'œil lubrique. Froncement de sourcils de sa part, et Johanna avance d'un pas claquant vers la blonde, agrippant son poignet sans ménagement pour la tirer vers elle. On se casse. Tranche-t-elle sans bien savoir pourquoi. Tu habites où ? Je te ramène. Indique Joe. Et ce n'est pas une proposition polie, c'est un ordre pur et simple. T'es complètement déchirée, ajoute-t-elle pour se justifier, sans la lâcher. Tu tiens même plus debout et le groupe derrière nous nous jette des regards louches, crois-moi, la dernière fois, trois types comme ça croyaient pouvoir m'avoir au coin d'une ruelle. S'empresse-t-elle de raconter, non pas pour se confier, mais pour pousser la jeune femme à se montrer coopérative.


Et encore une fois, elle ne sait absolument pas pourquoi elle fait ça.

La petite peste proteste, mais Joe tient bon. L'ex-vampire ne tient vraiment pas à subir une nouvelle altercation, Son pauvre abdomen a essuyé suffisamment de dégâts comme ça, la dernière fois. Car non, la sylphide n'a rien d'infaillible. Elle aussi, peut parfois s'embrumer et perdre le contrôle, oublier son équilibre et se faire avoir comme une pauvre petite débutante. De plus, la brune n'est pas d'humeur. Un fait rare chez elle, mais Ulrick l'obsède. Ou plutôt son absence prolongée. Pour ne rien arranger, chaque réveille est soldé par sa tête en vrac et une douleur inhabituelle au ventre. Soit : Johanna n'a aucune envie de 'croiser le fer' avec ces décérébrés.


- Suffit de ne pas aller dans un coin de ruelle ! Assure Blondie d'une voix légèrement trop aiguë et défaillante. A cette énonciation toute pleine d'une assurance enfantine, la jeune femme lève ses émeraudes au ciel. Non mais franchement …

- Huum... Sinon j'habite chez le frangin... La réponse furtive est trop brève a le don de lui faire faire volte face. Et c'est un regard courroucé qu'elle lui décoche, prête à l'engueuler pour la énième fois. Mais la sale gosse complètement cramée se reprend très vite, avant de lâcher d'une traite : C'est dans le Bronx. Près d'un marchant de glace ambulant...

A l'énonciation du commerçant de petites douceurs glacées, la brune fronce ses fines sourcile parfaitement épilées, penchant sa bouille d’albâtre sur son épaule.

- Tu … habites dans l'immeuble résidentiel du Bronx ? Fait-elle, entonnée.

Pour la simple est bonne raison que Joe loge au même endroit depuis un an et demi. Soit, depuis son retour dans le monde des vivants. Franchement, c'est absolument épatant qu'elle n'est jamais croisée cette énergumène.

- Hey mesdemoiselles! On vous ramène chez vous... La coupe une voix grave et graveleuse, tendis qu'elle se noie dans ses songes. C'est à peine une question, plus une proposition indécente. Une entrée en force dans l'intimité des deux femmes aux jambes fuselées et découvertes. La brune à la crinière fouettant l'air par sa queue de cheval lâche un grognement.

Et forcément, la bande de macaques sort l’artillerie lourde. Les pauvres pecnots dirigés par leurs pénis effectuent quelques gestes salaces, mimant plusieurs actions à tendances pornographiques. Mais, ce soir, c'est le monde à l'envers. Car généralement, c'est à la mutante de grimper aux rideaux, de s'insurger et de s'élancer telle une fusée imprévisible. Sauf que la Miss pompette semble ne pas être d'accord avec la tradition. Ni avec les intentions fermes de Johanna d'esquiver les emmerdes. Non, ce soir, tout va vraiment de traviole. D'un mouvement énergique, son vis-à-vis survoltée se déchausse vivement de l'une de ses pompes, avant de la balancer de toute ses forces : Droit dans la caboche de l'un des humains surexcité. Bah oui, sinon, ce serait pas drôle. Eh merde.

La réaction fortement prévisible des bouffons sans âmes est immédiate et brutale. Jurons et autres poésies contemporaines traversent leurs lippes tordues et infestées d'alcool. Et, ô joie, les bestioles dégainent leurs armes à pointe tranchante, prêts à leur bondir sur le coin de la gueule. La petite blonde sautille aussitôt dans son dos. Elle semble décuver aussi sec, et murmure d'une haleine encore toute faite d'un alcool brûlant à son oreille.

- Je crois que tu les a mis en colère... Que la fillette ose prétendre.

Johanna reste complètement interdite durant un laps de temps qu'elle ne peut déterminer. Les quatre sauvages sont déjà presque sur elles, et Joe n'a que peu de temps pour agir. Courir très vite avec l'autre imbécile déchaussée et incapable de filer tout droit, ou affronter dignement ces cinq carcasses sans cervelles ?

- Je te jure que tu vas me le payer … Lâche la brune d'un ton dur, ses iris allant d'un homme à l'autre. Son organe palpite sous sa poitrine à toute vitesse. Non de peur, mais d'une colère sourde qui rend son ouïe presque défaillante. Seuls les 'BaBAM' frénétiques tonnent en un tempo régulier dans ses esgourdes. Son souffle semble entrer jusqu'à sa cervelle, et c'est un silence pesant qui l'envahit. Ils jactent, balancent leurs injures et promettent diverses punitions peux ragoutantes. Mais Johanna ne peut que les deviner. D'une voix sourde, elle s'entend simplement dire à sa 'nouvelle super copine', de foutre le camp. Son bras se balance en arrière, et d'un geste brutale et ferme, elle éloigne blondie de derrière son dos.

Parfait. Inutile de tourner autour de pot. Ses talons ne font que la déranger, et ses sans les mains et uniquement à l'aide de ses pieds qu'elle se déchausse, balançant les escarpins de coups de petons sur les côtés. Cette fois, Joe se fait la promesse d'esquiver les coups, et le premier inconscient bondit déjà sur elle, lame en avant. Son bras droit vient bloquer le poignet, tandis que le gauche frappe déjà sa première victime en plein plexus solaire. La main à plat, Johanna abat sa patte fine mais ferme dans la poitrine dure de son assaillant. L'effet est immédiat. L'homme à la peau d'un noir presque aussi sombre que la nuit gonfle ses joues, sentant l'air manquer dans ses poumons. Ses yeux s'écarquillent légèrement, tandis qu'il vacille en arrière. Le coup est si puissant que le gaillard s'écroule trois mètres plus loin.

Et de un.

- Bordel ! Mais t'es une cinglée dans ta tête ?! Crache un second type, tout proche d'elle.

La brune lève furtivement son coude, frappant en plein dans les naseaux du gringalet à la peau pâle.

- Toi, TA GEULE ! Persifle Joe d'un ton veineux, se ruant déjà sur le pauvre imbécile. Son nez pisse déjà le sang, et le craquement lui indique qu'elle n'a pas manqué sa cible.

Dans son dos, un petit libanais tente de bondir sur elle par surprise. Et avant de se charger du blanc-bec à terre, la sylphide diaphane tourne sa silhouette avec agilité, s'étirant comme un élastique avant de décocher un coup de talon en plein dans le menton du métisse. Dans son mouvement, l'homme parvient tout de même à entailler sa cheville levée au-dessus de sa tête. Mais la mutante grimace à peine, tandis que ce dernier effectue un vol plané contre le mur le plus proche. A ses oreilles résonnent l'impact d'une colonne qui craque contre les briques.

Et de deux.

- PUTAIN !

Monsieur blanc-bec se traîne à terre, tentant tant bien que mal de se relever. Ce n'est que de la racailles des bas-fonds. De la petite vermine. Des enfants avec des cure-dents voulant jouer aux grands. L’instinct bestiale reprenant vite le dessus, Joe laisse délibérément le gamin se relever. Sa posture défensive est faible, et lui arrache un sourire cynique.

- On écarte les pieds, imbécile ! S'exaspère-t-elle en levant les bras, tandis qu'il courbe l'échine, sa lame en main.

- Ta gueule ! Je vais te couper en deux comme une truie et violer ton cadavre, pétasse ! Ferme. Ta putain de gueule ! Il crache à pleins poumons, la sueur perlant contre son front. Le pauvre vient sûrement de comprendre que ce qu'il a face à lui n'a rien de réellement humain.

- … Wow. Quel poète ! Se moque la créature d'un ton presque guttural, approchant à pas de loup. Allez, repose ton jouet par terre, tu vas te casser un ongle. Propose-t-elle, sans se défaire d'un sourire plein d'ironie.

Johanna le voit hésiter, regarder de droite à gauche et s'agiter sur ses pieds. En proie au doute, ses iris s'abaissent sur les deux corps tremblants de ses deux potes tombés à terre. Et c'est là que Johanna réalise. Ils étaient quatre. Il en manque un.  Mais le gringalet lui fonce dessus, et c'est d'un mouvement vif qu'elle agrippe son poignet armé pour le tordre. Son pied droit fauche le talon gauche de sa nouvelle victime, et d'une pirouette, elle est déjà dans son dos. L'un des bras du type est fermement serré dans son poing, collé à sa colonne, tandis que l'autre fait office de bouclier, leurs deux mains tenant la lame sous sa gorge. Plus grand qu'elle, le gringalet se voit obligé de se tordre en deux pour amoindrir l'effet du tranchant de sa dague dans sa chair. Et c'est là qu'elle les voit . Dans la même posture, le quatrième gaillard lui fait face, Ariana sous sa coupe. Lame contre carotide. Un filet de sang perle déjà du cou longiline et délicat de la louve.

- Lâche-le ou je l'égorge ! Persifle l'autre d'un ton dénué d'hésitation.

Et, à Joe de souffler un pauvre :

- Eh merde.

La soirée va être longue …

La petite chose tremble entre ses pattes fermes. Lame contre chair. L'enveloppe organique semble à deux doigts de défaillir, de succomber à une trouille sans nom. Joe croit même qu'il va se pisser dessus. Ses prunelles vrillent celles de l'agresseur de la blonde, tandis qu'elle lutte contre une envie irrépressible de lever le coude. Geste qui, indéniablement, amènerait la lame à trancher la chair tendre et fragile de sa victime.

«  - Allez, lâche-le sale putain ! S'insurge l'autre, qui s'agite nerveusement. Sa peau est perlée de sueur. Johanna pince ses lippes rougies, remuant ses iris clairs dans ses globes en cherchant la moindre faille.

Il faudrait un putain de miracle pour les sortir de ce pétrin. Elle pourrait tout aussi bien tuer celui qu'elle tient dans sa poigne, et tourner les talons pour laisser l'autre emmerdeuse ici. Mais son instinct lui hurle de ne pas faire ça. Pour une raison que la mutante ignore, elle sent jusqu'au fond de ses tripes qu'elle est liée à cette gamine. C'est stupide, particulièrement niais et illogique. Mais s'il y a bien une chose que l'ex-vampire sait : C'est que son instinct ne se trompe jamais. Alors, elle attend, la sueur perlant contre sa nuque en une fine petite perle d'eau.

- … Lâche-la, et je le laisse en vie. Assure-t-elle d'un ton neutre, dénué d'angoisse.

Elle perçoit la trouille dans le regard de la petite bouclette, et la nervosité dans les traits de son adversaire. Les deux mains de l'homme qu'elle maintient tiennent son poignet, et ce dernier tente de tirer de toutes ses forces, tout en lâchant un couinement.

- Fais un truc, merde ! Qu'il beugle pour son pote, sa voix déraillant complètement. Joe s'autorise un sourire narquois, qui s'efface vite de sa bouille d’albâtre.

Le miracle vient de sonner à leur porte. Sans prévenir, Ariana semble soudain sortir de sa torpeur et, d'un geste sec, tire sur le bras de son bourreau pour éloigner la lame de sa gorge. Le coup et brutale et vif . La tête bouclée valdingue en arrière, et le craquement écœurant peut aisément laisser penser que le pauvre bougre qui tombe à terre vient de perdre la vie. Mâchoire tordue de stupeur, Joe fixe la jeune femme. Puis l'homme au nez éclaté. Le sang est gerbé de ses narines et s'écoule comme l'eau d'un ruisseau. Peut-être qu'elle s'est trompée, à son sujet. La jeune femme reprend sa mine inquiète, tandis que ses genoux se plient. Et d'une main tremblante, vérifie le pouls de sa victime.

- Il est vivant, annonce-t-elle en se tournant vers elle.

- Putain de merde ! Mais vous êtes qui ! Couine celui que Johanna tient fermement.

Joe se tourne alors vers lui, levant les au ciel avant de cracher d'un ton vénéneux :

- La ferme ! Et de lui asséner un coup dans la tempe à l'aide du manche de lame, qu'elle essuie vivement avant de la jeter à terre.

Joe inspire et expire, l'air dilatant ses narines, tandis que ses azures glaciales jaugent la blonde.

- … Ok, t'es peut-être pas si empotée. Qu'elle lance d'un ton volontairement agaçant, avant de se détourner pour récupérer ses talons. Ramène-toi ! T'as déjà fait assez de dégâts comme ça. »

Et sans attendre, de reprendre sa route.
Sans un regard pour les quatre corps qui se tordent de douleur au sol.
Et sans se douter que, au fil des jours qui passeront, cette jeune femme entrera brutalement dans son existence chaotique.