Si une image devait décrire chaque mot et chaque expression existant dans la langue anglaise, mon visage à cet instant même décrirait parfaitement l'incrédulité. Je toisais notre supposé sauveur, celui qui nous avait extirpé des flammes et aidé à éviter les représailles des sbires de l'Originel qui voulait notre peau, espérant tellement plus de son sauvetage. « Les métros? T'es sérieux? » laissais-je tomber lourdement. Non, ce devait être un simple raccourci, ouais, un raccourci vers notre prochain logis. Je tournai mon regard paniqué vers Dylan qui affichait vraisemblablement la même incrédulité. Si je cherchais du réconfort auprès d'elle, c'était une tentative visiblement ratée. Aussi différentes pouvait-on être, nous avions les mêmes standards en matière de logement et de conditions de vie. Et ça, ce n'était pas une option par nous deux.
Nous avions traversé une bonne partie du Bronx, s'éloignant du quartier dans lequel notre club se trouvait. Nous avions laissé derrière nous notre gagne-pain disparaître en flammes, le coeur lourd et amer... Je devais reconnaître que Salem avait fait un travail de chef en ce qui concernait notre fuite. Il semblait connaître les rues de cette ville comme s'il les avait lui-même tricoté! Il était aisé pour lui de trouver les raccourcis les moins fréquentés et les plus discrets pour que nous puissions passer sous le radar de nos poursuivants. Malgré notre évasion, les lycans qui avaient été envoyés pour nous capturer n'avaient pas pris plus de quelques secondes avant de constater que nous n'étions plus sur les lieux. Ils nous avaient pris en chasse, suivant l'odeur de leur confrère probablement, mais jamais ils ne nous avaient rattrapés. Grâce à Salem. Derrière nous, nous avions laissé l'autre succube, celle que Dylan ne semblait pas du tout sentir. J'aurais bien aimé qu'elle se fasse pincer, pour le simple plaisir qu'elle ne cesse de se prendre pour le nombril du monde. Malheureusement - ou heureusement pour elle -, elle n'était pas dans la ligne de mire des lycans, donc elle passa facilement incognito une fois qu'elle quitta notre petite bande. J'ignorais pourquoi j'avais mis tout mon espoir en Salem alors qu'il venait de saccager notre boîte de nuit - celle dont on ne verrait point de sitôt, j'en avais bien peur. Il était malgré tout notre seul espoir. Il était venu nous avertir de cette embuscade, il nous avait sorti des lieux et il nous dirigeait vers un endroit sûr. Enfin, j'osais espérée. Mais lorsque je constatai l'endroit où il pensait nous laisser saine et sauve, je commençai à douter de sa bonté de coeur.
Nous nous étions engouffrés dans une bouche de métro, une des centaines qui avait été condamnés après que les trains aient cessés de circuler sous terre. Je devais avouer avoir eu quelques soupçons à ce moment, mais je continuais de croire en lui. Jusqu'à ce qu'il nous annonce qu'il était temps pour lui de rebrousser chemin alors que nous devions persévérer dans ces tunnels. Les métros. Il nous abandonnait dans les profondeurs des métros! Là où tous les vampires exilés s'entassaient et se pilaient dessus. C'était une jungle là-dedans! Dylan et moi n'étions pas prêtes à vivre parmi eux...
« J'espère que c'est pas ça ton super plan! » renchéris à l’égard de Salem alors que j'effectuais quelques pas en sa direction. Nous étions toujours vêtues de nos robes de soirée, nos escarpins aussi hauts qu'une montagne et nos visages aussi maquillés qu'un travesti. Il pensait vraiment que deux vampires tels que nous pouvaient survivre en ces lieux? Nous n'étions pas mieux que mortes si nous tentions de franchir cette limite! « Je pensais que tu avais une planque, une vieille usine délabrée ou encore un sous-sol mal entretenu à nous offrir! Tu nous as regardé? Penses-tu vraiment qu'on va s'abaisser à vivre avec les rats? » Des caprices? Peut-être bien. Mais après avoir passé toutes ces années sur la terre ferme, parmi les mortels et autres créatures supportées par les Originels, l'idée de croupir dans les ténèbres des métros me donnait la chair de poule. J'étais prête à me passer de ma garde-robe pendant quelques semaines s'il le fallait, à boire du sang de boeuf si c'était nécessaire, mais certainement pas à rivaliser avec des vampires internés depuis des décennies! Je jetai un regard inquiet à ma soeur, partageant certainement mes questionnements et mes craintes. Comment allions-nous pouvoir survivre? Comment allions-nous pouvoir nous nourrir? « Va falloir trouver autre chose, parce que ÇA, ce n'est pas une option! » m'emportais-je, au bord du désespoir.
L'Anti-Gravity avait disparu dans les flammes. Notre maison était probablement mise sous surveillance. Nous n'avions plus rien. Plus rien, sauf nous-mêmes.
Sujet: Re: ❝ welcome to your life ❞ - DYNAELEM Dim 8 Juin - 23:41
WELCOME TO YOUR LIFE
ft. Danae & Salem
Un goût d'amertume me restait sur la langue. Un goût d'incertitude envahissait ma bouche. Il crépitait dans l'air un sentiment d'incrédulité. Impossible. Ce mot résonnait en écho dans ma tête. Je ne pouvais croire en notre déclin car au final c'était bien de ça dont il s'agissait. On voyait notre chute arriver. Avec une rapidité déconcertante, notre univers venait de perdre ses fondations. L'Anti-Gravity avait péri sous les flammes et telles des fugitives, nous avions du fuir. Fuir mais pour aller où? Fuir mais pour suivre qui? Un lycan. Ce même lycan qui avait détruit notre gagne pain. Un lycan... ennemi naturel des vampires. Toutous des Originels. Il nous guidait parmi les ruelles les plus malfamées de la ville et quand bien même on lui devait la vie, une certaine rancœur comprimait mon cœur décrépie. Je ne voulais pas y croire. Je ne pouvais y croire. Et pourtant je savais que ça nous arrivait bel et bien. Et pourtant... je savais qu'un jour ou l'autre ça nous tomberait dessus.
- Les métros? T'es sérieux? questionna Danae, visiblement dépassée par les événements.
Instinctivement, ma tête se tourna vers ma soeur, prenant le temps de l'observer. Sa panique était mienne. Ma panique était sienne. Bordel! En plongeant mes prunelles dans les siennes, je ne vis que le reflet de mes propres ressentiments.
- Elle a raison. T'es pas sérieux? ajoutais-je, détournant mes yeux pour les poser sur Salem.
Danae et moi étions beaucoup trop belles pour croupir au fond d'un sous-terrain. Tout les vampires en manque allaient nous courtiser. Danae et moi avions des goûts beaucoup trop luxueux pour aller nous terrer dans des trous à rats! J'avais passé ma vie d'humaine, asservie, obéissante, à vivre dans la misère et l'ombre des autres. Il était hors de question que ma vie d'Immortelle me ramène d'une quelconque manière à cette vie de misère. J'avais su me surélevée. J'avais su saisir ma chance. Écraser les autres du bout de mes escarpins. En haut de l'échelle je voulais être et en haut de l'échelle, je devais rester. Au bord de la panique, je sentais la colère couver en moi. Sournoise, elle enflait à mesure qu'on parcourait le Bronx. L'indignation m'envahissait, s'infiltrant dans chaque cellules de mon corps alors que l'on pénétrait dans une bouche de métro. Non! Non!! ET NON!! On ne pouvait être vraiment là! L'évidence s'ouvrit à nous à l'annonce de Salem. Il allait partir et nous, on devait continuer. Non! NON!! ET NON!! Il était hors de question je me mette à bouffer des rats pour survivre! Il était hors de questions que je rase les murs dans la crainte et la peur des vautours que l'on trouverait dans ces tunnels. Il était hors de question que je me plis aux règles des Originels! Ils allaient nous le payer!! Poings serrés, je laissais cette colère grimper à défaut d'éclater en sanglot. Je devais rester forte. Pour moi mais aussi pour Danae.
- J'espère que c'est pas ça ton super plan! Moi aussi je l'espère bien!! ajoutais-je, en parfait perroquet alors que j'imitais ma soeur en me dirigeant vers le lycan. - Je pensais que tu avais une planque, une vieille usine délabrée ou encore un sous-sol mal entretenu à nous offrir! Tu nous as regardé? Penses-tu vraiment qu'on va s'abaisser à vivre avec les rats?
Haussant un sourcil, j'étais en léger désaccord avec Danae... moi j'avais espéré un autre loft de luxe, hors de la portée des Originels. Une vieille usine délabrée? Et puis quoi encore? Mes souliers Prada ne survivraient jamais à un endroit aussi humide! Mais malgré ce petit détail, j'étais du même avis que mon infant. Jamais nous comptions nous abaisser à vivre avec ... ces trucs là-haut, dans les sous-terrains. Nous étions les Reines de la Nuit. Pas les Reines des Rats.
- Va falloir trouver autre chose, parce que ÇA, ce n'est pas une option!
D'un hochement de tête, j'appuyais les dire de Danae!
- Et tu dois absolument nous ramener notre garde de robes! Il est hors de question qu'on s'habille comme de vielles gueuses!! Et tu dois nous trouver un appartement avec une salle de bain, un dressing et une chambre d'amis pour qu'on puisse stocker un garde manger. Tu as commencé un boulot, alors tu va le terminer correctement!
L’incrédulité et ce petit air dubitatif qui se calque frileusement sur les traits éthérés de leur figures d’albâtre me laisse, je dois bien l’avouer, narquois et moqueur. Je ne me réjouis pas de leur malheur, seulement, après avoir traversé un tel calvaire, il faut dire que le tableau qu’est en train d’esquisser cette scène bucolique est un brin hilarante. Sagement posté devant le portail de fer s’ouvrant sur la profondeur patibulaire des ténèbres, coi de fatigue, je les laisse aller dans leurs élans de pipelettes soporifiques et extatiques. Les guider au travers des entrailles poisseuses de la grosse pomme pourrie, cela n’est pas chose aisée et charmante. Notre belle randonnée s’est allongée sur de longs kilomètres, les minutes me paraissant s’égrainer de manière péniblement longue alors que les belles princesses éplorées s’échinent à bavasser des évènements passés et des augures sournoisement étalées devant leurs escarpins greffés prada-machinchouette. À maintes reprises, je dois me retourner vers elle et leur demander gentiment de fermer leurs belles gueules pulpeuses. Sur les sœurs Tweedledum et Tweedledee, mon ordre de gros méchant loup ronchon n’épanche rien d’autre qu’un effet de pétard mouillé. Elles ne se rendent pas compte de la gravité de la situation. Elles ne se rendent pas compte du danger attenant qui les guette sournoisement. Le refus catégorique qu’elles manifestent présentement n’est que la nuance mettant en évidence cette certitude. Et moi le pauvre con j’espère encore leur faire entendre raison.
- Bien sûr. Je vous dénicherai ce petit nid douillet. En prime de dédommagement, je vous dégoterai un loft champêtre, dont la grande baie vitrée vous offrira une vue magnifique sur toute la ville, que je j’annonce, dans l’ombre d’un sourire condescendant alors que mes deux billes de saphir se lèvent doucement à la considération de ces deux parodies cadavériques. Si j’ai risqué ma vie ce soir, trahis mon patron et emmenées ici, c’est simplement une tentative maladroite pour vous laisser savoir que je suis désormais votre humble serviteur, à ces paroles, une éclaire illustre illumine la pénombre de mes iris, ne pouvant dissimuler ma malice et mon ironie. Je me hâte à vos requêtes et vais immédiatement récupérer vos fringues !
Bien sûr, aussi expressif qu’Igor le croquemort et aussi chaleureux qu’un radiateur en panne, ma lourde charpente draconienne demeure immuable devant le treillis de métal et mes traits de fer se décomposent dans le marbre d’une austérité et inexpressivité abrutissante. Suffit les âneries ! Il est temps de laisser retomber mon armure de chevalier valeureux, d’enfiler mon costume de sac à patates de paysans barbu farouche et malodorant de surcroît. J’ai sauvé ces princesses des griffes du dragon, je les aie libérées du haut de leur tour esseulée, mon sale travail est fait et j’suis certainement pas là pour les traiter aux petits oignions ! Fusil à pompe niché dans le creux de mon épaule, je renifle, sans aucune pudeur, ce filet de morve qui commence dangereusement à gicler de mes narines alors que je me rapproche lourdement des caricatures de Snoop Dogg et de Madonna.
- En surface, votre espérance de vie se résume à un beau zéro tout rond. Votre gagne-pain est à feu et à sang. Vous n’avez pas d’amis. Vous êtes seules et à la merci de nos tyrans dentés. Si vous êtes encore en vie, ici, là, maintenant, tout de suite, c’est bien parce que je l’ai souhaité. Vos caprices d’enfants gâtées, j’en aie royalement rien à branler ! Vous n’êtes d’ailleurs plus en posture d’exiger quoique ce soit. Plus maintenant. Faites-vous une raison et accommodez-vous à ce nouveau mode de vie. Je ne serais pas là pour vous sortir de ces paquets d’emmerdes qui vous retombent sur le crâne… parce que vous êtes assez idiotes pour penser que jamais la colère divine ne s’abattra sur vous !
En leur crachant verbalement ceci à la figure, je contourne les belles ténébreuses et laisse retomber dans la paume de ma main libre le canon de mon flingue.
- Vous avez provoquées et créées votre propre sort. Cessez de jouer les martyres et voyez la vérité en face. Votre paradis s’est effondré parce que vous avez délibérément éraflé l’arrogance des Originels. C’est un miracle que je sois parvenu à vous extirpées vivantes de ce bain de sang. À ce sujet, je ne suis pas votre ami et encore moins votre boniche !
Sur quoi, en un clignement d’yeux à peine, je braque le canon de mon flingue dans le dos des poupées barbies cadavériques et mon indexe se compresse à deux reprises sur la détente. Un coup de tonnerre explose dans la sérénité inquiétante du lieu funèbre et ricoche contre les parois cimenté des murs suintant la misère. Les obus de plombs, rapides, perfides, se logent dans l’ivoire de leur chair cireuse, constellant leurs dos de cinq petits trous pourpres et rutilants. Pour poursuivre leur route sardonique et ressortir des poitrines en entraînant avec eux des lambeaux de chair rosées et d’albâtres. Profitant de ce vague de torture, je me rapproche d’elles, assène un coup de pied belliciste dans le creux de leurs reins et les contrains sans aucun ménagement à passer au travers du portail de fer. Les voyant s’écrouler lourdement parterre, je m’élance sur le portail et le referme à grande volée et fracas.
- Terrez-vous dans ce bled pourri et faites vous oublier. Osez remonter en surface et je vous promets que même la colère divine sera le synonyme de réconfort à l’égard de ce que je vous ferais subir si jamais je vous vois errer là-haut ! Les menaces étant dites, le portail étant de nouveau verrouillé, sans même jeter le moindre regard sur les deux loques humaines, je tourne les talons, fusil à pompe retournant se nicher dans le creux de mon épaule et les semelles caoutchouteuses de mes Rangers martelant le bitume abimé tel un lourd attelage.
Accueil 
