This is a game || Pv Sornn

L'instant versatile où la lumière s'anime dans son regard. Cet instant si éphémère qui précède l'horreur. Lorsqu'enfin il comprend, il est déjà trop tard. La flamme s'éteint. Son coeur se meurt et son corps se refroidi. La mort emporte son âme dans des horizons qui me sont encore lointain. Quels étaient ces dernières pensées? Quels étaient ces derniers souhaits? Nul ne le sait à part lui. Et c'est bien mieux ainsi. Alors que son palpitant trouvait refuge au creux de ma main, son corps tombait lourdement sur le pavé crasseux de New-York. Dors bien mon enfant. Car c'est à présent un repos éternel qui t'attends. Qui il était? Je ne le savais que trop peu. Ce qu'il avait fait? Absolument rien. Il s'était simplement laissé happé dans les filets de la séduction. Un jeu de regard. Des sourires. Et des sous-entendus qui ne dupent personnes. Est prit celui qui croyait prendre. Il se pensait prédateur. Il a finit gibier. Les humains ont parfois tendance à oublier qu'ils ne sont pas au-dessus de la chaîne alimentaire. Ils ne sont que tout en bas de l'échelle. Mais dans leur égo un peu trop grosse pour leur petite tête, ils finissaient par oublier. Je ne faisais que leur rappeler les règles naturelles qui régissent ce monde chaotique.

Une rivière carmin inonda sans pudeur le sol, se répandant tel un coulis de framboise. Odeur délicieuse qui se dégage de ce lieu sombre. L'odeur du sang. Je regardais cet élixir de vie s'écouler comme si il s'agissait là d'une oeuvre particulièrement belle. Et c'était le cas. Une oeuvre éphémère qui se retrouvera bientôt lavée par les larmes célestes. Haut dans le ciel, des nuages s'étiraient, recouvrant de plus en plus de surface. Cette grosse masse cotonneuse camouflait outrageusement la lune qui m'avait tantôt éclairé par ses clairs éclats. C'était dans l'air. Un orage allait éclater.

J'humais pour la dernière fois cette odeur de rouille et j'entreposa ce coeur encore chaud dans une boîte hermétique. Boîte que j'enfourna ensuite dans ma besace versas de cuir noir. En mettant mon petit cadeau à l'abris des regards, je pensais pouvoir me faire discrète. Chose curieusement difficile lorsque votre haut est tâché de sang. Il en était de même pour mon jean, bien malheureusement. Pas certaine que Danae apprécie... C'étaient ses affaires que j'avais emprunté. Pour ma décharge, je n'avais pas prévu de me faire de petit plaisir, ce soir-là. Hum. Tant pis.

Enjambant l'homme à la cage thoracique perforée, je m'éloignais de cette ruelle. Le théâtre des horreurs venait de fermer... pour le moment. Mais le tonnerre gronda, annonciateur d'une suite favorable à ce cauchemar.

Une âme vagabonde. Une âme de plus perdue dans les sombres ruelles de New-York. Une âme de plus destinée à mourir ce soir. Sous la lune inquisitrice, l'importun recevra l'ultime châtiment. Le châtiment de la mort. Une âme bien malchanceuse d'avoir trouvé en son chemin le prédateur. Il n'y avait pas de place pour l'erreur. Il n'y avait pas de place pour la compassion. Les rues de la ville sont souillés par le sang. Sans un mot, j'observais ce piètre humain retrouver ses esprits. Une chose qui ne lui semblait guère aisée. Les secondes s'écoulaient et il était toujours là, complètement à la ramasse. Une part de moi voulait le prendre en pitié. Une part de moi voulait s'épancher sur son cas. Et l'autre... ne voulait qu'une chose : s'amuser avec cette poche de sang ambulante. Mon humanité, disons le franchement, avait tendance à me casser quelque chose que je ne possédais pas.

Toutefois, l'instinct du chasseur prenant le dessus, je continuais de l'étudier du regard, alors que mes pas me rapprochèrent de cet étrange individu. A son odeur, je pouvais deviner le plus doux des arômes. Son sang dégageait une fragrance exquise qui émoustillée mes papilles mortes depuis plus d'un siècle. Mais c'était bien là la seule odeur agréable qui émanait de lui. Sans la moindre gêne, j'empiétais directement sur son espace personnel. Me trouvant outrageusement trop proche de cet inconnu, mes mains froides se saisirent sans ménagement de ses larges épaules d'athlète. Un sourire en coin se dessina sur mon visage animé d'un plaisir semi-malsain. Il était plutôt bien taillé pour un homme aussi égaré que lui. De façon vivace, je plaqua son dos contre ce mur crasseux mais ô combien solide.

- Tu empeste... constatais-je de façon définitive en plissant mon nez. Comme pour m'assurer qu'il ne s'agissait pas d'une poubelle renversée qui me donnerait cette impression, j'enfouis mon nez au creux de son cou afin de humer son parfum. Ce n'était vraisemblablement pas une manière très conventionnelle de rencontrer quelqu'un. Mais pourquoi s'entacher avec des conventions lorsqu'on prévoit de tuer l'individu en question? Les humains présentent leur respect à l'hamburger qu'ils ingurgitent? Pensez-vous qu'ils donnent trois rendez-vous galant à leurs cuisses de poulets avant de les enfourner dans un four? Moi non plus, je ne crois pas. Tu ferais mieux de prendre une douche... je déteste m'abreuver sur les clochards, grognais-je en me reculant. Non vraiment, je confirmais. Son sang possédait un arôme qui s'annonçait riche en goût. Mais pour le reste... Je préférais encore attendre. Et comme j'étais une vampire de luxe... Oh certes, je pouvais simplement lui briser la nuque. Mais... voyez ce visage. Cette mâchoire d'homme qui donne envie. Ses épaules masculines et son sang. Oh oui... son sang.

Malgré moi mes yeux s'assombrissaient et si je ne prenais pas mes distances, il se pourrait, qu'éventuellement, je croque dans le fruit pourri du panier.

- On se reverra , assurais-je en le relâchant. Une chose était certaine, c'est que nos chemins allaient se croiser de nouveau.