Depuis un certain temps, ce parc est devenu un peu comme mon lieu de prédilection. Peu importait le temps, l'heure - bien que je ne le connaisse que de nuit -, cet endroit était calme, apaisant. Le lieu parfait pour ruminer tranquillement sur un banc. Et pour pouvoir être tranquille, dans le Bronx, il faut vraiment le vouloir. De jour comme de nuit, il était impossible, ou du moins impensable pour une fille, de se promener seule. Sauf si, bien sûr, on a les moyens de se défendre. Comme une jolie paire de canines et une force dix fois supérieure à la normale. Mais ça, bien entendu, difficile de le deviner à première vue. Ces kéké de la cité, dont l'occupation principale est d'aller emmerder la première personne qu'ils croisent, reste ma cible favorite. Bien que, à l'heure actuelle, j'ai encore énormément de mal à contenir ma faim, je m'efforce de ne pas m'attaquer au premier passant qui croise mon chemin. Certes, je peux très souvent me comporter comme une vraie salope, j'ai tout de même un minimum de "pitié".
Et c'est dans un profond soupire, que je me laisse mollement tomber sur le banc, les mains dans les poches de mon superbe pull d'un groupe mythique, ou devrais-je plutôt dire, le superbe pull de mon père. Ce même pull que je portais, le jour où, pour lui, et pour le reste de ma famille, j'ai subitement disparue, sans prévenir. En même temps, je n'avais pas vraiment prévu de me faire bouffer le cou par un de ces putains de monstre. Monstre que je suis moi-même devenue, soit dit en passant... Et dire que je pensais qu'il me porterait chance, ce jour-là, ce pull. Regardez où j'en suis, aujourd'hui. Totalement seule, et meurtrière, par dessus le marché. Car oui, c'est comme ça que je me vois. Si vous saviez comme je me dégoûte...
Mes nuits se résument souvent à la même chose. Lutter contre l'envie de sauter à la gorge du premier venu pour le vider de son sang, observer le ciel étoilé et pollué de New York, et me ressasser des souvenirs. Agréables ou non, d'ailleurs. La plupart sont portés sur ma mère. Mais bien vite, je finis toujours par me reposer ces questions, qui n'auront peut-être jamais de réponse: Comment mon père réagirait, s'il me voyait, affligée ainsi ? Sa fille, qu'il a tant aimé, tant chérie, devenue un macchabée buveur de sang. Qu'est-il devenu ? Où est-il ? Où est Téa ? Téa... Même avec tous les efforts du monde, je ne peux pas m'empêcher de penser à elle. A l'heure qu'il est, elle doit me haïr. J'ai pourris sa vie par pur égoïsme. Elle ne méritait vraiment pas ça.
Je secoue vivement la tête entre mes mains pour chasser toutes ces pensées, qui me bouffent l'esprit. Lorsqu'au même moment, je sens comme une odeur plutôt agréable. Je dirai même alléchante. Quelqu'un approche. Eh merde. J'ai faim. Je cesse de respirer, capuche sur la tête et fixant mes pieds, j'attends simplement qu'il passe et qu'il s'éloigne, pour ne plus être tentée. Mais malgré tout, après plusieurs secondes d'attente, et une fois cette personne suffisamment loin, je sens une toute autre odeur. Beaucoup plus intrigante qu'alléchante. Je suis quasiment sûre de connaître ce parfum. Mais impossible de me souvenir qui il me rappelle. Par simple curiosité, je me décide à le suivre, essayant de laisser de côté ma faim. Discrètement, je marche quelques mètres derrière lui. Ou elle. A vrai dire, il a une capuche. J'accélère au fur et à mesure, jusqu'à me retrouver à seulement un mètre derrière. Ma faim reprend rapidement le dessus sur ma curiosité. Mes yeux s'assombrissent, tous mes sens s'éveillent. Je ne me contrôle plus... Ma main vient alors s'appuyer lourdement sur l'épaule de l'inconnu, prête à bondir sur lui...
Alors que mon futur repas se retourne, et alors que je suis sur le point de lui sauter à la gorge, je sens une main se poser sur ma gorge, puis, tous mes muscles se contractent, à demi paralysée. Cette pute est en train de m'électrocuter. Pourquoi je n'y avais pas pensé. J'avais bien une chance sur deux de tomber sur un mutant. Evidemment. Elle fini enfin par me lâcher, et, par réflexe, je me recule de quelques pas, le temps de reprendre mes esprits. Elle a seulement gagné le droit de mon mettre en rogne. Si elle pense que je vais abandonner. A cette distante, je peux entendre les battements de son cœur qui s'accélèrent, et sentir son sang couler dans ses veines... Ma faim me rend totalement incontrôlable, et s'il faut que je prenne plusieurs coups de jus, pour me nourrir, je n'hésiterai pas.
J'émets un léger grognement, mes canines en évidence. Et en une demi seconde, je me retrouve à seulement quelques centimètres de son visage, mon regard noir plongé dans le sien, prête à lui briser le cou. Mais quelque chose me stoppe aussitôt. Ces yeux, je les connait. Soudain, le parfum que j'avais senti, celui qui m'avait attiré vers elle, et qui avait attisé ma curiosité, juste avant que je me mette à vouloir la bouffer, me revient. Mon visage se décompose petit à petit, sans quitter son regard. Un étrange sentiment m'envahi. Je rêve, c'est impossible.
▬ Téa ?!
Alors ça, c'est la meilleure. Les pires retrouvailles qui puissent arriver. J'étais sur le point de bouffer ma demi-sœur, que je n'ai pas vu depuis deux ans. J'étais sur le point de la bouffer, elle...
▬ Je...
Je recule à nouveau, une main sur le visage. Si ça ne tenait qu'à moi, et bien qu'elle ne doit certainement pas s'y attendre, je lui aurai sauté dans les bras. Mais là, tout de suite, maintenant, j'en suis totalement incapable. Je continue de reculer, secouant lentement la tête.
▬ Vas t'en. S'il te plait. Je peux pas...
Non. Ça n'a rien à voir avec elle. Comme depuis le début. Comme depuis toujours... Malgré le choc, je suis toujours en état de faim incontrôlable. Et je ne veux pas la blesser, même si visiblement, elle a l'air de savoir se défendre ! Il faut juste qu'elle parte, vite. Je ne sais pas combien de temps j'arriverai à me retenir. Il n'y a absolument personne dans ce parc à cette heure. Et si je dois rapidement trouver une proie, elle doit partir le plus loin possible. J'ai l'impression d'être schizophrène. Je me bats intérieurement pour me calmer, mais je sens déjà mes mains trembler, et mes sens décuplés me donnent presque mal au crâne, à tel point que je perds rapidement patience.
▬ Dégage ! Lui criais-je, incapable de lui expliquer pourquoi.
Deux ans sans aucune nouvelle, sans rien. Et voilà que maintenant qu'on se retrouve enfin, par pur coïncidence, je lui demande de partir ? Pourquoi faut-il que je sois tombé sur elle ce soir... Je prie simplement qu'elle m'écoute et s'en aille, sans chercher à comprendre, la suppliant du regard.
Son visage ne ressemble plus à celui qu'elle avait avant. Son visage rond, ses pommettes rosées... Tout cela a dorénavant disparu. J'ai failli tuer ma demie-soeur. La fille qui m'a lâchement abandonné alors que j'allais avoir besoin d'elle et de son soutient plus que les autres peu de temps après. La fille qui m'a donné rendez-vous au starbucks et qui ne s'est jamais pointée. Pendant quatre ans, quatre longues années je l'ai attendu. Depuis ma mutation, tout les soirs j'étais à ce point de rendez-vous délabré où j'aurais pu me faire tuer mille fois. J'étais là, à attendre un fantôme qui ne viendrait jamais. A vouloir ressasser le passé, à ne pas vouloir croire à sa perte. Je voulais qu'elle vive, je voulais que l'on puisse avoir la relation que nous n'avions jamais eu pour je ne sais quelle raison. Je voulais son amitié, sa tendresse et ses mots gentils. Je voulais qu'Heaven m'apprécie, et qu'elle cesse de me faire souffrir. Ma main se décolle de son cou, tandis que tout mes membres se mettent à trembler. Je n'ai pas peur, je n'ai peur que de perdre les gens que j'apprécie. Je suis sous le choc, médusée de la voir se tenir là devant moi habillée comme une guenon elle qui était si jolie dans ses tenues de pastel. Elle a réussi à me faire aimer la couleur C'est pour vous dire à quel point cela lui allait à ravir. Elle est vivante, vivante. Elle ne s'est pas laissée mourir, elle n'est pas morte, elle se tient là devant moi. Les éclairs fusent, je ne contrôle rien et je sens la grosse migraine arriver. La foudre fend un arbre, bizarrement celui qui est le plus proche de nous. Heaven et moi, on est cet arbre. Sensé être soudé, mais pourtant séparées. J'ai le cœur au bord des lèvres, j'ai l'impression que le sol se dérobe sous mes converses toutes abîmées. Maman, elle est vivante. Vivante.
« Heaven, pourquoi tu m'aimes pas ? Hein ? » J'ai l'impression d'ouvrir ma gueule pour ne rien dire. J'ai peur de la réponse pourtant j'apprécierai de la connaître. La brune semble s'étouffer avec le plat que ma mère à préparer pour nous ce soir. Je ne veux pas être indiscrète. Seulement comprendre pourquoi elle me déteste si vite alors qu'elle n'a jamais fait l'effort de me parler aimablement ou de feindre s'intéresser à moi un minimum. Ma mère me fusille du regard. Comme si c'était tabou. Mon cul. Je tente d'intercepter son regard, elle se contente de se remettre de ses émotions et de me toiser. Comme d'habitude, ce serait con de changer. Je ne sais pas si elle se rend compte que ça fait mal, que c'est pas facile pour moi. J'suis pas du genre à m’apitoyer sur mon sort, mais j'aimerais savoir au moins si j'ai fais quelque chose de mal mise à part exister et avoir une part dans sa vie. Franchement moi j'lui en veux pas, si elle m'aime pas tant pis mas qu'elle me le dise clairement et devant nos parents respectifs pour éviter tout quiproquo futur. Comme la fois où elle s'est mise à me hurler dessus parce que je lui ai dit bonjour au bahut parce que je ne l'avais pas vu partir de la maison le matin, où la fois ou j'ai cru qu'elle allait m'égorger parce que je lui avait demandé si je pouvais lui emprunter un CD. C'est des conneries tout ça. Maman voit que j'ai de la peine. J'ai de la peine pour Heaven. J'ai de la peine qu'elle soit devenue un monstre de solitude et de tristesse. Je suis sûre qu'avant elle devait rayonner, elle devait être belle comme le soleil. Mais c'était avant, et je n'ai jamais connu cette fille là.
« RDV STARBUCKS, 6:00 P.M. NEED 2 TALK ASAP » C'est les dernier mots que j'ai eu d'elle. Je l'ai attendu. Je suis restée comme une idiote jusqu'à la fermeture. Assise, au fond de la salle proche de la fenêtre pour voir si elle arrivait. J'ai attendu, attendu, et encore attendu. J'ai bu un café, plus un autre, pour enfin en être à neuf. Elle n'est jamais venue. Ca aussi c'est pour me blesser Heaven ? C'est une de tes nouvelles lubies que de vouloir me blesser directement ? Félicitations, bravo. Et après c'est toi l'aînée ? Laisse moi rire. Tu me dégoûtes. J'ai fais des efforts, je me suis montrée empathique, compatissante et toi tu me traînes en laisse comme un vulgaire royal poubelle ? Va te faire foutre Heaven. Sache que quand tu rentreras à la maison, ta tête va en faire des tours sur elle même. Tu me répugnes. T'as été blessée par la mort de ta mère ? Tu détestes la mienne parce que tu as l'impression qu'elle veut prendre sa place ? Pardonne moi mais je ris. T'as t'elle déjà forcée à l'appeller Maman ? Ou Belle-maman ? Non. Juste Anna. Anna, quatre petites lettres, deux syllabes ça t'aurait écorché la gueule ? Tu sais que, à elle aussi, tu lui as fait du mal ? Et ton père parlons-en. Ca fait des semaines que tu es partie sans donner ne serait-ce l'ombre d'une nouvelle. T'as pensé à lui seulement espèce d'idiote ? Ton narcissisme est-il si grand ? C'est ta crise d'adolescente en retard que tu nous fait là ? T'aurais pas pu te teindre les cheveux en rose, te taper un quaterback, ou mettre des strings plutôt que de fuguer comme ça ? Mais bon t'es majeur, vaccinée tout ça après tout fait ce que tu veux. Mais j'te dirais une dernière chose. Va te faire mettre.
Les années ont passées, de l'eau à couler sous les ponts. Et pourtant je n'ai jamais oublié son regard. Elle à l'air aussi mal à l'aise que moi, si ce n'est plus. Elle est bizarre, changée, instable. Elle n'est plus humaine. Je le sais, je le sens. Que lui est-il arrivé ? Est-ce pour ça qu'elle n'est jamais revenue à la maison ? Parce qu'elle avait peur de la réaction de nos parents ? Ben avec la cadette qui est devenue une de ces erreurs de la nature à cause de cette explosion nucléaire ils n'auraient pas mouftés pour l'aîné. Elle tremble, est incohérente dans ses paroles puis elle se met à hurler. Elle me hurle de partir pour être polie parce que ça n'a jamais été son fort à la brunette d'être aimable. Ce n'est pas une lycane. Sinon elle aurait prit sa forme de louve pour m'attaquer. Les maudits de salem ont généralement tendance à être posés, et ils le savent depuis longtemps donc on écarte aussi cette hypothèse sauf que ça n'en laisse malheureusement plus beaucoup. Le jour de sa disparition aucune bombe ni de mine n'ont éclatées. Elle pourrait donc difficilement faire partie de mon « espèce ». Il ne reste que les vampires et là j'ai l'impression que je vais vraiment gerber.
« Calme toi ou j'te remet une châtaigne pigé ? »
Bravo Téa, très intelligent de tenir tête à un macchabée suceur de sang, Je tend une main tremblante en sa direction pour lui prouver que je suis sérieuse. Des étincelles bleutées parcourent mes phalanges. - Totalement hors sujet, mais jouer avec l'électricité me permet de me recentrer sur moi et de me calmer. - Tandis que de mon autre main je me prépare à me défendre. Je pourrais la bruler vive en quelque minutes si je pensais très fort au soleil et à ses rayons UV très protecteurs de nos jours. Mais je ne pourrai la tuer. L'assomer à coup de jus, oui et je n'hésiterai pas à le faire s'il le fallait et comme ça j'en profiterai pour la ramener à l'appartement le temps que le jour se lève pour pouvoir avoir une discussion avec elle.
« Qu'est-ce qui t'es arrivé Heaven? Qui t'as transformé ? »
Toutes ces années, perdues. Toutes ces années, à me battre contre moi-même. Dans un sens, je peux le dire, ce qui m'est arrivé m'a permis de tout quitter, et de recommencer à zéro, ailleurs. Je pensais que quitter tous les êtres qui m'étais chers, me sauverai, que tout irai mieux, que j'oublierai. Mais j'étais bien loin du compte. Il me fallait tomber nez à nez avec Téa, pour le comprendre. Quelle conne, franchement. Quelle égoïste.
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▬ Heaven, pourquoi tu m'aimes pas ? Hein ?
Ces mots me poignardent. Je manque de m'étouffer au passage. Qu'est-ce que je peux bien répondre à ça, honnêtement. Rien. Certainement pas devant les parents, qui, au passage, se sentent bien mal à l'aise, à cette question. Ma réponse ? Le regard habituel. Massacrant. Aussi massacrant pour elle, que pour moi. J'en ai marre de ce petit jeu. J'en ai marre de pourrir la vie de tout le monde dans cette famille, à cause de mes conneries. Pourquoi Téa ne voit rien ? Pourquoi ne voit-elle pas ce message que j'essaie en vain de lui faire comprendre. Tout simplement parce que je ne suis qu'une salope avec elle, et qu'à force de la regarder de cette façon, il n'y a probablement plus aucune chance qu'elle puisse voir quelque chose d'autre que de la haine. J'en ai mal au cœur. Sa question m'a coupé l’appétit. Sans dire un mot, je me contente de me lever brutalement de ma chaise, et quitte la table sans adresser un seul regard à personne. Putain de vie. Je vais craquer. Il faut vraiment que ça cesse. Même si elle risque fort de ne pas comprendre pourquoi... Pourquoi j'agis ainsi pour cette raison, comment c'est arrivé? Si seulement je le savais ! J'arrêtai peut-être de me prendre la tête à ce point.
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▬ Calme toi ou j'te remet une châtaigne pigé ?
Sa voix résonne à moitié dans ma tête, un peu comme un écho. J'ai mal. C'est à peine si je fais attention à l'orage qui gronde dangereusement autours de nous. La tête entre mes mains, je m'efforce de me calmer, faisant abstraction de cette putain de faim qui me contrôle totalement. *Merde, Heaven ! Téa est là, face à toi, et toi tout ce que tu sais faire, c'est penser à bouffer ?! Vraiment, pathétique. C'est peut-être le moment ou jamais de te lancer. T'avais une chance sur je ne sais combien de tomber sur elle, alors ne la laisse pas passer.* Je prends un profonds soupire, serre les dents, ferme les yeux quelques secondes. Je n'ai rien à craindre. Je connais Téa, je sais que même si je n'arrivai pas à me contrôler, elle le ferait. Et puis, elle a ce qu'il faut pour le faire. D'ailleurs, comment est-ce arrivé ? Depuis quand est-ce qu'elle possède un tel pouvoir ? Surement depuis que je suis partie... J'ignore ce qu'il s'est passé, mais il faut que je le sache.
J'arrive plus ou moins à me calmer. Il me suffit juste de ne plus penser à ma faim. Il me suffit juste de la regarder, et de ne plus faire attention aux battements de son cœur. Parce que c'est ça, qui me rend folle. Le cœur, puis les veines... Je tremble encore, mais il semble que mes yeux ne sont plus aussi sombres, et mes canines ont repris leur taille initiale. Je reste néanmoins légèrement éloignée de Téa, par peur de recommencer.
▬ Qu'est-ce qui t'es arrivé Heaven? Qui t'as transformé ?
Je me mets à fixer mes chaussures, cherchant comment lui expliquer l'histoire, pour qu'elle comprenne le pourquoi du comment de ma disparition. De toutes façons, je n'ai pas vraiment le choix de répondre à ses questions. J'avais oublié à quel point elle est têtue. J'aurai beau lui demander de partir, elle n'en fera qu'à sa tête. Je ne peux pas me défiler une nouvelle fois.
▬ Je suppose que tu te souviens de ce jour, où je t'ai demandé de me retrouver au Starbucks... Je relève la tête pour la regarder dans les yeux Je t'assure que je voulais pas te poser un lapin. J'étais là, juste devant. Mais... Regardant à nouveau mes pieds Il... était là, lui aussi. Celui qui a tué ma mère. Il était là et il... Je marque un long temps de pause, sentant une boule se former dans ma gorge. J'ai pas voulu revenir à la maison après ça. J'avais peur, de vos réactions, de moi-même. J'avais peur de m'en prendre à vous sans le vouloir. Je voulais surtout pas vous faire du mal. Tu sais pas ce que c'est... Je peux plus me contrôler, quand j'ai faim. Je suis plus moi-même. Comme il y a deux minutes. Ça demande un effort surhumain pour se calmer...
Nouveau temps de pause. Je me rends compte que c'est certainement la première fois que je dis quelque chose de "gentil" à Téa. Mais après tout, c'est normal. Je ne voulais surtout pas leur faire de mal. Je me décide enfin à me rapprocher légèrement d'elle.
▬ Je suis désolée. Pour le lapin. Je suis désolée d'avoir été une salope avec toi, de t'avoir pourris la vie... D'avoir été la pire des demi-sœur. Si je pouvais revenir en arrière... Et si j'avais su, je t'en aurai parlé beaucoup plus tôt... Je peux comprendre, si tu m'en veux toujours. Après tout, je le mérite bien.
L'heure des demi-révélations. J'ai enfin réussis à sortir ces mots. Ces mêmes mots que je pensais ne jamais pouvoir dire un jour. Je pense que le fait d'avoir vécu cette transformation, m'a fait comprendre à quel point la vie est instable, et ne tient qu'à un fil. J'ai tout de même de la chance de pouvoir encore être là. J'ai surtout de la chance d'être tombé sur elle, ce soir. Peut-être qu'il est temps de prendre un nouveau départ. Même si j'ai toujours ce secret enfoui en moi. Enfin, si elle veut bien me pardonner pour tout ce que je lui ai fait...
Mon coeur bat à une vitesse à tout rompre. Ca fait mal, si mal. J'ai l'impression que mon coeur va sortir de ma poitrine pour taper un sprint et s'enfuir. Je pourrais faire pareil, j'aimerais bien m'enfuir, mais je peux pas mes jambes sont bloquées au sol et ma main est figée, tendue devant moi, menaçante. La pluie commence à tomber, la nostalgie m'envahie. Je repense à toutes ces années. Celles ou j'essayais d'avoir une relation d'elle, ou j'essayais de devenir son amie ou ne serait-ce qu'elle m'apprécie un minimum! Mais non, tout ce que j'avais le droit c'était sa figure blasée, ses mots douloureux et sa haine son nom. Je pensais à ces années ou je l'ai cherché, ou j'ai gaspillé mon temps à l'attendre devant ce foutu starbuck tout les soirs possible à la même heure, l'heure de ce fameux rendez vous en espérant la voir ou ne serait-ce que l'aperçevoir. Mais non, il fallait que ce soit ce soir, que ma tête et mon esprit me poussent à sortir changer d'air et tout ça pour que je tombe sur elle. Elle était toujours aussi belle, voir plus. Totalement identique mais pourtant si différente.
Je l'écoute raconter son histoire et mon coeur se tord. Ce qu'elle a suit est horrible. L'homme qui a brisé sa vie, le lui a enlevé. Elle est morte, décédée, elle n'est plus humaine. Elle boit du sang, tue des gens, et si ils étaient innocent? Comme sa mère? Non ce n'est pas possible elle ne serait pas capable de faire ça sans se haïr intérieurement. Je ne sais pas comment réagir. C'est un prédateur, mais je n'ai rien à craindre des prédateurs je le sais. Mais c'est ma demie-soeur, j'ai grandis un moment avec elle. Et la savoir comme ça, ne me répugnes pas c'est plus étrange. J'ai mal pour elle, je sais qu'elle souffre. Je ne sais pas quoi faire, et la météo le fait sentir. La pluie s'abat plus fortement par moments, mes cheveux blonds sont détrempés, mes fringues sont trempés, j'ai froid et pourtant j'aime pas la pluie parce que mon don électrique est incontrôlable dans ces cas là et je veux pas clamser électrocutée. Je baisse les yeux le temps de remettre mes mitaines. Je ne sais pas si c'est une sage décision mais j'espère que le coup de jus que je lui ai infligé lui a ôté toute envie de me sauter au coup pour siroter du A négatif irradié. Il paraîtrait d'ailleurs que nôtre sang est genre super dégueulasse et que ça les rend malade. Mhh.
Voilà qu'Heaven se met à s'excuser. Elle s'excuse de ce qu'elle m'a fait endurer pendant toutes ces années. Si elle savait... Si elle savait ce que ça fait d'être blessée de la sorte par la seule personne qui peut vous atteindre. C'est un jeu malsain. Un jeu qui a tendance à détruire des vies, à croire que moi j'étais plus forte que ça. Mais ça laisse des cicatrices. On dit toujours que l'ignorance est la pire des choses et je peux affirmer que c'est vrai. J'aimerais lui mettre une gifle. La gifler sèchement, fort, et rapidement. Lui laisser une trace rouge sur sa peau de porcelaine mais c'est dangereux de se frotter à un vampire à ce qui paraît, il faudra donc que je me contente de la décharge qu'elle a reçu comme vengeance. Je n'ai pas eu le temps de savourer et c'est bien dommage.
"T'as quelque part ou tu pieutes? Pas dans un cerceuil moisi j'espère. Parce que sinon mon appart est dans les combles et c'est pas très éclairé. Tu pourrais venir, si tu veux."
Bordel Téa t'es folle? Complètement masochiste? La pluie arrête de tomber, les nuages se dégagent. J'essaie de la mettre en confiance, c'est compliqué parce que même moi je ne le suis pas. Mais j'essaie comme je peux. Je lui jette un coup de tête vers chez moi et j'me met à marcher en espérant qu'elle me suivra. Le soleil ne devrait pas tarder à se lever. C'est l'été est ici il fait jour tôt. Je tiens pas à la voir se désagréger devant moi alors que nos venons juste de nous retrouver. Et il faut que je réfléchisse à la manière d'organiser des retrouvailles avec les parents. Deux humains, un vampire, et un mutant, sympa le tableau de famille n'est-ce pas? C'est cool, c'est atypique, comme le couple Connely Peters. Mais c'est quand même zarb et carrément flippant. J'essaie de réfléchir à toute vitesse mais mes neurones semblent se mettre en stand-by. J'suis claquée et je sens que je ne suis pas prête de pouvoir me coucher. Ca va être joyeux, demain. Cherchez pas, il ne va pas faire beau demain et je m'en excuse d'avance.
Les excuses. C'est une chose dont j'ai horreur. Oui, je l'avoue, j'ai une fierté de merde. Un pardon m'écorche, un désolé m'arrache. Bref. Pour une fois, j'ai réussis à sortir un monologue afin de prouver à Téa que je suis sincère, et visiblement, je n'en suis pas morte - peut-être parce que je le suis déjà, d'une certaine manière...
Je m'attends à ce qu'elle s'avance vers moi et me balance mes quatre vérités, ou une magnifique gifle dont je me souviendrai longtemps, mais il faut croire qu'elle en ait décidé autrement. La pluie fini par cesser, et je comprends très vite qu'il s'agit simplement d'une réaction à son humeur. Je pensais que son pouvoir était l’électricité, mais c'est bien plus que cela. Téa baisse donc sa garde. Et même si je ne me fais pas totalement confiance, je me sens déjà mieux, et je sais que pour le moment, il n'y a rien à craindre.
▬ T'as quelque part ou tu pieutes? Pas dans un cercueil moisi j'espère. Parce que sinon mon appart est dans les combles et c'est pas très éclairé. Tu pourrais venir, si tu veux.
Sa proposition m'étonne plutôt. A peine retrouvées, elle me demande déjà si je peux dormir chez elle. Certainement une très mauvaise idée ! Mais j'avoue n'avoir aucune envie de la quitter maintenant. Je n'avais pas remarqué que le soleil est bientôt sur le point de se lever. Misère ! Je n'ai même pas trouvé de quoi me remplir l'estomac. Façon de parler... Et j'ignore si je pourrai tenir très longtemps comme ça, surtout si je me retrouve chez elle... Cela dit, je ne me vois pas vraiment refuser son invitation.
▬ C'est gentil...
J'affiche une légère grimace, le temps de réfléchir, puis fini par me décider. La voyant s'éloigner, j'accélère le pas pour la rattraper, et me mets à marcher à son allure, non sans laisser une distance de sécurité entre nous. Le "beau temps" est revenu, le parc est toujours aussi désert. Téa ne dit rien, se contente de regarder où elle marche, sans m'adresser un regard. Elle doit être aussi mal à l'aise que moi. Il faut dire que nous n'avons jamais tenu de conversation toutes les deux, étant donné que j'y ai toujours coupé court... Du coup, nous avons énormément de choses à rattraper toutes les deux. Et pourtant, aucune de nous ne sait par quoi commencer... Le silence commençant sérieusement à me gêner, je décide enfin à parler.
▬ Comment c'est arrivé... Tes pouvoirs ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
Je me mords la lèvre, ne sachant pas comment m'y prendre avec elle. C'est une première, après plus de cinq ans à se côtoyer, c'est la première fois que je lance une conversation avec elle. C'est aussi une façon pour moi, de ne pas faire attention à ma faim, qui continue de m'emmerder. A vrai dire, j'ai tellement de questions à lui poser, mais je crois que si je ne me contiens pas, je risque de lui faire peur. Bien sûr que je me suis toujours intéressé à elle. Depuis toutes ces années, j'ai voulu apprendre à la connaître, découvrir ses secrets... Mais malheureusement, j'étais bloquée, totalement bloquée. Comme une abrutie. Si aujourd'hui, j'arrive à lui parler, c'est certainement un miracle, ou bien le fait d'avoir pu prendre un peu de recul, et me retourner le cerveau afin de me remettre dans le droit chemin. Je ne sais pas si un jour, j'arriverai à tout lui déballer. Mais vraiment tout. Peut-être qu'il vaut mieux que je reste muette sur ce sujet. Je viens à peine de la retrouver, je ne veux pas la faire fuir pour une connerie. Si je pouvais, avant tout, gagner sa confiance, et devenir ce que j'aurai dû être pour elle depuis le début, une sœur, ce serait une belle avancée.
Je ne suis pas le genre de fille à être "gentille". Je suis plutôt aimable, quand j'en ai envie et encore ça dépenda vec qui. On est gentil avec ses amis, sa famille. On est aimable avec des connaissances et j'ai toujours eu plus de connaissances que d'amis en fait et la seule ma famille qui me reste, du moins me restait jusque ce soir était ma mère et mon beau-père, que j'aime comme un père mais ça on s'en fous. Mise à part sur le papier, Heaven n'a jamais vraiment été une soeur. Elle ne me prêtait aucune attention et après deux ans j'ai lâché l'affaire pensant que je souffrirai peut être moins de son indifférence en me créant une carapace dans laquelle me replier pour ne pas montrer mes souffrances. Et puis elle a disparu, comme ça, soudainement, sans prévenir. Elle a laissé un vide, un gout amer dans la bouche, des pensées flottantes, une cicatrice.
Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qu'elle me suit. Je n'ai pas une ouïe si fine que ça, mais elle traîne les pieds. Pour un suceur de sang c'est rare ils aiment bien ne pas se faire entendre pour préserver l'effet de surprise mais bon vu qu'elle va me suivre jusque chez moi à présumé vu qu'elle ne s'est pas barrée à l'autre bout du parc après ma proposition je prend ça comme une acceptation. Qu'est-ce qui m'a pris de lui proposer de squatter dans mon appartement, non mais sérieusement quoi... Un vampire, avec un mutant bras dessus bras dessous? Elle avec son O+ et moi mon mojito en terrasse d'un café? Non mais franchement... Mais c'est ma soeur, et je ne peux pas la laisser dehors plus longtemps, deux ans à errer en solitaire ça doit déjà peser et je m'en voudrai de la laisser une minute de plus seule, alors que je l'ai été pendant toutes ces années.
Elle ouvre la bouche, c'est bizarre parce que je me souvenais de sa voix comme plus grave. Est-ce un de ces trucs qui fait partit de la transformation? (Oui je vais pas dire la mutation, c'est déjà assez pénible comme ça hein.)Et en parlant de mutation, la voilà qui me questionne sur ce qui m'est arrivé et c'est bizarre cette sensation qui m'envahis à chaque fois que je repense à cet "incident". Ce n'est ni une bonne, ni une mauvaise chose au final.
"On était à Cleveland, pour un weekend. Les parents avaient besoin de se changer d'air et m'man n'avait rendu à sa mère depuis des années. En rentrant à l'appartement qu'on avait, avant de s'installer à New-York, une bombe nucléaire à explosé. Ils étaient à l'abris, mais j'avais traîné des pattes. J'imagines que c'est bien fait pour moi. Et un orage à éclaté au même moment. J'ai été foudroyée et depuis je suis comme surtension depuis. Je peux électrocuter, me servir de l’électricité pour me "recharger" et j'ai une grosse affinité avec la météo comme tu as pu le voir. Si je me sens maussade, il pleut. En colère ce sera une grosse averse avec un orage mémorable. Si je suis de bonne humeur le soleil sera au beau fixe. Ca ne marche que dans la ville ou je me trouve, mais c'est déjà ça. J'ai fais tombé la neige, l'an dernier. Tu aurais vu ton père... Je suis restée plusieurs jours sous les décombres et j'ai erré dans la ville où j'avais grandi qui ressemblait à un champ de bataille. J'ai trouvé un groupe de Mutants qui se dirigeaient vers NY et ils m'ont déposé. Les trois loustics sont devenus mes meilleurs amis. Un mal pour un bien dirons-nous."
Nous avions quitté le parc sans que je m'en rende compte, et nous étions proche de mon immeuble. Je lui indiquai que nous étions arrivées. Pas loin, pourtant j'ai l'impression que cela faisait des heures que nous nous étions retrouvées. Étrange, étrange.
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Going Nowhere [PV - Téa]
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