BANG BANG, I
SHOT YOU DOWN.
hades vs. ryker
Some of them want to use you. Some of them want to get used by you. Some of them want to abuse you. Some of them want to be abused. Everybody' s looking for something.
Ces putains de sangsues avaient bouffé ton dealer.
Depuis plusieurs minutes que tu courais, tu n’avais que cette fatalité en tête. Bousculée, de temps à autres, par un charmant :
« putain de merde » intérieur, manifestant avec une exactitude certaine la situation délicate dans laquelle tu te trouvais. Il y avait quelque chose que tu ne perdais pas de vue, et qui te faisait bien plus peur que le cadavre de ce bon vieux Bobby : tu savais pertinemment que tout rapide que tu étais, tu ne ferais jamais le poids face à la course d’un vampire. Tu n'aurais jamais pu atteindre le centième de leur célérité que dans tes rêves les plus fous. Et comme on le dit si bien, les rêves, c’est fait pour être rêvé. Là, t’étais dans la putain de réalité, et ces satanés buveurs de sang allaient te tomber dessus en moins de deux, pour peu qu’ils captent le chemin que tu avais emprunté. Heureusement pour toi, tu avais aperçu de loin l’étendue des dégâts et tu avais fui avant que ton odeur ne leur parvienne. Autrement, dit, tu avais pris de l’avance.
Et autrement dit, mieux valait qu’il en soit ainsi.La lune éclairait largement la ville. Très peu de nuages venaient masquer l’astre et son règne était quasi absolu. L’heure pour les créatures de la nuit de sortir de leurs misérables piaules, de leurs trous à rats répugnants, et de venir terroriser les faibles et inconscients mortels ayant l’audace ou la stupidité de s’aventurer sur leurs terres.
Les mecs comme toi, quoi. Quelle idée de dealer en pleine nuit. Quelle idée de vouloir faire passer ta marchandise dans les coins comme ça. C’était la galère, ces derniers temps. Tu perdais tous tes pigeons, les uns après les autres. Et cette histoire commençait à te faire chier. Te blaser.
Mais te faire flipper, pas encore tout à fait.Silencieux, ou du moins tant que tu le pouvais, tu louvoyais dans une ruelle, évitant astucieusement les obstacles en tout genre. Tu avais été éduqué à être un chien ; un redoutable clébard. Tu avais été élevé pour garder en vie quelqu’un, et dieu sait à quel point il était difficile de tenir ce genre d’objectifs sur la durée lorsqu’il s’agissait d’un tiers. Mais là, il n’y avait plus que toi.
Toi, et ta sixième vie. Si tu trépassais, tu te contenterais de brûler. S’ils te tombaient dessus, à cette seconde précise, et que l’idée leur venait de faire de toi leur deuxième casse-croûte, tu serais condamné à te consumer à nouveau, et à renaître de tes cendres. Tu aurais
vraiment aimé t’épargner cette petite peine. Bon sang, tu n’avais que vingt-cinq ans ! Tu entrais tout juste dans l’année de tes vingt-six. Et l’apocalypse n’était
pas une raison valable pour crever aussi jeune.
Tu n’en pouvais plus. Tu aurais aimé que tout s’arrête. Tu aurais aimé savoir qu’en sombrant, tu verrais la lumière — soit-elle blanche ou noire, même si une lumière noire on n’y croit pas trop — au bout du tunnel. Tu aurais voulu être certain de ne jamais plus ressentir cette affreuse sensation de tout laisser échapper. De te sentir partir, mais d’être retenu par la douleur indescriptible au bas de ton dos. Douleur qui s’estompe. Douleur qui s’oublie. Douleur qui disparaît, au moment même où les flammes léchaient ta peau de marbre, et te dévoraient sans te laisser la moindre chance de revenir.
Douleur qui pourtant, te rattrapait toujours, même au travers de la mort. Un jour, cette cicatrice ne serait plus. Un jour, tu aurais le loisir de crever en paix, comme tous les autres mortels de ce monde. Comme ce petit crétin de Bobby qui venait de faire complètement capoter ta soirée, entre autres. Mais en attendant, tu étais condamné à te réveiller. Pire que cela, même : à repartir de zéro. Et, à cette seconde précise, c’était bien la dernière chose dont tu avais envie. C’est vrai, quoi. Tu l’aimais bien, ta vie. Même si lorsqu’elle comprenait deux sangsues collées à tes basques, tout devenait subitement beaucoup plus relatif.
Tu savais parfaitement où tu te trouvais. Tu n’avais pas vraiment calculé ton coup, mais en venant au point de rendez-vous ce soir-là, tu t’étais fait la remarque, en un léger sourire, que tu n’étais pas bien loin de
son appartement. Et maintenant, tu espérais surtout que cela te sauverait la vie. Bien maigres espoirs, lorsqu’on sait qu’il te restait encore un immeuble à dépasser, et que tu sentais la course des deux vampires sur tes talons. Ils allaient rattraper leur retard d’une fraction de seconde à l’autre. Et quoi qu’on en dise, tu n’étais pas si loin que cela de ton point de départ.
Juste le temps pour eux de se rendre compte que le petit vermisseau qui devait rejoindre leur victime venait de leur filer entre les doigts. Une quarantaine de secondes, tout au plus.
D’un coup de pied, tu enfonças une porte déverrouillée — c’est ce qui s’appelle communément enfoncer une porte ouverte, mais dans l’urgence, hein — et tu pénétras dans l’immeuble qu’il te restait à passer. Tu n’avais pas la moindre idée de l’étage auquel se trouvait son appartement. Tu ne te souvenais d’ailleurs plus vraiment de la manière dont tu avais su où il habitait.
Ah si. Des lettres sur le bureau de son salon de tatouage. Tu grimpais les escaliers à toute allure, avalais les marches quatre à quatre. Pas le temps de s’enfermer dans les souvenirs, aussi torrides soient-ils.
Jamais tu n’aurais remarqué ces lettres si tu n’avais pas pris le temps d’observer autour de toi, en te rhabillant. Au troisième étage, tu arrêtas de grimper. Tu venais d’entendre la porte du bas de l’immeuble s’ouvrir en fracas.
Ça y est. Ils étaient là. Mais tu n’étais pas venu ici pour rien. Tu
savais que ce n’était pas là que vivait Ryker. Mais dans l’urgence, c’était toujours mieux que rien.
Les gens étaient cons. Ce fut la remarque que tu te fis alors que tu enfonçais d’un coup de pied la porte — verrouillée cette fois — de l’appartement que tu calculas comme donnant sur l’immeuble que tu avais pris pour cible. Un hurlement strident retentit à l’intérieur, lorsque tu te précipitas dans l’habitation.
Juste au bon moment. Quelques secondes avaient été suffisantes aux deux vampires pour grimper jusqu’au troisième étage. Tu te retournas vers eux. Ils restèrent bloqués devant la porte, les traits fous. La jeune femme venait de débarquer du salon où elle se trouvait. Tu l’attrapas par les épaules, immédiatement après avoir refermé la porte de l’appartement d’un coup de pied, brisant le nez de l’un des vampires — du moins le déduisis-tu à son cri.
« Écoutez… Elle n’écoutait pas. Elle se contentait de crier. ÉCOUTEZ ! Elle se tut. Faut pas les laisser rentrer, d’accord ? D’accord ? insistas-tu. Elle hocha vigoureusement la tête. Ne leur dites rien qui pourrait être interprété comme une invitation. »
Si tout le monde avait fait comme toi et s’était précipité dans la première habitation disponible, le quota de morts par morsure aurait été bien amoindri. Mais les gens n’avaient pas le réflexe. Ils préféraient courir, et rester à découvert dans les rues.
Libres à eux de ne pas avoir le moindre instinct de survie. Tu lâchas immédiatement la fille, et te mis à courir dans son appartement. Tu cherchais quelque chose. Une fenêtre, plus précisément. De la porte de la salle de bain ouverte, tu aperçus ce que tu voulais ; une petite lucarne donnait sur l’immeuble de ta convoitise.
Pourquoi vouloir aller jusque là-bas ? Parce que tu ne te sentais pas vraiment en sécurité, ici. Même s’ils n’avaient pas le droit de rentrer, tu n’avais pas la moindre confiance en cette fille.
Peut-être marchanderait-elle pour vendre ta peau, en pensant sauver la sienne. Bref. Pas confiance. Et bien qu'elle soit relativement gâtée par la nature et que les dentelles de sa nuisette auraient rendu fou plus d'un, pas envie de planter ton cul ici jusqu’au matin. Alors, tu bouges.
La chambre offrait la perspective idéale pour ton petit plan — un tantinet suicidaire tout de même. Tu ouvris en grand la fenêtre. C’était fou. C’était
complètement fou. Mais l’immeuble n’était pas si loin. Les échelles de secours accrochées sur toute la façade du bâtiment étaient encore plus proches. Tu pourrais facilement en attraper une. Et te démerder pour rentrer chez quelqu’un. Ouais. Ç’allait le faire. Pas de souci là-dessus.
Un, deux… Trois ? En général, tu te lançais à deux. Ça évitait le suspens insoutenable entre deux et trois. Et cette fois-là encore, c’est ce que tu fis. Tu avais pris tout l’élan que tu pouvais. Ton pied s’appuya sur le rebord de la fenêtre — y a que les boulets pour se prendre les pieds dedans, et pendant un instant tu eu peur de rentrer dans cette catégorie par accident — et tu sautas.
C’était plus loin que ce que tu n’avais pu calculer. Tes mains se refermèrent sur une barre en métal froide. L’une lâcha rapidement, mais tes cinq doigts restants gardèrent fermement leur position. Tu serras les dents, alors que tes épaules en prenaient un coup.
Et merde. À la force des bras, après t'être raccroché à deux mains et sans trop de difficultés, tu te hissas sur la petite plateforme métallique. Sans perdre de temps, tu explosas la vitre de la fenêtre qui y donnait, et tu rentras — encore une fois — par effraction dans l’habitation. Au moins, le temps que tes assaillants ne comprennent ce que tu avais dans l’idée, tu t'étais remis à l'abri ; et tu avais peut-être même encore de la marge pour atteindre ton objectif.
Y a que dans les films que le héros trouve du premier coup. Et toi, t’avais clairement rien d’un héros. T’étais même pas américain. Après un cri de surprise et sa femme cachée derrière le canapé, le propriétaire de l’appartement attrapa l’arme qu’il avait à portée de main, et tenta de te frapper. Tu pris un premier coup, avant de te redresser d’un grognement et de venir le désarmer. Tout en lui tordant le poignet et en braquant l’arme — bien que blanche — vers sa femme, tu lui demandas
le plus aimablement possible :
« R–Ryker. Katzs. Ryker Katzs. Quel étage ? » Sois un gentil voisin. La curiosité est un excellent défaut pour sauver sa peau. Tu tordis un peu plus sèchement, sans aucune pitié pour le pauvre homme. Ce connard t’avait frappé. Il poussa un léger cri de douleur. Ce fut sa femme qui répondit précipitamment, priant visiblement pour la vie de son époux. « Arrêtez ! Arrêtez ! Dernier étage, ce… C’est le dernier étage ! L’appartement tout au fond, le… Le 28 je crois… S’il vous plaît, laissez-le… » « J’vous remercie. »
Sans plus attendre, tu relâchas complètement ta pauvre victime, lui remettant son arme en main, et filant au hasard jusqu’au corridor. Un coup d’œil. Il menait à la porte d’entrée. Tu déverrouillas rapidement celle-ci, et jetas un coup d’œil à l’extérieur.
Personne. Et pas un autre bruit que ceux qui provenaient du logement derrière toi. À tous les coups, les vampires étaient encore de l’autre côté.
Tant mieux. Tu ne perdis pas de temps.
Dernier étage. Manquait plus que ça. Tu grimpas les marches quatre à quatre. Une fois, tu manquas de tomber, mais te rattrapas in extremis. Et finalement, à bout de souffle et un point de côté fulgurant te sciant en deux — les escaliers c’était pas ta spécialité — tu parvins au dernier étage.
28… 28… 28. C’était même marqué Katzs, sur la sonnette. Tu essayas d’ouvrir la porte. Sans grand succès. Il était bouclé à double-tour chez lui, ce con. L’idée te traversa un instant l’esprit d’enfoncer la porte. Mais ton poing s’était d’ores et déjà mis à tambouriner plutôt que de laisser ton pied frapper. Tu saignais de la lèvre, et du nez. Le voisin d’en bas ne t’avait pas loupé. Et les vampires sentiraient sûrement cette odeur de bien loin. Alors, ils comprendraient que tu avais filé — si ce n’était pas déjà fait. Raison pour laquelle Ryker avait plutôt intérêt à t’ouvrir. Et ce, rapidement.
« Allez… Allez ouvre… »
Tu attendis un peu. Puis tu recommenças à tambouriner. De toute manière, ton murmure ne serait pas passé par la porte ; tu ne parlais pas assez fort, tu chuchotais presque, même. Tu ne voulais pas alerter tous les autres voisins. Tu voulais juste qu’il ouvre. Qu’il ouvre, et qu’il t’offre un minimum d’hospitalité. Ton intrusion n’était pas prévue ? Tant pis. Tu le dédommagerais.
Cela t’aurait simplement bien arrangé de ne pas avoir à lui rembourser sa porte d’entrée, en plus du pansement qu’il allait te refiler.
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