Toujours confiné dans le creux de mon intellect, je me délecte de ses traits si doux et parfaits. Mon œil clairvoyant embrassant l’esquisse éthéré de son visage séraphique, savourant l’ivresse, bercée par mon art d’engourdir l’esprit et d’apaiser son cœur. La physionomie rieuse du joli petit ange déchu sur terre s’illuminant d’un sourire sincère, voyant reluire sur le satin de sa chair, une pâleur nouvelle, immaculée, comme la neige s’ajoute à la neige. Elle brille dans les profondeurs patibulaires de mon esprit, sa figure brodant les lambeaux de ma mémoire, accroché à cette nuit où l’on s’effaçait de la vie. Accroché à cette nuit où enfin elle se voyait mienne. Accroché à cet être si pure que j’ai tant et toujours désiré connaître. Hier encore me paraît si dense et palpable en l’instant présent. Souvenir d’un rêve éphémère. Souvenir d’une réalité que je ne veux point quitter. Tout pour le crâne. Absolument rien pour les yeux et les oreilles. Dôme salvateur enveloppant mon corps étrangement détendu et léger. C’est sans esquisser la moindre offense que je laisse la brume venir emmitoufler ma céleste conscience.
Par-delà cette vaste et triste clairière, les rayons d’un soleil encore timide s’attardent à plaisir, éclairant un ciel argenté et gris, les reflets de cendres glissant sur les nuages moutonneux et déliant les nœuds retenant les ténèbres et les vestiges de la nuit qui tarde à tirer sa révérence sur la cité damnée.
Il m’est doux et légitime de croire à la chimère de cette soirée inoubliable que j’ai traversée avec elle. Il m’est doux et légitime de vouloir revoir, derrière mes paupières embrassant paresseusement l’obscurité, son sourire et son visage d’albâtre. Petite poupée de porcelaine. Si belle. Si elle. Les miroirs de nos âmes s’étreignant, apprenant à se découvrir, à chacun de nos regards complices, à chacun de nos sourires lubriques. Deux âmes qui se trouvent. Deux âmes qui s’imbriquent. Deux âmes qui semblent s’être toujours côtoyées. Deux êtres définitivement pas fait pour être séparés. La parfaite collision. Mon monde explose. La Vie telle que je la connais s’achève. Le souvenir de ses lèvres maladroitement écrasées contre les miennes. Mes doigts glacés glissant sur le satin de sa peau, nos chairs aimantées savourant et découvrant la douceur de leurs délectables saveurs. Caresse sans prouesse. L’unique que nous avons partagée. Moment magique. Nos âmes se sont trouvées. Nous avons parlés. Longtemps. De tout et rien. Éloignés de la foule, effacés des misères de la vie, elle, moi, tout simplement, couchés l’un près de l’autre, se sondant sans malice… épique, sans avoir besoin d’artifices… jusqu’à ce que Morphée nous étreignent de ses bras protecteurs. Il m’est doux et légitime de croire à la chimère de cette soirée inoubliable.
L’odeur de chair brûlée.
Le crépitement singulier et cristallin.
Le gazouillement des oiseaux.
Cette clarté rutilante que je sens reluire sur mes traits de fer.
Cette langue de feu qui lèche ma peau livide et froide.
Ce picotement désagréable, au départ aussi léger qu’un éphémère, s’enlisant dans mes nerfs soudainement électrifiés et enflammés. Ces fourmis incisives qui grouillent sous ma chair fragilisée et douloureuse. L’odeur de viande brûlée qui inonde soudainement généreusement mes narines. Et le chant maudit de ces satanés oiseaux qui gazouillent cette ode moqueuse et radieuse.
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POUR LE CULTE DES ENFERS ET L’AMOUR DE SATAN ! Horrifié, j’immerge du pays des rêves, me réveille dans ce cauchemar, je ferme les yeux, ébloui par l’aube incandescent plombant dans l’habitacle restreint, pour aussitôt rouvrir les paupières, mes émeraude démesurément arrondis comme des soucoupes. De ma célérité vampirique, je redresse l’échine, mon front allant fracasser le plafond trop bas, sonné, je tombe à la renverse et mes omoplates gagnent de nouveau le semblant de parterre. Tel un serpent se tortillant sur un tapis de braises ardentes, je me contorsionne dans tous les sens praticables, paluches en feu, pommettes fumantes et grugées par ces nids de flammes constellant le marbre de ma figure.
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POUR LE CULTE DES ENFERS ET L’AMOUR DE SATAN ! LES TÉNÈBRES S’EN SONT ALLÉES ET L’ASTRE DE FEU BAIGNE SUR MOI ! Traduction : je suis en feu. Littéralement.
Dans un ultime élan de panique, j’attrape la couverture épaisse et crasseuse, plonge tête la première à l’intérieure. Creux pelotonné dans la gite de fortune, tout emmitouflé dans cette tante improvisée, du bout des doigts, j’attrape les pans de tissu poussiéreux et les referment sur mon visage. Seule une minuscule ouverture s’esquisse dans ce joli petit tas de couverture fumante, là où mon œil alarmé et dubitatif vient s’y glisser avec précaution et crainte.
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Les voies souterraines, Ariana. Tu dois m’y emmener.À suivre...