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 ❝ walking backwards. ❞ - MATHIZE

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MessageSujet: ❝ walking backwards. ❞ - MATHIZE   ❝ walking backwards. ❞ - MATHIZE EmptySam 30 Aoû - 19:23




I was tangled in the all wires

- Tied down and I felt the fire -


La voix de Russell Watkins, médecin légiste et directeur de la morgue de l’arrondissement de Brooklyn, est de plus en plus confuse et maladroite, obstruée par une latente boule d’émois. Installé derrière son bureau encombré de paperasses et d’une montagne de dossiers irrésolus, je le vois régulièrement changer de posture sur son énorme fauteuil en cuir épais et polis comme de l’huile. Cet entretien le rend de plus en plus nerveux et mal à l’aise. Je ne l’en blâme pas. Même moi, je commence à perdre de l’assurance, appréhendant les augures de cette conversation qui est en train d’emprunter des voies de plus en plus houleuses et bourbeuses. Qu’est-ce qu’on fout là ? Pourquoi suis-je réellement ici ? Où peut-il en venir, au juste ? Lassée de tourner autour du pot, un imperceptible soupire glisse sur mes lèvres crispées, allant appuyer le flanc de mon coude sur le bras de mon propre siège alors que d’un revers de main je commence à dépoussiérer mon sarrau de saletés apparues sur le tissu blanc que part le fruit de mon propre imaginaire.

- Docteur Willems. Il faut comprendre que ce que je m’apprête à vous dire, ce n’est pas de mon propre chef que je le fais. Raclement de gorge. Vos collègues relatent des faits à votre sujet. Autre raclement de gorge. Beaucoup de ragots retentissent et éclaboussent mon bureau. Des rumeurs vous concernant. Il dégluti amèrement le filet de salive lui obstruant la gorge, prenant le temps de bien mesurer ses paroles alors qu’il s’accoude sur la surface désordonnée de son aire de travail et vient croiser les doigts de ses massives paluches sous son menton recouvert par une timide repousse de barbe grisonnante.  Si je vous aie convoquée à mon bureau, ce soir, c’est pour m’assurer que ces ragots sont impertinents. Il se racle la gorge. Visiblement, le chat qu’il a de coincé dans le creux de l’œsophage s’avère être un gros matou, je ne serais pas surprise de  le voir cracher une énorme boule de poils. Il retire ses coudes de contre le bureau, se décontracte l’échine sur le dossier de son fauteuil, moule ses paumes et doigts contre les bras de son trône, l’air noble, mais visiblement coincé dans son froc. Plusieurs de vos camarades racontent vous avoir régulièrement aperçue, en dehors de vos heures de travail, faire la fête dans les bars avoisinants la morgue. Que vous menez une vie de débauche, cela ne concerne que vous, mademoiselle Willems. Jusqu’à présent, jamais votre vie personnelle est venue entraver votre vie professionnelle… seulement, lorsque votre vie personnelle empiète votre vie professionnelle, vous devez juger légitime que je vienne vers vous et m’assure du total contraire.

Mon expression faciale change, mes yeux s’arrondissant à l’expression de Miss Amérique qui, après avoir offert son speech de poupée gonflable à la population, vient tout juste de s’apercevoir qu’elle a une gigantesque feuille de persil de coincée entre les deux dents.

- Je… Je ne suis pas sûre de saisir ce que vous insinuez, docteur Watkins, que je bredouille stupidement, d’une voix si sourde et étouffée, que je peine à me convaincre qu’elle m’appartient.

- Chacun a droit au respect du secret professionnel. Avez-vous, oui ou non, déjà enfreint ce devoir, docteur Willems ? Avez-vous déjà, oui ou non, lors de ces nuits d’ivrogneries, divulgué des détails et informations confidentielles ? Nom de Dieu, Charlize ! Est-ce que tu as un problème d’alcoolisme et est-ce que ce problème est en train de salir notre réputation et tout le corps de police ?! Qu’il s’égosille, désespéré, laissant visiblement tombé le professionnalisme et les politesses.

Sidérée par ces propos inouïs, d’un bond maladroit, je me redresse sur mes longues cannes de serein et commence à faire les cents pas devant le bureau de mon patron.

- Tu es sérieux, Russel ?! Tu crois sincèrement en ce que tu dis ? Tu me crois assez stupide et inconsciente pour commettre une telle erreur ?

- J’en sais rien, moi ! C’est pourquoi je te convoque à mon bureau ! Ce que tes collègues racontent, c’est vrai ou pas ?!

- Ces fameux collègues racontent des tas de conneries. Tu sais ce qu’ils disent à notre sujet, Russel ? Sais-tu seulement ce qu’ils crachent dans notre dos ? Ils voient quelque chose d’intéressé dans notre relation. Le vieux pervers et sa jeune proie. C’est comme ça qu’ils nous surnomment. Ils pensent que je suis ta maitresse, que c’est parce qu’on couche ensemble, que tu as accepté de me prendre dans ton équipe. À leurs yeux, mon transfert dans cette morgue, ça n’a absolument rien à voir avec mon travail.

- Réponds à ma question, Charlize. Est-ce que tu as déjà enfreint à ton devoir ?

- NON ! BIEN SÛR QUE NON !

S’il y a bien une personne qui sait me lire comme un livre ouvert, c’est bien lui. Lui mentir, même en essayant, j’en suis tout simplement incapable. Nous ressemblons davantage à un père et sa fille, qu’à un vieux pervers et sa proie. D’ailleurs, la femme de mon patron nous connait assez bien pour ne pas douter de son époux et avoir une confiance aveugle en lui. Peu importe ce qu’elle peut entendre à notre sujet. Russel me voit comme la jeune légiste qui lui confie ses espoirs et ses incertitudes. Mon vieux prospecteur. Je lui parle beaucoup et lui m’écoute énormément. Et cela ne semble point l’agacer. Au contraire, ma fébrilité, ma passion et ma jeunesse semblent être baumes sur ses vieilles cicatrices. Cette relation paternaliste apporte son lot de salvation…mais également son lot d’incommodité. Comme en ce moment.

- JE LE SAVAIS ! Qu’il me crache tout bêtement à la figure, son gros index accusateur ne tardant pas à se braquer sur moi. Pour l’amour du ciel, Charlize ! Qu’est-ce qui t’arrive ? Pourquoi t’as fait ça ? Sais-tu seulement ce que tu risques, si jamais ses ragots remontaient sous le nez de mon supérieur ? Non seulement je serai obligé de te renvoyer, mais plus aucune morgue ne voudrai t’embaucher. Et qu’est-ce que ce sont ces conneries d’ivrogneries ? Depuis quand tu abuses du biberon magique pour régler tes petits problèmes ? L’alcool n’est jamais la solution, Charlize ! Tu le sais mieux que quiconque ! Hystérique, son visage devient noir… vert… mauve… rouge de colère alors que ses deux mains de marbres s’emboutissent violemment sur sa boîte crânienne. Dans moins de un mois à peine, nous allons recevoir la visite surprise de Dwight Cotland, procureur élu de notre si beau arrondissement. Tu sais ce que cela signifie, jeune fille ? Lui et ses chiens galeux vont enquêter non seulement le poste de police, mais tout le corps au complet, pour s’assurer de nos services… qu’ils espèrent incorruptibles. Avec rapidité et fureur, l’imposant patron se redresse de contre son fauteuil, contourne son bureau, attrape au passage un dossier et un dépliant qu’il ne tarde à me tendre sous le nez. Tu disposes de quatre semaines pour te reprendre en main. Voilà le nouveau cas que tu dois éplucher et élucider. C’est ta dernière chance, Charlize. Prouve-moi tort. Et demain soir, tu vas te rendre là-bas… montre à mes si charmants employés que tu n’es pas celle qu’ils croient connaître, qu’il me supplie du regard alors qu’il me tend doucement et craintivement la paperasse.

Docile, honteuse, j’attrape le dossier d’une main alors que mes prunelles charbonneuses heurtent avec incrédulité le fameux dépliant.

- Un meeting pour les alcooliques anonymes ? Russel, tu n’es pas sérieux ?!

- Tu vas te rendre à cette réunion, Willems ! C’est un ordre, pas une proposition. La discussion est close. Maintenant, vas rejoindre ton macchabée. Son état de putréfaction est assez avancé, pas besoin d’aggraver son cas !

Sur quoi, mon patron furax retourne s’asseoir à son bureau et oubli complètement ma présence. Sans pester que davantage, je tourne les talons et quitte sans plus de remous le bureau de mon vieux protecteur.

Quatre semaines pour me reprendre en main. Quatre semaines pour prouver que je ne suis pas la médecin légiste aigrie qui se laisse griser la cervelle par les caprices grandissants des flics et qui se réjouie de son boulot seulement lorsque celui-ci l’invite à croiser des horreurs immondes et abjects.

Merde.


Dernière édition par Charlize G. Willems le Ven 17 Oct - 20:43, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: ❝ walking backwards. ❞ - MATHIZE   ❝ walking backwards. ❞ - MATHIZE EmptyJeu 18 Sep - 16:14


i'm hanging by a thread and i'm feeling like a fool. i'm stuck here in between the shadows of my yesterday. i want to get away, i need to get away. blanket of silence makes me want to sink my teeth in deep, burn all the evidence of fabricated disbelief.

Plus elle approche de son but, plus Mathilda se dit qu’elle ferait mieux de rebrousser chemin. C’est pas tant qu’elle veut pas avoir à foutre les pieds dans une morgue, pas du tout. C’est juste qu’elle serait tellement, tellement mieux campée derrière son comptoir avec un chiffon sur l’épaule et un sourire au coin des lèvres – et on s’en fout si y’aurait pas de clients parce que c’est pas franchement l’heure de venir boire un coup, elle est sûre qu’un ivrogne saura toujours trouver son chemin jusqu’à son bar favori pour étancher une petite soif qui n’a pas lieu d’être. Et même si ce n’était pas le cas, le Submarine vide de clients est toujours mieux qu’une fichue morgue – que, d’accord, elle n’a vraiment pas envie de visiter. Mais elle n’a plus franchement le choix puisque le bâtiment se dresse devant elle, ce qui la pousse a) à se sentir soudainement minuscule alors que ses chères guibolles la perchent à un mètre soixante-treize du sol, b) à se mettre à stresser et Dieu sait que ça donne jamais rien de bon, et c) à avoir envie de partir en courant les bras levés comme dans les vieux dessins animés que plus personne ne regarde. Rien de bien alarmant, vraiment. Une journée comme une autre dans son quotidien qui ressemble plus à grand-chose. Le besoin de fuir en courant est devenu aussi familier que celui de manger ou dormir, comme une nécessité qui s’est imposée à elle sans la consulter en premier lieu. Elle a même l’impression que ses jambes se mettent actuellement à vibrer pour lui faire passer le message, mais elle serre les dents et les ignore pour s’engouffrer dans ce lieu qui lui semble à peu près aussi accueillant que la grotte d’un ours levé du pied gauche. Quelques pas la guident jusqu’au milieu de ce qui semble constituer un hall, et elle observe les alentours d’un air un peu perdu. Elle s’attendait à trouver quelqu’un pour l’accueillir, ou tout du moins l’aiguiller dans la bonne direction. Peut-être qu’elle est tombée au moment de la pause café ?

Aucune idée, mais Mathilda ne veut pas s’éterniser alors elle laisse tomber les hypothèses qui resteront sans réponse. Un couloir s’offre à sa droite, un autre à sa gauche. Elle ne sait pas de quel côté se trouve cette fameuse brune qu’elle cherche, mais elle se dit qu’au pire des cas, elle croisera quelqu’un qui saura la guider. Alors c’est Am-stram-gram qui finit par décider à sa place, et elle parcourt l’heureux élu d’un pas rapide qui la rend peut-être un peu trop bruyante. Faut dire qu’une morgue, c’est plutôt silencieux au final – on se demande bien pourquoi. La simple pensée que ça grouille de morts dans le coin suffit à provoquer un frisson désagréable dans son dos, un peu comme si ses vertèbres s’étaient lancées dans un concours de claquettes. Elle essaie de jeter un œil à chaque porte, espérant apercevoir une silhouette familière qui pourra la rassurer. Une demi-seconde lui permet cependant de changer d’avis, parce que Charlize n’est pas le meilleur exemple en la matière. Si elle entend des détails sur ses macchabées encore une seule fois, Mathilda est presque sûre qu’elle en fera des cauchemars. Elle en serait même soulagée de plus la voir dans son bar, si ça l’avait pas forcée à venir la chercher jusqu’ici. Après réflexion, elle regrette presque d’avoir accepté la requête de la mama. Elle regrette parce qu’elle est plus très sûre de vouloir rester ici et revoir la dragueuse du dimanche, mais pas tellement parce qu’elle aime bien la mexicaine un peu allumée et puis sa fille aussi. Un peu. Seulement quand elle part pas dans ses délires glauques, en fait.

Y’a une énième porte sur sa droite et elle commence à perdre espoir, mais une longue paire de jambes lui fait stopper son sprint vitesse gériatrique. Elle ne voit rien de plus que ça à travers le carré flou : deux charmantes allumettes et une cascade brune qui lui tourne le dos. C’est suffisant pour qu’elle reconnaisse leur propriétaire. Sans prévenir, elle entre un peu comme un cheveu arriverait dans une soupe. Avec juste un peu plus de standing. Ou de fracas : ça dépend juste du point de vue. La discrétion fait partie de ses vertus seulement lorsqu’il est question de survie – alors certes, son capital santé reste à son maximum ; mais on peut pas en dire autant de sa fierté, qui est plutôt estampillée R.I.P. « Sa-luuuut... » Ça démarre bien, avec un sourire avenant et tout le bazar. Ça se finit avec la voix qui descend dans les graves pour finir aux abonnés absents et le visage qui blêmit en une fraction de seconde. La donzelle n’est pas seule. Elle est plutôt mal accompagnée, d’ailleurs. Y’a un type allongé sur sa table en métal, et à première vue c’est pas pour la courtiser. Mathilda se met à croiser les doigts pour qu’il ne soit pas encore ouvert avec les tripes à l’air – mais vu que le matériel médical semble intact, ça doit pas encore être le cas. De toute façon, elle ne voit heureusement que ses jambes et elle est soudain très reconnaissante que Charlize soit postée de manière à lui boucher la vue. La concernée croise d’ailleurs son regard, alors elle se force à reprendre là où elle s’est arrêtée, avec le même sourire en version moins naturelle. Version Colgate, si on engageait des débiles pour faire la pub – enfin si on engageait Mathilda, quoi. « Désolée de débarquer comme ça, hum. J’aurais dû toquer ? J’aurais bien demandé mon chemin, mais y’a pas âme qui vive. » Elle marque une pause, fronce les sourcils et plisse le nez. « Le jeu de mots était pas voulu. Pardon les macchabées. » Là, tout de suite, elle a légèrement l’impression de s’enfoncer. Elle se réconforte en se disant que Charlize a déjà dit pire. Comme les fois où elle exerçait ses talents de dragueuse pas si expérimentée que ça. « Je te dérange ? Question con en fait, tu as l’air de bosser donc oui. Pardon, je resterai pas longtemps. En fait je peux même repartir tout de suite si tu veux. » Elle voudrait bien. Faire demi-tour sans attendre, dire à sa nouvelle copine de la classe senior que sa fille se porte parfaitement bien et qu’elle s’entend toujours à merveille avec ses amis les morts. Elle voudrait bien, mais elle ne le fera pas. « Je suis pas venue te– » La phrase ne se termine pas. Charlize a bougé et le visage de son compagnon se révèle enfin à Mathilda, pour mieux lui glacer le sang. Elle s’immobilise de la tête aux pieds, sans raison apparente, alors que son esprit se retrouve malmené par des flashs qu’elle aurait préféré oublier. Éradiquer, même.

Ce type, c’est celui qui a croisé sa route quelques jours plus tôt. Celui qui l’a agressée. Celui qu’elle a tué. C’était pas fait exprès, elle voulait pas – elle se le répète en boucle mais la vérité est plus nuancée que ce qu’elle veut bien croire, sous prétexte de pas troubler sa conscience. Mathilda est devenue statue, silencieuse et paralysée, mais sous la surface grouille la panique. Cette traîtresse qui menace de la faire s’écrouler, là, comme ça, devant la légiste qui doit pas trop comprendre ce qu’il se passe. Mais Mathilda sait qu’elle n’a pas le choix, qu’elle n’a pas le droit. Elle avale difficilement sa salive, s’efforçant de reporter son attention sur la brune qui lui fait face – mais elle peut pas effacer le visage de ce type. Elle l’a vu en couleurs, le regard empreint d’une lueur dangereuse et la chaleur qui émane de sa peau. Elle le voit maintenant en blanc et bleu avec une touche de violacé, paupières closes et certainement dur et froid comme de la pierre. Elle a vu un animal et il ne reste plus qu’un rocher. Ses prunelles peinent à se fixer sur le visage de Charlize, bien plus agréable – bien plus vivant. Un nouveau sourire cherche à se faufiler jusqu’à ses lèvres mais il n’y arrive qu’à moitié, rictus qui traduit presque la peur qui transpire déjà de ses pores. « Je disais quoi, déjà ? » Elle sait plus. Elle s’en fout. Y’a sa tête qui commence à tourner et la lumière blafarde qui lui fait mal aux yeux et ses jambes qui vibrent et ses mains moites et son teint livide. Le cadavre devient symbole de sa détresse et elle a l’impression de le voir bouger. La scène se tord et se distord, tout se confond et Mathilda n’est plus sûre de rien. Le mort ne l’est plus tellement – un air encore trop vivant qui plane sur lui. La légiste prend un air de reine des macchabées – avec son minois de poupée qui se fait anthropophage. Et Mathilda n’est plus que l’ange qui a perdu son auréole – son masque est aussi immaculé que ses mains sont pourpres. Elle parle plus. Elle a trouvé le silence alors qu’il lui échappe bien trop souvent, on dirait qu’elle sait plus comment fonctionner. On dirait qu’elle a vu un fantôme. Mais elle s’est juste vue, elle. Et c’est déjà beaucoup trop.


Dernière édition par Mathilda Wooters le Ven 14 Nov - 15:52, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: ❝ walking backwards. ❞ - MATHIZE   ❝ walking backwards. ❞ - MATHIZE EmptyJeu 6 Nov - 16:39




I was tangled in the all wires

- Tied down and I felt the fire -


La morgue. Les gens détestent, royalement, les morgues. Mélange subtile de misère et de maladie. Relent de maux et de désespoir. Amalgame de chair médicamenté et de giclure d’hémoglobine qui ne tarde à se transir dans les veines bleutés de ces malheureuses martyres. Une odeur de mort et de fétidité qui nous poignarde l'estomac, nous remonte à la gorge, dès l’instant où on pose le pied sur le seuil de ce funèbre sanctuaire d’âmes fêlées, et qui, sans se faire prier, se colle à notre peau tel un linceul morbide et glauque. J'aime ce palais d’ivoire et j’ai en fantaisies ces ornières d’hiver. Dédale poussif de visages livides et sans vie. Étalage éreintant de regards éteints et polis comme des billes de verres. Des carcasses ramollies et rabattues à la révérence d’un vécu trop lourd qui ne cesse de les écraser et de les broyer de leur sabot accablant. Alchimie de la douleur qui berce et étreint ces visages sans nom, ces laissés pour comptes. Des ombres taciturnes, serviles brebis qui se laissent piteusement guider vers l’abattoir. Je suis fascinée par ce ballet macabre, cette ode à la Mort, ce spleen, cette comédie sans rire et sans joie. Miséreux anéantis par un mal encore inconnu, mais qui les gruge et se reclus dans les replis de leur âme.

Le silence mortuaire et religieux qui embaume tous les recoins de la froide pièce m’apporte la concentration et la sérénité dont j’ai de besoin pour me prêter à mon labeur. Mes deux billes charbonneuses se hissent lentement droit devant, alors que je me rapproche, d’une démarche presque céleste, de pièce voisine où est allongé sur la table en inox mon cas encore et toujours voilé en-dessous de son drap asphodèle. Durant la courte déambulation, je prends le temps et le soin de feuilleter et de consulter le dossier du macchabée que mon si charmant patron m’a remis entre les pattes.

Le nez fourré dans la paperasse, mon regard vif et soigné glissant méticuleusement sur l’entrelacement des lettres grossières qui dérivent à l’avancée de ma lecture, lorsque je franchis l’embrasure de la lourde porte de métal, viscéralement, l’une de mes délicates mains se sépare du pad, pour s’élever vers l’interrupteur et inonder la vaste pièce blafarde de lumière. Mes longs cils fardés papillonnent légèrement, mes sombres prunelles soudainement agressés par une colonie furtive de petits poids écarlates éclosant dans une succession de flash rutilant, il me faut plusieurs poignées de secondes pour m’habituer à la clarté naissante. Mon champ de vision embrouillé s’ajustant peu à peu à la puissance de ces cônes éblouissants, tout droit projeté des néons cylindriques, dont les dômes de lumières lactescentes, perchés au-dessus de mon crâne, ne contrastent si peu dans l’ornement incolore de cette vaste pièce lugubre et froide. Aveuglément, puisque toujours accaparée par ma lecture lancinante, je vogue au milieu de la salle d’opération, m’avançant lentement vers la table en inox où repose mon futur cas et obsession du moment.

Le légiste qui a assuré la relevée du corps n’a décrété aucun signe de violence, du moins en surface… blablabla… blablabla… et la mort semble incontestablement être naturelle et ou suspecte. Le cas doit être remis entre les mains de Dr. Willems, passible de confirmer ou infirmer l’hypothèse… blablablabla… requête d’un examen approfondi.

Aucun renseignement donné sur le lieu où le cadavre a été retrouvé. Pas de détails et informations personnelles sur l’identité de ce défunt. Putain, qui s’est occupé de rédiger ce dossier ?

Je fronce les sourcils à l’absence de ces quelques lignes. Doucement, je laisse déchoir sur la lisse surface du comptoir de marbre, mon précieux pad. Après m’être négligemment attaché les cheveux en queue de cheval et puis m’être désinfecté les mains, j’engouffre mes pattes dans des gants de latex. Fin prête à consolider les informations que je viens tout juste de feuilleter, je me rapproche à nouveau de ma table d’opération, attrapant du bout des doigts les extrémités du mince drap blanc que je replie soigneusement jusqu’au niveau de l’abdomen du macchabé dont le visage cireux et rigide se dévoile peu à peu sous mes grands yeux perplexes.

- Mort naturelle ou suspecte, uh ? que je réfléchis à voix haute, mes mains gantés venant se poser sur la chair livide afin d’effectuer mes examens préliminaires.

Un bruit. Je lève brusquement la tête. Intriguée, je pivote sur mes talons et pose doucement mes yeux chocolat sur la source… y découvrant la silhouette merveilleusement ciselée d’une belle ténébreuse faisant irruption dans le cadre de porte avec la subtilité et délicatesse d’un éléphant dansant la Charleston dans une galerie de porcelaine. Seul mon fin sourcil s’arquant faiblement de doute trahi tout signe de vie sur les traits austères et impassibles de ma figure. Silencieuse, j’incline légèrement la tête sur le côté, examinant les traits familiers de cette belle figure de poupée que je reconnais peu à peu.

Elle me salue gauchement.
Et je dégluti amèrement.
Elle me sourit.
Et je m’étouffe avec ce filet de salive m’obstruant les cordes vocales.
Merde… comment elle m’a retrouvée ? Pire encore, pourquoi est-elle ici ? Voilà des lunes qu’on ne se fréquente plus elle et moi… mes cuisantes nuits d’ivrogneries m’ayant convaincu de mettre les voiles et de disparaître dans la brousse New-Yorkaise. Mes joues s’empourprent, le sang se glace dans mes veines, je batifole des paupières, la gêne me nouant douloureusement les tripes. Un verre d’eau. Oui… un verre d’eau. Me rafraichir l’esprit et la carcasse ! Gauchement, je me défais de mes gants en latex, m’éloigne de la table d’autopsie, m’apprêtant presque à plonger tête la première dans le lavabo lorsque la voix embarrassée de mon invitée se fait de nouveau entendre, m’obligeant à faire volte-face sur cette dernière.

- Dis, est-ce ça va ? que je prends le soin de lui demander, t’es aussi livide que mon cadavre.

À sang, je me mords la langue, ferme quelque instant les yeux et soupire profondément. Je lève lentement la tête, dévisage à nouveau la jolie brune ; la chair de poule cour et dégringole sur le satin de sa chair. Elle me semble perdre de plus en plus de ses couleurs alors qu’un trouble grandissant inonde de plus en plus son regard fuyant qui essaie désespérément de s’accrocher au mien. Elle frôle la syncope, c’est assuré !

- Je t’en prie, ne perd pas le nord ici… surtout pas ici ! Mon patron va me tuer !

Clémence, bonjour ! Je me donne psychologiquement la fessée et me précipite sur la jolie brune :

- Viens t’asseoir. Ne reste pas debout. Prends de grandes respirations, je la réconforte gauchement, mon bras de mouche allant timidement se glisser autour sa taille de guêpe pour… gentiment… l’obliger à me suivre vers cette mignonne petite chaise à roulettes errant là à côté de ma table d’autopsie, précisément située juste en face du macchabée... détail qui m’échappe totalement, d’ailleurs.

- Installe-toi là. J’allai justement me servir un verre d’eau… tu en veux un ?
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