Vivre avec un vampire - Guide de survie [Asharic]

Il y eut un silence, un instant de flottement où les regards se confrontèrent. Ashley était honteuse. Elle détestait cette dépendance qui la réduisait à l'état de bête, et la situation plus qu'ambiguë ne faisait que rendre le tout plus difficile à supporter. Alaric semblait la jauger, comme il le faisait si souvent. Finalement, il se détendit, et une drôle de lueur passa dans son regard. Sa main passa contre sa gorge, frôlant le nez de la rouquine, et il tendit la nuque. La jeune femme avait ainsi un accès privilégié au liquide millénaire qui la faisait saliver.

- Fais-toi plaisir.

Il n'eut pas à le répéter deux fois. Les lèvres de la jeune femme vinrent quêter l'hémoglobine, son corps prit de frisson face à l'absorption de ce liquide tant convoité. Ses doigts retournèrent au dos d'Alaric, ses ongles s'enfonçant dans sa chair, alors que la partie plus animale de la sorcière grondait en elle. Elle était accroe à cette substance. Pourtant, elle haïssait cet état instable dans lequel elle se retrouvait après sa consommation.

Ses lèvres recueillirent la majeure partie de sa drogue. Sa langue vint parcourir la peau, sans pudeur, pour chercher à nettoyer la moindre trace. Puis, prise d'un instinct bestial, ses dents vinrent se planter dans la chair, cherchant à en obtenir davantage.

C'est à cet instant précis qu'Ashley reprit brutalement ses esprits. Elle se recula d'un bond, ramenant ses mains près d'elle. Ses prunelles fixèrent le vampire avec confusion et crainte alors qu'elle réalisait à quel point elle s'était emporter, à quel point la situation commençait à déraper. Son souffle était toujours bien trop rapide.

- P-pardon... murmura-t-elle, à la fois pour elle-même et pour la bête entre ses cuisses.

Elle recula, un peu, cherchant à regagner une distance qui lui permettrait de reprendre le contrôle. Rien à voir avec la décence : c'était une idée qu'il valait mieux éviter en pénétrant le manoir d'Alaric. Elle détestait le mordre. Au delà du dégoût envers elle-même, qui ne parvenait pas à contrôler son besoin de sang, cela la terrifiait. Quelle bête sombre pouvait donc se cacher en elle?

- Je me suis emportée...

Confusion. Chaleur. Hésitation. Proximité. Elle ne parvenait pas à quitter les lieux. Il fallait dire que le sang de vampire avait un effet terriblement aphrodisiaque, difficile à ignorer. La jeune femme avait beau chercher à se reprendre, elle ne quittait pas les lieux. Elle demeurait là, assise sur la table, à fixer le vampire comme si celui-ci allait l'aider à comprendre la situation et à y lutter.

Bien sûr. Aide-la donc, Alaric. Avec ta foutue serviette.

Le démon l'empêcha de pleinement se dégager, enserrant sa chevelure de feu pour la forcer à baisser la tête. La suite était prévisible, et pourtant Ashley obéit sagement, presque... envieuse. Sa peau frissonna avant même le contact, et un léger soupire honteux lui fut arracher à la morsure. La demoiselle agrippa de nouveau le dos du vampire d'une main. Elle plia son autre bras sous elle afin de pouvoir s'appuyer sur son coude alors que l'être millénaire la forçait peu à peu à s'allonger sur la table de par son poids.

Elle avait l'impression de brûler de l'intérieur. Et ça ne lui déplaisait pas.

Il finit par la libérer, ses traits reprenant peu à peu une allure normale alors que le pouvoir d'Ashley s'occupait de la plaie. Elle n'avait plus envie de se dégager. Elle voulait seulement.. que ça continue. Sans pour autant s'y résoudre. Son état était lamentable. La sorcière en avait conscience. Dans n'importe quelle autre situation, elle se serait empressée de le repousser, de remettre ses vêtements en état... D'autant plus que ce serait simple. Alors pourquoi pas ?

- Je te pardonne. Il frôla sa lèvre de son pouce, et la petite ne put que fermer les yeux, retenant de justesse un énième frisson. Demande-moi d'arrêter...

Ce ton, bon sang. Ses paupières se soulevèrent. Et ces yeux. Il était si près qu'elle sentait son souffle sur ses lèvres. La demoiselle sentit le rouge lui monter de nouveau aux joues. Elle en était incapable, et convaincue qu'il le savait. La sorcière hésita un instant, laissant un moment de flottement entre les deux êtres. Elle cherchait à contrôler la bête, celle qui sommeillait en elle et qui la terrifiait. L'échec cuisant se constata bien vite alors que la jeune femme comblait le faible distance qui la séparait encore de son bourreau, ses lèvres hésitants et malhabiles venant à la rencontre de celles -devenues tièdes- du beau connard. Ses bras s'enroulèrent autour de la nuque d'Alaric, et son corps se colla complètement à son torse, quémandant.

- Je... J'y arrive pas... répondit-elle d'un seul souffle, séparant momentanément leurs lèvres.

En même temps, dur de lui demander d'arrêter alors qu'il lui grimpait dessus. En serviette, rappel toujours utile. L'une de ses mains libéra la nuque du Français, pour mieux aller caresser, avec timidité, son torse. Elle ne savait absolument pas comment s'y prendre et se laissait simplement guidée par ses instincts. Par la bête.

Ashley commençait à avoir l'habitude de voir le cours des événement échapper à son contrôle. Mais de voir son propre corps réagir à sa place, sans qu'elle ne puisse le limiter... C'était une première. Même sous hypnose, elle parvenait à lutter un peu mieux. Enfin, c'était l'impression que ça lui donnait. Sentir les lèvres d'Alaric contre son cou ne devrait pas lui faire un effet pareil : elle ne devrait pas attendre avec impatience la morsure en voyant ses traits se déformer. Pourtant, son corps se tendant d'impatience et ses mains s'agrippaient à la chaire millénaire avec quelque chose qui ressemblait à une envie bestiale. Si  elle ne pouvait nier le fait que les sensations étaient agréables, cette impuissance, elle... C'était presque flippant. Presque.

Les réactions d'Alaric, quant à elles... La rouquine en voulait plus. Toujours plus. Comme un besoin. Le grondement lui arrache un frémissement ; le contact de ses doigts contre sa peau brûlante, un fin gémissement incontrôlé. Lorsqu'elle sentit le tissus la quitter, la sorcière ne put que rougir comme jamais, serrant sa poitrine contre le torse du vampire pour chercher à se dissimuler un minimum. Puis la serviette disparut à son tour, et ce fut la cata. Son souffle s'accéléra légèrement, alors que ses prunelles d'onyx refusèrent de se pencher sur la scène plus bas, face à une gêne qui ne devrait plus avoir lieu d'être. Le monstre détacha bientôt ses crocs de la gorge de la rousse, et la plaie se soigna en un rien de temps. Son sang s'excitait dans ses veines, régénérant ce qui a été perdu à une vitesse folle. La demoiselle chercha quelque chose à dire et, face à l'incapacité de son cerveau à trouver quelque chose, elle se contenta de dissimuler son nez contre le cou du vampire.

Avant qu'elle n'eut le temps de réaliser quoique ce soit, ils étaient dans son lit. Petit soupir surpris, avant de sentir les lippes se glisser contre sa chair. Cette fois, sa tête se jeta légèrement vers l'arrière alors qu'elle mordait sa propre lèvre. Elle voudrait se cacher, éviter qu'il ne la voit dans un état si vulnérable. Pourtant, son corps continuait de faire le malin, de se tendre sans son autorisation, parcouru de frissons presque continus. Bientôt, alors que la bête approchait de sa poitrine, les cordes vocales de la jeune femme se prirent au jeu. Un léger gémissement lui échappa, un simple souffle.

- A...Alaric...

Une voix qu'elle identifia à peine comme la sienne. Un certaine brume prenait possession de son esprit. Ashley glissa lentement ses doigts dans la chevelure du brun-roux, agrippant et maltraitant les filets emprisonnés dans sa poigne comme pour se venger de son impuissance. Elle était frustrée, envieuse, confuse... Un cocktail explosif qu'elle ne parvenait pas à détester complètement. La rouquine cherchait à reprendre pieds, à reprendre un minimum de contrôle sur ce corps qui décidait d'agir comme bon lui semblait, mais chacun des gestes du grand connard semblait destiné à l'éloigner de son but. Elle se contenta donc de tirer plus fort, lâchant du bout des lèvres un grognement qui aurait pu paraître boudeur si ça n'avait pas été de... tout le reste. L'une de ses mains lâcha la chevelure pour se diriger vers le dos du monstre, ses ongles s'appuyant contre la chaire, visiblement prêts à s'y enfoncer à la moindre nécessité.

Éveil.

Ashley sursauta et se redressa brutalement dans son lit, le souffle encore court et brûlant. Alaric n'était plus là. Pendant un instant, elle demeura immobile, profondément confuse. Venait-il de partir ? La planter là ? Ses prunelles baissèrent lentement vers le lit, vers elle-même. Elle portait son pyjama et était sous les draps. Une constatation toute bête, qui lui fit néanmoins monter le rouge aux joues de façon bien moins agréable que plus tôt. Un rêve. Elle avait vraiment fait un rêve pareil. Avec Alaric, en plus !

Ses mains encore chaudes vinrent trouver refuge contre son visage. La rouquine ressentait ce qui pouvait s'apparenter à de la colère, une sorte de sentiment de... Frustration. Non, non, non ! Pas de ça !

La petite bondit hors du lit et s'élança vers la salle de bain comme une comète, se glissant sous une douche glacée pour chercher à chasser... Tout ça. Elle se souvenait rarement de ses rêves. Alors pourquoi celui-là refusait-il de quitter son esprit ? La jeune femme secoua vivement la tête, avant de sortir pour mieux s'enrouler dans un serviette. Elle s'habilla, avant de mettre les draps à la machine à laver. Au moins deux lavages seraient nécessaires. Trois si elle avait le temps.

La lune était déjà levée. Elle avait dormit toute la journée. Ce qui voulait dire que le grand connard était debout. Et que si la sorcière descendait, elle allait forcément le croiser. Un frémissement craintif la parcourut, mais Ashley décida de prendre son courage à deux mains. Ce n'était pas comme s'il lisait dans sa tête. Il n'en saurait rien, si elle se taisait.

La rousse descendit donc, et son nez capta rapidement les effluves délicieuses d'un déjeuner nocturne. Ses prunelles s'illuminèrent presque instantanément. La cuisine d'Alaric.... On en oublierait presque le malaise ! Presque. En voyant l'Originel planqué derrière son journal, la demoiselle détourna le regard en direction de... la table. Les images lui revinrent en tête, et le rouge lui monta de nouveau aux joues. Non ! Ressaisis-toi, tout de suite !

- Oh, Colby. La nourriture était si appétissante qu'elle laissa couler. Bien dormi ?

Ashley demeura saisi d'effroi pendant un instant, refusant de tourner les yeux vers lui. Il ne posait jamais la question. Il ne peut pas savoir, Ashley. Calme-toi. Reste naturelle. Ses prunelles se posèrent sur l'horloge. Bon. Elle ne s'était jamais levée si tard. Si ça se trouvait... Ce n'était que ça. C'était plus probablement qu'un vampire millénaire se glissant dans sa tête pour lire ses rêves, pas vrai ?

- Si on veut. Le ton était rapide, pressé de passer à autre chose. Un rêve qui a semblé passé vite comme l'éclair. Elle rougit brutalement. Trop vite. Fini trop tôt. NON. TAIS-TOI. Et toi ?

La petite ne le regardait toujours pas. Elle refusait de croiser les prunelles de glace après... Ce qui s'était presque passé. La jeune femme secoua un peu la tête pour se remettre les idées en place, avant de se diriger en gambadant vers la cuisine.

- Ça a l'air trop bon ! Parfois, t'es génial !

Alaric savait. Une petite voix le lui murmurait. Trop de jeu de mots, trop de regards, trop de sous-entendus. Mais non. C’était impossible. Elle devenait parano, point à la ligne. Ashley détourna son attention du vampire, toujours sans le regarder, hochant simplement la tête à ses indications. Elle avait l’impression d’être une gamine qu’on laissait sans surveillance de peine et de misère. Sauf qu’il y avait toujours quelqu’un pour veiller, dehors.

Lorsque le fossile sortit enfin, la rousse s’empiffra des délicieux plats. Et ce ne fut que le premier d’une longue série de matins tout aussi gênants.


Ashley ouvrit brutalement les yeux. Son corps tremblait, son cœur se débattait frénétiquement dans sa poitrine et l’adrénaline coulait à flot. Un cauchemar. Bien moche, de surcroît. La petite se redressa lentement, passa ses mains contre son visage pour tenter de reprendre un minimum contenance. Sans grand succès, il fallait l’avouer. Elle avait toujours eu du mal à se remettre d’un mauvais rêve. Ses prunelles se posèrent sur son réveil. 11h50. Elle avait à peine dormit trois ou quatre heures. Il lui fallait se recoucher. Pourtant, même la clarté du soleil dans sa chambre ne parvenait pas à la calmer.

La demoiselle se tira lentement hors du lit, les traits lourds et un bâillement coincé dans la gorge. Un verre d’eau. Voilà ce qu’il lui fallait. C’était toujours ce qu’il lui fallait pour se rendormir. Pourtant, une fois au rez-de-chaussée, une toute autre idée se glissa dans son esprit. Une pensée débile, une solution dangereuse, qui pourtant lui sembla parfaite. Les sentiments étaient un Univers étrange, insondable.

La sorcière laissa le liquide glacé glisser dans sa gorge, les yeux rivés sur la porte de la chambre d’Alaric. Oui. Elle dormait toujours mieux en présence de quelqu’un, et ce depuis toute petite. Mais pouvait-on considérer Mr. Connard comme une personne ? Ça valait la peine d’essayer. La guérisseuse posa délicatement le verre contre le comptoir, se dirigeant à petits pas vers la pièce interdite. Elle avait regretté sa dernière venue... Mais Ashley n’en avait plus rien à faire. Les cauchemars étaient... Une sorte de point faible. Insupportables.

Sa tête rousse passa par la porte, jugeant les dangers du regard. Il était allongé. La demoiselle entra en silence - c’était relatif, vu la bête endormie - et referma derrière elle. Le reste se passa très rapidement, pour éviter de donner la moindre chance au vampire de lui bloquer l’accès. Elle se glissa sus les couvertures et se roula en position fœtale, aussi loin de lui que possible. Sa simple présence lui suffirait, et comme ça elle ne le gênerait pas. Le meilleur des deux mondes, pas vrai ?

Tout de même. Allez voir Alaric pour fuir des cauchemars. Ce devait être ce que l’on appelait un paradoxe.