❝ dancing with the dead ❞ - EXELIZE

It's time for you to fold

Every word's gold when the story's told.

- Mais tu dois admettre qu’elle possède énormément de charisme. Qu’il y a ce petit je-ne-sais-quoi dans son regard qui la rend ridiculement sexy. Celui à qui on pose la question déglutit de travers la bile qui lui remonte à la bouche, tout ça le rend effroyablement mal à l’aise et inconfortable. Ce n'est pas la situation en soi qui l’embarrasse à ce point mais c’est plutôt le sujet qu’ils sont en train d’étudier sournoisement qui le rend soucieux et songeur. Il avait la fâcheuse impression de mettre le doigt sur une plaie béante et ravagée par un combustible qui n’aurait que pour seul dessein de le cramer au touché le plus moindre. Contrairement à son inséparable coéquipier, lui, il ne prend pas du tout plaisir à s’inonder le gosier d’un trop plein de salive et à se laisser aller dans le zèle d’une dévotion quasi mal placée. Ses rapports avec ses collègues sont toujours demeurés professionnelles et impersonnelles. Parler boulot. Penser boulot. Considérer boulot. Rien de plus et rien de moins. Ce que Makenzi lui demandait de faire, cela va complètement à l’encontre de son sempiternel code d’éthique désuet et pourtant avéré si naïf. Certes, son célibat bien encastré dans son mode de vie platonique peut par moment paraître désolant mais la vérité est qu’il se plait admirablement bien à la solitude. Il n’a pas de temps et d’énergie à consacrer pour une vie de couple qu’il présume déjà n’être qu’un piètre fiasco. Une histoire d’amour où seul un échec monumentale les entendrait lui et sa présumée partenaire. Une histoire d’amour même pas encore entamée mais qui pourtant lui communique un dénouement guère prometteur. Mais pour néanmoins faire plaisir à Makenzi qui jubile presque sur le coussin moelleux de sa chaise à roulettes, Benjamin ose risquer se livrer à ce pseudo jeu de séduction clandestine et c’est dans un long soupire las que ses grands yeux chocolats se posent sur l’écran plat de l’ordinateur. Un ange passe. Puis un second. Et encore un autre. Son regard appliqué bien fixé sur le plasma lumineux qui lui projette à la figure une photo d’une belle amazone au visage inhumainement éthéré et vêtue d’une blouse blanche dont le col en V laisse entrevoir un débardeur noir au décolleté généreusement plongeant… du moins… c’était ce que voyait Makenzi alors que lui ne voit jamais qu’une femme ténébreuse à la mine austère et à la prestance imposante.

- Je ne sais pas, Karl. Pour moi, cette fille semble ravagée et brisée. Elle m’inspire fureur et tristesse, révèle Benjamin, la voix chevrotante et la gorge obstruée par une boule d’émois facilement très perceptible aux oreilles de son coéquipier qui arque d’instinct le sourcil, l’air dubitatif et choqué.

- Qui aurait pensé qu’une simple photo pourrait en révéler autant sur les états d’âme d’une personne ?

Voix mielleuse, claire, empreint d’un vide sépulcral et submergé par une froideur déroutante. Brise glaciale qui semble ressortir des abîmes les plus profonds pour sans aucun préavis venir assaillir la concentration de ces deux âmes insignifiantes ensuquées dans leur besogne rudimentaire. De concert, Karl et Benjamin se braquent prestement sur leurs petites chaises à roulettes, s’arrachant de leur contemplation envoûtante pour aller lancer un regard miséreux par-dessus leurs épaules. À l’aveuglette, de son index sévèrement tremblotant, Makenzi éteint nerveusement l’écran plat, sachant très bien que la projection n’est malheureusement pas passée inaperçue aux yeux de cette présence inquisitrice qui vient tout juste de se manifester dans leurs dos encore semi voutés sur le clavier, l’air comme qui dirait pris sur le vif. J’en possède des plus flatteuses et en plus petit format si c’est pour votre portefeuille…

- Dr Willems… b--soir…

Thermos dans une main, ramassis de dossiers amoncelé dans le creux de mon bras fermement replié contre ma poitrine, impassible, je considère avec indifférence les visages entourloupés de Rouquin et Blondin dont les identités m’échappent toujours et ce malgré presque un mois d’assistance funèbre. Deux jeunes diplômés en médecine qui s’étaient lancé à l’aveuglette dans les branches de la morbidité criminologique et devenir mes pseudos associer à la morgue de Brooklyn. Leur job ne nécessitait rien de complexe : ils devaient préparer la salle d’autopsie, s’assurer que mes instruments chirurgicaux soient tous bien en place sur sa table aseptisée et fournir la garde sans faille du macchabée reposant paisiblement sur l’inox glacé de ma table de travail. Voilà tout ce que le Grand Manitou demandait et pourtant ces deux écervelés trouvaient le moyen de m’irriter de manière si impossible que je m’en crèverai volontiers les yeux et ou dans le meilleur des scénarios m'entaillerai les veines pour ne serait-ce daigner ne plus jamais les revoir. Blondin trop coincé dans son froc pour bien manœuvrer ses tâches alors que le Rouquin passe la moitié de son temps à me déshabiller du regard. Trio de merde dont je m’en vois malheureusement faire partie.

- Bonsoir et au revoir. Votre travail est terminé. Ici, je prends le relais, que j'annonce alors que je ne prête déjà plus aucune attention à ces deux spécimens qui ne se font pas prier pour disparaître au travers de la porte double battante, d'où moi-même j’étais apparue quelques minutes plus tôt. Reconquérant mon isolement salvatrice, je me débarrasse de mes effets personnelles et paperasse que laisse déchoir sur mon vaste bureau, pour ensuite vaguement feuilleter le pad dont les informations retranscrit par le duo de con me garantissent une nuit longue mais néanmoins tranquille où je pourrait me priver de mon éternelle blouse verte pastelle et du joli bonnet assorti : le sujet stipulait une mort naturelle et mon ouvrage nécessitait qu’à confirmer la donne en me prêtant aux préliminaires de mes examens calculés. Bref, ce monsieur Mystère, je l’aime déjà pour sa simplicité si généreuse ! =D

Et ce fût sur une note relativement moins aberrante que moi et mon flegme légendaire conquéront cette aire avare qui m’appartient, me rapprochant, d’une démarche presque céleste, de la table en inox où était allongé mon cas encore et toujours voilé en-dessous de son draps asphodèle...

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Voilà déjà une bonne poignée de minutes qu'il se trouvait là, adossé contre le mur de cette vieille usine jouant les coulisses de son appartement tout pourris, à observer ce léger soucis qui s'était présenté à lui comme une prostituée dans un congrès de bonnes sœurs. - Bon, l'image n'est pas fameuse je sais, mais reste qu'il faudra faire avec pour cette fois-ci, alors suffit les caprices de lecteurs pointilleux. - Il les dévisageait l'un après l'autre, d'un air songeur et largement trop sérieux, se demandant se qu'il pourrait bien faire d'eux. L'odeur qui régnait dans la grande pièce commençait à le gêner, c'est d'ailleurs ce qui l'avait entraîner jusqu'à ce merdier en putréfaction. Fixant ces regards vitreux éteints depuis qui sait combien de temps, Exekiel tentait de trouver une explication, une justification légitime à la présence de ce tas de cadavres dans la vieille usine délabrée se trouvant sous son appartement. M'ouais, tout ça était bien gênant…

Bon. C'était bien simple. Il lui fallait un plan. Et un bon en plus. Dans le genre maintenant, qui plus est…
Pourquoi personne ne lui avait appris quoi faire dans de telles situations? N'y avait-il pas de close sur le bail pour entreposage inusité de cadavres sur sa propriété? Un numéro à contacter dans le genre 1-800-SOS-faucheur-dans-ma-cours?
Non. Bien sûre que non! Voilà qu'il était - encore une fois - laissé à lui-même, les deux pieds solidement encastrés dans la merde. Merde!

Heureusement. Heureusement que l'on avait affaire ici à Exekiel. Car Exekiel avait toujours un plan! Et un bon en plus. Dans le genre maintenant, qui plus est! Si si. Il avait la situation bien fermement en main.

C'est ainsi qu'il se trouva sur le chemin de la morgue, un cadavre sur l'épaule. Cadavre qu'il avait prit soin d'emballer d'un drap blanc. Oh si si, je vous jure, il avait pensé à tout! Son plan était infaillible! Rien de moins. Mais à peine avait-il fait quelques pâtés de maison que déjà il sentait les regards désapprobateurs et inquisiteurs de son voisinage pesant sur sa pauvre carcasse. Okay, même les plans infaillibles on leur petit bémol… Mais ne vous inquiétez pas, Exekiel avait plus d'un tour dans son sac! Parce que oui, sans même le savoir, la solution à son problème se trouvait là, sous son nez.
- Plus tard je serai une princesse!
- Oh. Mais tout cela me semble bien évident votre altesse. D'ailleurs, n'est-il pas l'heure de votre tasse de thé royale avec la reine? Le regard de la fillette s'arrêta sur son poignet, vérifiant l'heure sur sa montre imaginaire.
- Vous avez raison, paysan! Je vais être en retard et la royauté n'est jamais en retard!
- Laissez-moi vous conduire dans votre carrosse royale, princesse.
- Je vous ferez donc cet honneur Mr. Le Pauvre. Elle lui tendit ainsi la poignée de sa vieille brouette, tout sourire, satisfaite de cette proposition plus que flatteuse. Exekiel attrapa le petit chariot et y balança nonchalamment le corps inanimé qu'il portait depuis trop longtemps sur son épaule. Mais. Mais… Qu'est-ce que vous faites? Sans dire un mot, Exekiel lui tourna le dos et poursuivit son chemin; brouette en main et cadavre au cul. QUE L'ON M'ARRÊTE CET IMPOSTEUR! QUE L'ON LUI TRANCHE LA TÊTE! Maugréait la pauvre fillette, poing en l'air et ignorée de tous. Ahlala, ce que les enfants pouvaient être naïf…


Squick. Squick. Squiiiick. Squiick. Squicksquicksquicksquiiiiiiick.
M'ouais, définitivement, cette brouette aurait besoin d'un petit coup d'huile. Son brouhaha était d'autant plus notable une fois à l'intérieur de la morgue, où le silence pesant régnait en maître depuis son arrivée. Le plan se voulait assez simple: s'introduire dans la salle de travail, glisser le cadavre sur un brancard, se cacher, et attendre l'analyse d'un professionnel. Oh oui, aucun doute à avoir, c'était un plan de feu!

Il n'attendit pas une seconde de plus pour mettre son projet à exécution. Il pénétra dans la salle d'examen; une grande salle froide et inquiétante que très peu éclairé mise à part le halo de lumière qui illuminait cette table en inox au beau milieu de la pièce. Table sur laquelle reposait le prochain patient de ce coroner.
Et hop. Un petit roulé-boulé de cadavre. Et vlan. Une petite swing pour déposer notre mystérieux coloc décédé - repose en paix âme inconnu - sur le meuble gelé. Puis, suffisait qu'à disposer du premier corps avant d'attendre patiemment l'arriver du médecin légiste.
Il fit un tour rapide de la salle du regard. M'ouais pas trop d'endroit où dissimuler un cadavre… Bah. Pas trop le choix alors. Hop, on renvoi notre nouvel ami dans la charrette de la petite princesse à mes deux fesses!

C'est à cet instant même qu'une lumière s'alluma au fond du corridor principal.
Merde. Merde. Merde! Il devait se cacher, et vite!
Il se permit un deuxième tour des lieux du regard. Aucune sortie outre le corridor principal, qui n'était malheureusement, pas une solution envisageable. Il était prit au piège dans cette pièce…

Squick. Squick. Squiiiick. Squiick. Squicksquicksquicksquiiiiiiick.

Il se précipita brouette en main et cadavre au cul, derrière ce petit tableau blanc qui servait surement de bloc-notes géant au coroner de l'endroit. Bon, pour une bonne cachette on repassera. Disons que le bas du corps d'Exekiel était légèrement à la vue de tous… Meurf, mais quel plan de merde ce truc! Il n'avait plus qu'à croiser les doigts pour que le médecin légiste soit tellement absorbé par la tâche qu'il en oublie ce qui l'entourait.

Lorsque les portes battantes de la salle d'examen se fit entendre il retint son souffle. Comme si de tout ce qui pouvait trahir sa présence, sa respiration était l'élément clef. Il attendit quelques secondes avant de se permettre un petit coup d'œil discret sur son plan foireux.

Oh merde. OH. MERDE. Mais c'est que le médecin légiste s'avérait être une médecin légiste. Et une très séduisante médecin légiste qui plus est.
Euh.euhm. Suffit Exekiel. C'est pas le temps de rêvasser sur ce corps de déesse. Surtout lorsqu'on a le corps d'un pauvre vieux tout ratatiner par la mort dans une brouette à son cul!

Squiiiiiick ----.
Oh merde. OH. LA. MERDE. [/i]

© disturbed

It's time for you to fold

Every word's gold when the story's told.

Le nez fourré dans la paperasse, mon regard vif et soigné glissant méticuleusement sur l’entrelacement des lettres grossières qui dérivent à l’avancée de ma lecture, lorsque je franchis l’embrasure de la lourde porte de métal, viscéralement, l’une de mes délicates mains se sépare du pad, pour s’élever vers l’interrupteur et inonder la vaste pièce blafarde de lumière. Mes longs cils fardés papillonnent légèrement,  mes sombres prunelles soudainement agressés par une colonie furtive de petits poids écarlates éclosant dans une succession de flash rutilant, il me faut plusieurs poignées de secondes pour m’habituer à la clarté naissante. Mon champ de vision embrouillé s’ajustant peu à peu à la puissance de ces cônes éblouissants, tout droit projeté des néons cylindriques, dont les dômes de lumières lactescentes, perchés au-dessus de mon crâne, ne contrastent si peu dans l’ornement incolore de cette vaste pièce lugubre et froide. Aveuglément, puisque toujours accaparée par ma lecture lancinante, je vogue au milieu de la salle d’opération, m’avançant lentement vers la table en inox où repose mon futur cas et obsession du moment.

Edgard  Goodwin. Frôlant tout juste l’orée de ses quatre-vingt printemps. Boulanger à la boulangerie de l’arrondissement de Brooklyn. Marié depuis quarante ans à une certaine Margaret Eastwood. Ce monsieur… aheum… hum… (petit regard discret vers l’identité du macchabé) GOODWIN ! s’est la semaine dernière cassé la cheville et cinq mois plus tôt un oncologue de Burrow's Hospital lui a diagnostiqué un cancer des poumons. (Bummer.) Il a souffert d’apnée du sommeil depuis plusieurs années mais n’a néanmoins jamais cessé de fumer. État de santé dégradante, l’infarctus du myocarde semble être la cause du décès. La dépouille de MONSIEUR-JE-NE-ME-SOUVIENS-PAS-LE-NOM a été retrouvée dans l’arrière-boutique de la boulangerie. Le légiste qui a assuré la relevée du corps n’a décrété aucun signe de violence… blablabla… blablabla… et la mort semble incontestablement être naturelle. Le cas doit être remis entre les mains de Dr. Willems, passible de confirmer l’hypothèse… blablablabla… requête d’un examen sommaire uniquement. Crystal clear ! =D

Doucement, je laisse déchoir sur la lisse surface du comptoir de marbre, mon précieux pad. Après m’être négligemment attaché les cheveux en queue de cheval et puis m’être désinfecté les mains, j’engouffre mes pattes dans des gants de latex. Fin prête à consolider les informations que je viens tout juste de feuilleter,  je me rapproche à nouveau de ma table d’opération, attrapant du bout des doigts les extrémités du mince drap blanc que je replie soigneusement jusqu’au niveau de l’abdomen du macchabé dont le visage cireux et rigide se dévoile peu à peu sous mes grands yeux perplexes. La chair de cette viande fraîche qui repose paisiblement sur l’inox gelé me parait si jeune… trop jeune. Cette figure n’est pas crevassée par l’usure des ans trépassés, aucune ride ne se creuse et ne s’esquisse sur cette peau lustrée. Le temps ne semble pas avoir laqué ce corps ferme et musclé. La vie ne semble pas s’être diluée dans la rigidité de ce derme blafard et froid.

- Pour un vieil homme, ma foi, vous êtes bien conservé !

Seul mon fin sourcil s’arquant faiblement de doute trahi tout signe de vie sur les traits austères et impassibles de ma figure. Silencieuse, j’incline légèrement la tête sur le côté, examinant la pâle figure qui ne recèle aucune marque de vieillesse et se voie être aussi polie qu’un masque de porcelaine. C’est bizarre… franchement bizarre… je le concède. Le gars qui gît-là n’a absolument rien à voir avec mon petit monsieur tout vieux et malade que m’attendais à voir. Exaspérée, je laisse glissé entre mes lèvres vermeilles un imperceptible soupire. Rouquin et Blondin, mes deux assistants à la con, ont probablement dû se tromper de cadavre… spéculation qui me parait plausible mais insuffisante. Ce genre de stupidité leur ressemble certes mais ce n’est pas dans leur habitude. Mmm. Où est donc passé l’être grisonnant alias mon petit monsieur ?!

Squiiiiiick…
Un bruit. Je lève brusquement la tête.  Intriguée, je pose doucement mes yeux chocolat sur la source. Je dévisage le vide durant quelque instant et me tétanise nette lorsque je croise cette longue paire de jambes qui se camoufle à l’arrière de mon tableau. Mes yeux se plissent et d’instinct j’agrippe dans le creux de ma paume ardente un scalpel gisant là sur un charriot métallique avoisinant mon espace de travail. À pas feutrés, je me rapproche de cette mystérieuse présence. Arrivée à son niveau, brusquement, sournoisement, j’écarte à grande volée le tableau à roulette. Mon regard méfiant captant tout juste ces deux billes azurs qui s’arrondissent de stupéfaction, que déjà je pointe et braque la cime acérée de mon arme improvisée sur la trachée de cette jolie gorge maigrelette qui me passe tout chaleureusement le bonjour.

- C’est à quel sujet ?

Sarcasme. Arme fatale. Seule arme que je possède réellement d’ailleurs…
Je suis inconfortable à l’idée de savoir que quelqu’un m’épiait durant tout ce temps…

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Il se trouvait planté là, comme un con; brouette en main, cadavre de pur inconnu au cul, sur le seuil de ce précipice sans fin qui se dessinait à ses pieds, sur le point de basculer au cœur de sa déchéance. Il se trouvait planté là, comme un con, pendu à ses lèvres à la fois fermes et tentatrices. Ses jambes lui priaient de lâcher prise, lui hurlait son martyr. Elles voulaient flanchées. Elles allaient flanchés. Et pourtant, elle restaient là, bien droite, tourelles de béton d'une armature de glaise.
Leur motivation?
Un simple petit bout de métal miroitant les reflets brisés d'une sombre méfiance qui avait trouvé racine à même la moelle épinière de son hôte. Vertèbres fortifiées par l'imperturbable. Bâillonnant son innocence  par la facilité du doute.
Simple petit bout de métal parfaitement affuté et si gentiment déposé contre sa délicate jugulaire; puis-je me permettre de préciser.
Le moindre mouvement pouvait lui être fatal - de quoi vous motivé les quadriceps, assuré! -
La proximité de ce scalpel ne faisait que renforcer les kilomètres qui le séparait de la ténébreuse.
Mais quel plan de con…

- Je…-- euh.euhm.

Il s'éclairci la gorge, tentant en vain de dénouer le stress qui incendiait son œsophage et qui laissait échapper de ses cordes vocales un dialogue qui se voulait beaucoup plus strident que prévu.

- Je crois que c'est à vous…

Reprit-il de sa voix de gamin prépubère. Léchant le sol du regard sous le poids oppressant de la honte, il lui tendit la poignée de la brouette.

- Je suis désolée… Je ne voulais pas… Vous savez… euhm…. Désolé.

Il n'arrivait pas à trouver les mots. Il n'arrivait pas à trouver le fil de cette histoire saugrenue. Comment expliquer toute cette merde sans avoir l'air d'un parfait abrutis?

- Y'a des cadavre chez moi. Vous comprenez? Tout un tas de cadavres. Et ça s'empile, et ça s'empile, et ça s'empile. Et moi. J'y comprends plus rien. Je suis parti avec un corps. J'ai volé cette brouette à une fillettes, pour le transport… J'avais besoin de l'avis de quelqu'un. D'un professionnel. De votre avis. Vous comprenez? J'ai inter changé les corps, puis… Je me suis caché. J'étais persuadé que vous ne vous rendriez compte de rien. À force de voir tant de cadavres….Ça s'empile, ça s'empile et ça s'empile à votre esprit, non?

Les mots qui n'arrivaient à sourdre contres sa langue il n'y a de cela que quelques secondes se bousculaient soudainement pour  sortir tous en même temps. Il était soudainement épuisé. Le cœur toujours battant, la bouche pâteuse, la tête lourde et la vision trouble. Oh non. Oh non! Oh la merde!

Le monda tanguait sous ses pieds. Non, il tanguait sous le monde. Puis dans toute sa grâce, il perdit pieds. Apparemment, le scalpel n'avait su motiver convenablement ces pauvres quadriceps qui avaient flanchés sous la pression.

Voilà comment il s'était trouvé là, évanoui comme un con; le cul moulé au cadavre d'un pur inconnu, partageant dans une brouette un repos non-mérité en cuillère avec un mort.

Mais quel plan de con…

© disturbed