playing hide and seek ζ BRAN&BRISEIS

❝WHO ARE YOU? HOW DID YOU... DID YOU BREAK INTO?❞

( c) texas-flood

Il y avait des jours où rien n’allait. C’était comme si soudainement le monde entier se liguait contre vous, vous maltraitant jusqu’à tordre vos plus infimes convictions pour ne laisser de vous qu’une carcasse vide d’énergie. Ce jour là, Briseis était arrivée en retard. Bien entendu, son boss n’en tint pas rigueur et l’assura qu’une fois par an, c’était toujours acceptable. Mais pas aux yeux de la jeune femme. L’humaine n’avait pas prévu de devoir faire un détour ce matin là mais elle avait croisé une personne en détresse, les vêtements déchirés et les yeux affamés. Quel autre choix avait-elle eu que de la confier au centre d’aide ? La pauvre avait tremblé tout le chemin, ne décrochant pas un seul mot. Peut-être venait-elle de sauver une de ces créatures dont on parlait beaucoup mais qu’on voyait peu ici, les originels ayant décrété que ce quartier était le sanctuaire humain, leur garde manger où leur bétail pouvait se reproduire. Un véritable élevage dont la jeune femme n’avait pas conscience : après tout, elle n’avait jamais eu de relations sexuelles, et ne cherchait même pas à en avoir. Ses yeux étaient tournés plus haut, vers le Ciel, qui lui seul savait quand elle rencontrerait ce prince charmant dont elle avait rêvé cette nuit... Jusqu’à ce que ses yeux s’ouvre brusquement sur la réalité. Oui, l’autre signe qui avait confirmé à Briseis que sa journée commençait mal, c’était tout simplement de ne pas avoir pu finir ce rêve merveilleux. Là, elle pouvait oublier la réalité. Mais une fois sortie de l’oubli de la nuit, elle se rendait toujours compte que ses parents n’étaient plus près d’elle, que la solitude lui pesait... Ses amies avaient beau vouloir la pousser à sortir, Briseis résistait. Elle ne comprenait pas qu’elles prennent un si grand risque alors que le danger les cernait. C’était totalement inconscient !

Marchant d’un pas rapide vers son lieu d’habitation, un immeuble qui tombait lentement en ruines et dont la gloire d’antan s’effaçait peu à peu des pierres, la jeune femme soupira. Les clients n’avaient pas été trop désagréables mais ... Elle avait encore fait un détour pour repasser au centre et s’assurer que cette femme trouvée ce matin là en état de choc allait bien. Et puis, une chose en entraînant une autre, elle avait comme toujours apporter plus d’aide que prévu, jusqu’à finalement être épuisée. Et puis, pour ne rien arranger, il s’était mis à pleuvoir. Et elle avait oublié son imperméable. Pestant, elle arriva finalement vers l’entrée. Il était évident que la pluie finirait par tomber ! Bon... Ce n’était que quelques gouttes d’eau... Relativisant au mieux, elle poussa la porte et... Des tâches sur le sol attièrent son attention. « Y’a quelqu’un ? ». Pas de réponse. Intriguée, elle monta les escaliers en les suivant jusqu’à ce qu’elles disparaissent au premier étage. Son étage. Soucieuse, elle monta au second pour vérifier mais... Rien. Etrange... Mais il n’y avait personne alors... Ce devait être un enfant et la mère avait apporté de quoi le soigner... Haussant les épaules, elle introduisit la clé dans la serrure. La clenche cliqueta et la porte s’ouvrit. Alors que cette porte avait été verrouillée. Ou pas ? Avait-elle oublié ? Dieu... Si jamais elle n’avait pas fermé la porte le matin même alors là, cela signifiait que c’était vraiment une très mauvaise journée pour elle.

Fatiguée, elle entra sans se douter un instant de ce qu’elle allait trouver dans son appartement : un intrus, un étranger, un homme blessé mais aussi un homme qui manifestement était entré par effraction chez elle. Posant ses clés et son sac, elle avança dans le couloir. Ses yeux se posèrent instantanément sur une chose qui n’était pas à sa place. Une chose qu’elle n’avait pas laissé là le matin venu. Son sang ne fit qu’un tour alors qu’elle découvrait le corps d’un homme à moitié nu. Stupeur. Livide, elle n’eut même pas le réflexe de hurler. Elle était morte ! C’était un fou, un meurtrier, un vampire peut-être qui l’avait suivi dans cet unique but ! Non. Il n’était pas assez pâle pour être un vampire... « Qui êtes vous ? » Les mots étaient sortis sans même qu’elle ne le réalise. C’était qu’une partie de son cerveau avait analysé la scène : ce malotru s’était servi dans ses céréales et avait mangé l’équivalent d’une semaine de nourriture en même pas ... Quoi ? Il était entré quand ? Pourtant, elle ravalerait vite sa colère. Oui, lorsque la jeune femme se verrait confronté à la douleur d’un innocent, elle se montrerait soudain bien plus douce. Elle offrirait l’hospitalité même si elle n’avait pas les moyens de subvenir à leurs besoins, peinant déjà à subvenir aux siens. « Comment-êtes vous entré ? ». Oui les questions s’enchaînaient. Mais c’était étrange. « Vous êtes blessé ? ». Et il n’avait pas trouvé les bandages. Ah pour trouver les céréales, les vêtements de son père, il n’avait eu aucun problème... Mais les bandages... Elle approcha pour observer la plaie avec une curiosité naturelle.

❝WHY DO THEY ALL COLLAPSE?❞

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La jeune femme déglutit alors qu’elle trouvait un étranger chez elle qui manifestement était soit là pour voler ou pire... L’avait-il suivi ? Etait-il là pour autre chose ? Tétanisée, elle n’avait pas aucun moyen de défense à part la fuite. Mais fuir son refuge... C’était une chose qui lui semblait impossible. Jusqu’à ce que son esprit ne note des détails de toute importance : premièrement, cet homme portait des affaires qui avaient appartenu à son père. Deuxièmement, il semblait bien mal en point et donc incapable de lui sauter dessus. Si ces informations n’étaient pas parvenues de manière consciente, l’humaine agissait encore instinctivement. Choquée et surprise, les mots sortirent sans même qu’elle ne sache comment elle en avait trouvé la force. Et l’homme ne lui répondit pas. Etait-il mort ? Observant son visage, elle sursauta lorsqu’il ouvrit les yeux et recula alors qu’il se redressait. Le silence fut soudain pesant. Trop pesant. Briseis ne savait plus si elle devait vraiment partir en courant... Ou pas. Mais où irait-elle ? C’était le seul endroit qu’elle connaissait, sa maison... La tension qui régnait plongeait la jeune femme dans le doute. Tout deux semblait prêt à fuir au moindre geste brusque et tout deux semblait vouloir quand même rester ici. Jusqu’à ce qu’il ne sourit. Sur le moment, la jeune femme se demanda pourquoi il se moquait d’elle. La porte était verrouillée, les fenêtres fermées, alors oui, elle se demandait bien comment il avait pu réussir à rentrer. « Par la porte. ». Dire qu’elle fut surprise par la réponse était un euphémisme. Les yeux arrondis, elle secoua la tête. Non. Non, elle avait fermé à clé, elle fermait toujours à clé ! Il fallait être fou pour laisser... Mais la porte n’avait pas la serrure cassée alors... Soit elle avait oublié soit... Oui, le doute avait bien fini par s’infiltrer dans ses veines. Cela lui paraissait tellement gros mais elle ne pouvait pas l’accuser de mentir alors qu’elle ne le connaissait pas et qu’elle n’en avait pas la preuve ! Ce serait injuste et ce serait un pêché.

Et puis il y avait plus urgent. A cette distance, ses yeux purent constater librement ce qu’elle avait déjà inconsciemment remarqué : cet étranger était blessé. A quel point ? Afin de pouvoir mesurer les dégâts et ce qu’elle aurait besoin de sortir, elle se rapprocha encore et tendit la main pour vérifier la plaie. Mais sans qu’elle ne s’y attende, l’homme lui saisit le poignet. Surprise, elle leva un regard inquiet vers lui. « La curiosité est un vilain défaut. ». Elle allait lui répondre qu’elle voulait simplement vérifier si la blessure était sérieuse ou pas mais elle ne put le faire car voilà qu’il se leva sans attendre, prêt à partir. Avec les affaires de son père. Bon, d’un autre côté il ne pouvait pas partir nu non plus, ce serait malvenu et ces vêtements, son père n’en aurait plus besoin... La charité, c’était aussi une qualité dont elle devait faire preuve. L’observant, plongée dans ses pensées elle hésitait encore. Jusqu’à ce qu’elle entende le son d’une chute. Ramenant ses yeux sur le lycan, elle l’interpela. « Est-ce que ça va ? ». Il ne lui répondit pas. Non, elle le vit se remettre debout, et n’osa pas répéter sa question. Manifestement, elle était de trop chez elle. Jamais elle n’aurait pensé pouvoir ressentir un tel sentiment un jour. En quelques minutes, elle était devenue l’étrangère... Perturbée, elle le vit chuter une seconde fois. Cette fois ce n’était pas normal, on ne trébuchait pas à deux reprises. Observant le sofa et le sol, elle vérifiait s’il avait laissé des traces de sang. Apparemment oui mais était-ce suite aux soins ou bien parce qu’il perdait encore du sang ? Il semblait bien décidé à partir. Elle pouvait peut-être l’accompagné au centre d’aide ? Ils pourraient sûrement l’aider à se remettre sur pieds là bas. S’il souhaitait absolument partir, elle ne pourrait pas l’en empêcher après tout. Avançant pour l’aider, il se trouva bientôt à avancer vers elle. Qui elle était ? Et lui, qui était-il ? Elle lui avait posé la question la première ! Mais elle n’était pas le genre de femme à contester, pas quand elle ignorait si elle risquait réellement sa vie ou non. « Briseis. Je vis ici depuis toujours. » Il n’eut pas le temps de répondre. Voilà qu’elle le vit basculer en avant et Briseis eut juste le temps de rattraper pour ne pas qu’il se blesse la tête dans sa chute. « Monsieur ? ». Il était inconscient. Inquiète, elle le retourna et observa la plaie recousue... Eh bien à l’arrache comme diraient les autres. Se mordant la lèvre, Briseis le tira sur le sofa et courut récupérer le nécessaire pour le soigner. Profitant qu’il soit inconscient, elle défit les coutures et nettoya la plaie proprement avant de recoudre avec soin les chairs. Là, elle lui fit un bandage avant de le couvrir avec une couverture afin qu’il n’attrape pas froid. Certaine d'avoir fait ce qu'il fallait, elle se sentit mieux. Elle avait accompli son devoir et dans le fond, elle espérait bien que l'homme s'en sortirait et qu'il ne mourrait pas.

Sans un bruit, elle nettoya le sang par terre et rangea le paquet de céréales avant de s’éclipser dans « sa » chambre. Elle avait appartenu à ses parents avant mais la sienne étant condamnée, elle avait dû s’y installer. Parfois, elle avait l’impression de retrouver leur odeur dans les draps et elle redevenait cette petite fille qui cherchait à se cacher d’un monde trop effrayant. Fermant l’armoire où le loup avait fouillé pour trouver des vêtements, elle se sentit presque violée. Où avait-il fouillé d’autre ? Troublée, elle se réfugia dans le lit et se coucha. Elle ne s’endormit pas vraiment. Savoir qu’un étranger, même blessé, dormait à quelques mètres d’elle était source d’anxiété. Chaque bruit la réveillait. Jusqu’à ce que l’épuisement ne la prenne et ne l’emmène dans un monde d’oubli, où les rêves d’une enfance perdue lui faisaient revivre des jours plus heureux. L’espoir était toujours là.

❝SOMETHING WRONG? ❞

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Un homme blessé pouvait avoir plusieurs réactions. Cela, Briseis le savait bien puisqu’il lui arrivait de faire du bénévolat dans un centre. Un centre où des blessés arrivaient régulièrement, certains en implorant Dieu de les aider, d’autres en insultant tout le monde. Apparemment, le loup garou était plutôt de la seconde catégorie. Cela, elle le perçut au vocabulaire peu châtié qu’il employait mais surtout à travers son comportement agressif. Sans dire mot, elle le regarda lutter pour partir. Une part d’elle-même souhaitait le voir disparaître afin de pouvoir l’oublier, l’autre sentait bien qu’il avait besoin de son aide. Mais comment venir en aide à une personne qui refusait la main que vous lui tendez ? En pleine interrogation sur le meilleur comportement à tenir, la jeune femme était plongée dans ses pensées. Très loin de se douter qu’elle suscitait des envies particulières et que le loup brûlait d‘envie de se jouer d’elle. Le cliché... La jeune femme innocente face à un grand méchant loup. De quoi faire rire la plupart des humains autant que les créatures surnaturelles et pourtant ici Briseis était bien victime de sa naïveté. Tout autre être raisonnable aurait menacé le loup d’un couteau d’argent et l’aurait sorti de chez lui en lui bottant l’arrière train. Mais pas elle... Non, elle devait, du moins le pensait-elle, offrir l’hospitalité à celui qui en avait besoin. En avait-il besoin ? Elle fut sortie de ses pensées par une question. Qui elle était ? Les mots sortirent de sa bouche les uns après les autres jusqu’à former une réponse à peu près cohérente. Mais apparemment, ça ne lui suffisait pas.

Elle pouvait prétendre que son mari risquait de rentrer d’ici quelques heures. Mais ce serait mentir. Le temps qu’elle réfléchisse à la meilleure démarche tout en respectant les fameux préceptes bibliques, Briseis vit le corps masculin basculer vers l’avant. Heureusement, elle put le rattraper et amortir sa chute. Elle mit plusieurs heures à le soigner mais ne se plaignit jamais. Bien au contraire. Ainsi assommé, l’homme avait quelque chose de presque...Angélique. Presque. Briseis se demanda d’où il venait, qui il était et surtout pourquoi et qui avait voulu le tuer... Des questions qui resteraient pour le moment sans réponse. Promenant ses mains autour de la plaie, elle agissait avec une extrême douceur. Dans son sommeil, elle osa même passer une main dans ses cheveux et sur son visage. C’était un bel homme... Un de ceux pour qui ses amies se damneraient mais Briseis sentait bien qu’un monde les séparait. Silencieuse, elle finit par lui mettre une couverture afin qu’il n’attrape pas froid et se réfugia dans sa chambre.

Endormie, elle n’entendit pas le loup se réveiller dans le salon ni même tenter de s’enfuir. Perdue dans ses songes, revivant des moments du passé avec son père, elle souriait. Oui, la nuit permettait vraiment de tout oublier. Elle ne l’entendit pas non plus entrer dans la chambre et s’adosser au mur. Ce ne fut qu’une heure plus tard qu’elle se réveilla. Ouvrant les yeux, elle se redressa lentement dans le lit, reconstituant le puzzle de sa vie : le jour, les choses à faire... L’homme dans son salon. Ou pas. Car du coin de l’oeil elle reconnut une silhouette humaine. Surprise, elle sursauta et poussa un petit cri de frayeur. « Mais qu’est ce que vous faites là ? ». Cette fois, elle était foutue. Cet homme était un pervers. N’importe qui lui dirait de lui balancer la première lampe qui lui passait dans la main en pleine tête et de fuir. Mais la jeune femme était tétanisée, fixant cet invité qui l’avait manifestement regardé dormir toute la nuit. Ou quelques heures ? Cela revenait au même ! C’était malsain ! Ou bien... Peut-être n’avait-il pas osé la réveillé et qu’il n’allait pas bien du tout ? Le draps ramené sur elle, elle s’autorisa à le regarder à nouveau : « Est-ce que ça va ? Un problème avec la blessure ou ... ? ». De loin, elle cherchait à percevoir s’il y avait du sang qui s’étalait sur le bandage ou bien d’entendre une respiration sifflante qui témoignerait d’une agonie mais... Non. Aucun de ces signes n’étaient visibles sur lui.

❝I SUCK. THEY'RE RIGHT. I'M STUPID. ❞

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Briseis, le draps ramené pudiquement devant elle fixait l’étranger avec inquiétude. Les loups dans les histoires mangeaient toujours les agneaux ou les petits chaperons rouges. Mais la jeune femme ignorait encore bien à qui elle avait affaire. Le coeur battant encore trop vite, elle se remettait de sa première frayeur. Voir une ombre humaine se dessiner sur un mur, c’était une image qui effrayait encore la plupart des enfants et la jeune femme vivait seule depuis assez longtemps pour oublier qu’elle avait un invité chez elle. Lorsque ses idées furent remise en place, elle réalisa ce qu’il se passait. Un homme était entré dans sa chambre. Ce n’était pas la première fois qu’elle portait secours, ni la première fois qu’elle avait le réflexe de vouloir se cacher très loin sous terre. Pourquoi se retrouvait-elle tant dans des situations aussi dangereuses ? Tout d’abord, elle avait aidé un vampire atteint de malaise, sans même le savoir. Et maintenant, elle aidait un loup garou. Nature que bien entendu elle ignorait aussi. C’était comme si soudainement la jeune femme était un aimant à créatures surnaturelles. Priant silencieusement une nouvelle fois le Seigneur de la protéger et d’éloigner le Mal. « Je vous ai fait peur ? Loin de moi cette idée… ». Elle perçut bien le rire qui s’ensuivit et qui n’avait pas vraiment grand chose de bienveillant. Il se moquait d’elle. Un voile de tristesse passa dans son regard. « Briseis, tu es un cas désespéré ! Aucun homme ne voudra d’une vierge, quelle idée ! Tu te prives de bien de bonnes choses », « Non mais je ne suis pas aussi désespérée qu’elle quand même, je vais en trouver un autre dès ce soir vous verrez ». Les rires suivaient souvent et elle, elle restait silencieuse face aux remarques désobligeantes et humiliantes de cette « amie ». Suivie bien sûr des autres. Mais elle devait bien le mériter puisque le seul homme a s’être trouvé dans cette chambre en dehors de son père était cet homme. Et il se moquait d’elle. Hochant la tête, le regard vide, elle se souvint également de la blessure. Il s’était excusé alors il ne pouvait pas vraiment vouloir lui faire du mal. Physiquement du moins. « Oh non, ça va, d’ailleurs… ». Bon. Que lui voulait-il alors ? Elle pensa qu’il allait la remercier mais il formula une toute autre demande. Elle se sentit rougir. Il préférait partir dehors que de rester ici. Elle était vraiment bonne à rien ! Elle déglutit et hocha la tête. « Je m’habille et je vous ouvre », réussit-elle à articuler avec peine. L’observant pivoter, un gargouillement inquiétant se fit entendre dans le silence tendu qui régnait. Il avait faim... Mais elle n’avait pas grand chose à lui offrir...

En une seconde, l’homme disparut dans le couloir. Quand elle fut certaine que les pas étaient suffisamment loin, elle enfila rapidement un pantalon et un T-shirt. Il fallait qu’elle lui donne quand même un petit quelque chose ! Tant pis, elle ne se nourrirait pas les prochains jours, ce ne serait pas la première fois qu’elle se trouverait face à un jeun forcé. Elle pouvait bien sauter un petit déjeuner. Courant presque dans le couloir, elle eut un mouvement de recul quand elle le trouva dans le canapé, devant la télévision, comme s’il était chez lui, à manger le steack haché qu’elle avait précieusement découpé pour économiser la viande. Consternée, elle le vit finir ses céréales. Et il continua encore jusqu’à ce qu’elle voit ses réserves de la semaine réduite à ... Néant. Elle déglutit. Une vague de colère l’avait fait frémir mais... Elle pria instantanément. Cet homme était blessé, se mettre en colère serait pêcher. Il ne savait pas et avait besoin de prendre des forces alors c’était son rôle à elle de le remettre sur pieds. Oui, Dieu lui avait sûrement amené cet homme pour le ramener dans la lumière. C’était probablement l’explication à toutes ces choses.

La main sur ses lèvres, elle était plongée dans ses réflexions alors que le loup observait l’appartement en l’ignorant totalement. Soucieuse, elle réfléchissait aux heures supplémentaires qu’elle devrait faire de nuit. Quand elle releva les yeux, elle vit le doute dans le regard de l’homme qui ne lui avait toujours pas dit son nom. Toujours silencieuse, elle fit un pas vers lui. Il fallait être courageuse et offrir la charité à ceux qui en avaient besoin. Inspirant, elle se lança dans une invitation : « Je ne sais pas si vous voulez vraiment partir, les clés sont sur la commode mais... Je pense qu’il serait plus sage que vous restiez quelques jours ici, le temps que la cicatrice se referme. Avant de retourner dehors... Celui qui vous a fait ça vous attend peut-être et vous n’êtes pas vraiment au mieux de votre forme pour... Gérer ce genre de situation ». Se rendant compte qu’elle avait pu paraître impertinente, la jeune femme bafouilla rapidement « Enfin... Je crois. ». Baissant les yeux, elle approcha pour ranger les emballages vides et les jeter dans un sac plastique faisant office de poubelle. Son nom... Il fallait qu’il lui donne son nom. « Puis-je connaître votre nom ? Vous connaissez le mien mais j’ignore le vôtre et... Ce serait... Mieux... ». Oui pour parler. Même si quelque chose au fond d’elle lui disait que cet homme ne voudrait pas vraiment parler avec elle...

❝GOD! HE'S HALF NAKED! ❞

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L’homme n’avait pas l’air d’être un SDF. A vrai dire, Briseis n’avait même pas cette idée en tête et nul doute que si jamais elle lui avait traversé l’esprit, elle lui aurait définitivement offert son toit. Certes, son appartement était simple, un peu vieillot et comportant une chambre, sa chambre à l’origine, condamnée était une forme de misère aux yeux de ceux qui réussissaient mieux. Mais comme lui, elle savait se satisfaire de peu. Y compris en nourriture. Sa silhouette svelte était bien le signe que la nourriture ne venait pas tous les jours pour elle et que la jeune femme avait appris à ne pas manger outre mesure. Tout était rationné avec une grande prévoyance. Sa survie tenait à ça : prévoir. Ne pas rentrer du travail de nuit, ne pas consommer tout d’un coup mais plutôt par petites portions chaque jour... Des règles de vie qui l’avaient mené jusque là et ce malgré cette grande naïveté, cette grande gentillesse qui la caractérisaient. Constatant avec effroi et agacement qu’il venait de totalement vider ses réserves, la laissant sans aucune pitance, elle ravala sa salive en fermant un instant les yeux. Il fallait se montrer patient et surtout charitable avec ceux qui en avaient le besoin. Il était blessé et devait donc manger pour regagner des forces. Une fois sa prière muette formulée et son esprit apaisé, elle réalisait qu’il était assis dans son canapé. A l’aise. Mais pas elle. Comment lui dire sans risquer sa vie qu’il était plus prudent de rester quelques jours ici ? Les mots lui coûteraient probablement. A cet instant précis, une part d’elle même aurait souhaité pouvoir dire à cet intrus de sortir de chez elle et de ne jamais revenir. Mais un instinct lui dictait un comportement tout à fait autre. Il avait quelque chose de sauvage, quelque chose d’instinctif, un côté prédateur qui la tourmentait. Car à n’en pas douter, elle faisait une proie facile.

Inspirant profondément pour se donner du courage, elle osa proposer. Elle observa bien les réactions du jeune homme dont les yeux allaient toujours vers les clés. Il allait fuir. Et se dire qu’elle aurait nourri un cadavre ne lui plaisait pas trop... Oui quitte à ce qu’il lui prenne sa nourriture, il fallait qu’au moins Dieu lui épargne sa vie pendant les prochains jours. Qu’elle n’ait pas l’impression d’avoir agi pour rien. « Merci pour l’invitation. C’est… Gentil. ». Un sourire vint illuminer le visage de Briseis. Oui, qu’il lui reconnaisse cette qualité lui faisait plaisir. Dans ce monde, elle était rare et si souvent peu rendue. Elle aurait bien pu la laisser glisser, devenir une autre femme, plus sûre d’elle, écrasant sans hésiter les autres. « Je pense que vous avez raison… ». Ah ? Elle détourna le regard, rougissant sous ce compliment indirect. « Il serait plus sage de rester ici quelques jours de plus. Mais il faudra que je parte dans trois jours. ». Dans trois jours ? Elle haussa un sourcil interrogateur. « Pourquoi ? Je doute que ce soit guéri d’ici là. La plaie est quand même assez profonde. Mais vous êtes libre de faire ce que vous voulez. Les clés seront là de toute façon. » Un nouveau sourire aux lèvres, elle le perdit quand il retira sa chemise. Elle pivota sur elle-même, rouge pivoine. Non mais ! Il ne pouvait pas faire ça quand il était seul dans une pièce ?

Tournant la tête, elle l’observa du coin de l’oeil inspecter son travail. Elle avait eu quelques entraînements alors elle savait qu’elle avait bien fait mais... « Bràn ». Sursautant, elle fixa à nouveau ses yeux sur le mur qui lui faisait face. Le coeur battant à tout rompre, elle ferma les yeux pour reprendre contenance. « Enchantée, Bràn ». Elle avait répété le prénom comme s’il avait une signification spéciale, une espèce de rune anti mauvais sort. Obtenir ce prénom était une première victoire. Si elle s’écoutait, elle aurait sans doute sautiller partout, l’index et le majeur formant un V significatif. Mais au lieu de ça, elle tourna la tête légèrement vers lui, choquée. « Faire les... Non... Je ferai des heures supplémentaires, ça devrait suffire à s’en sortir pour les prochains jours. » Elle hocha la tête, comme pour s’en convaincre elle-même. Oui, elle ferait ça et elle donnerait les trois quarts à son invité, se contenterait du reste. La solution lui semblait la plus sage. Les poubelles... On ne savait pas qui avait touché les ingrédients et des rats ou des chats ou même des chiens errants pouvaient vous refiler des maladies assez sérieuses. Se rendant compte qu’elle le dévisageait, Briseis décida de se fixer à nouveau le mur. Quoi faire ? « Je dois faire le lit ». Elle s’éloigna vers sa chambre et s’occupa du ménage. Essayant de ne pas repenser aux visions qui troublaient toujours son esprit.

❝DON'T LOOK AT HIM! DON'T LOOK AT HIM. COME ON. JUST CARE BOUT THE BED.❞

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Briseis sentit bien que ses questions ne plaisaient pas à l’homme. Baissant les yeux, culpabilisant pour sa maladresse. Le visage quelque peu renfrogné de son invité était l’un de ces visages qu’elle craignait le plus au monde. Il allait partir et s’il lui arrivait quelque chose, la jeune femme savait déjà qu’elle se sentirait comme responsable. Il était venu là. Une seule personne avait pu guider ses pas jusque chez elle. Une évidence à présent : sa mission était de lui offrir un toit, à manger, de prendre soin de lui car seul Dieu avait pu être le maître de cette situation. Alors elle ne devait pas échouer ! Déglutissant, elle s’était figée. Les secondes semblaient s’étirer lentement et les yeux fermés, elle attendait la sentence. « Je dois juste m’en aller dans trois jours, totalement guéri ou non… C’est tout, ça n’a rien à voir avec vous. ». Relevant lentement la tête, elle sourit bien qu’un voile d’inquiétude recouvrait toujours son regard. « Oh, très bien. ». Elle n’ajouta rien et pourtant ses pensées s’entrechoquaient dans son esprit. Pourquoi trois jours ? Avait-il encore des ennuis ? Serait-il seulement capable de partir dans trois jours ? Morte d’inquiétude, Briseis n’en exprima pourtant aucune, craignant d’agacer le jeune homme.

Elle tentait d’adapter son comportement, de se montrer moins... Coincée et qu’elle soit encore la risée auprès de ses amies. Mais elle ne savait pas trop comment s’y prendre. Et puis, elle se sentait malgré elle en grand danger. Après tout, ses parents n’avaient-ils pas insister pour ne jamais laisser entrer un inconnu ? Sauf qu’elle connaitrait bientôt son prénom. Bràn. Il ne serait alors donc plus vraiment un inconnu... N’est-ce pas ? Un peu tracassée, elle n’osait pas vraiment le regarder. Mais ses yeux cherchèrent l’homme, toujours assis dans son canapé. Il vérifiait son travail. Déglutissant un instant, craignant une remarque désobligeante qui la peinerait, elle eut enfin le fameux mot de passe. Un nom. Un nom pour le désigner et le sortir en partie de la zone « étranger », et créer une forme de relation qu’elle considérait comme plus saine. Il lui sourit encore. Et la brune se fixa à nouveau face au mur, terriblement gênée. Alors qu’une certaine joie l’envahissait peu à peu. Oui, c’était à présent une certitude, avoir obtenu ce sésame était une marque de confiance. Mais trop réservée pour exposer toute forme de spontanéité aussi extravagante, elle resta sage, à sa place.

Toute joie fut oubliée. Il avait simplement suffit d’un aveu. Un aveu qui consterna Briseis car, bien qu’elle ne soit pas riche, parvenait à subsister dans de meilleures conditions. Oui, à présent il était certain qu’il était un envoyé de Dieu mais dans quel but ? Quel était le destin de cet homme ? Que ferait-il d’important ? « Comme vous voulez. ».  Interrompue dans ses pensées, la brunette se demanda si elle y parviendrait... Elle qui voulait à tout prix éviter de rentrer la nuit... Encore une source d’inquiétude supplémentaire.  Plongée dans ses pensées, elle réalisa soudainement qu’elle le fixait de manière peut-être trop insistante. Oh non ! Il allait croire des choses qui n’étaient pas vraies ! Rougissante, elle prit la fuite et partit faire le lit dans la chambre.

Loin de se douter que Bràn calculait leur relation pour conserver un point de chute où il pourrait sans honte abuser de sa gentillesse, Briseis  retapa les oreillers et tira la couverture pour remettre le draps. Là, elle sentit une présence et leva la tête pour découvrir le blessé se baladant torse nu et... Oui, sa première pensée vu qu’il faisait un outrage sans commune mesure. Il venait de violer encore une fois cet espace privé, ce lieu qu’il n’aurait jamais dû pouvoir franchir. Les yeux écarquillés par la surprise, elle secoua vite la tête et se concentra à nouveau sur le lit. Ses joues lui semblaient brûlantes et pour cause : comme Bràn cherchait à le vérifier, oui, elle rougissait bien juste à la vue d’un homme à demi-nu. « Vous... Vous devriez remettre votre T-shirt... Vous...Pourriez attraper froid ». Maigre défense mais elle se rendit compte qu’elle devait contourner le lit et donc passer très près de lui. Dépitée, elle hésita quelques dizaines de secondes, s’acharnant à bien border le lit déjà bien au carré. Finalement, elle se rendit compte qu’elle n’avait pas le choix alors elle passa devant lui en retenant sa respiration pour s’occuper de l’autre côté. Elle prit un soin tout particulier à garder les yeux fixés sur les draps. Et non pas sur lui.