Keïra McLennan & Raphaël Keynes
Il n'était pas tard, mais la nuit était tombée. Des gens trainaient encore dans la rue, plus loin dans les autres quartiers. Raphaël pouvait tous les sentir des kilomètres à la ronde, devinant d'une simple respiration la race qui croisait à un embranchement une poubelle. Le loup était devant un grand bâtiment, le plus grand de tout New York et surtout le plus riche et le mieux protégé. Il n'habitait pas ici, mais il y travaillait. Et c'était pour le travail qu'il attendait dehors, agacé de patienter. Il cogna dans un cailloux, puis un autre. Il n'avait pas grandement apprécié la manière dont on lui avait demandé de se charger de cette surveillance. Mais c'était de son devoir d'obéir, alors il suivait. Il n'était pas franchement fatigué, mais il esquissa néanmoins un bâillement sonore. Elle arrivait quand cette Originelle ? Une Trentaine de minutes déjà qu'elle lui avait demandé de le rejoindre à l'entrée, ce qu'il avait fait. Il jeta un œil à sa montre et soupira, continuant de faire les cents pas. Connaissait-il la femme qui l'avait demandé ? Non, et en fait, il ne désirait pas réellement connaître ses patrons. Il n'y en avait eut qu'une dans sa vie, et rien ne pourrait jamais la remplacer. Et même si le passé était ce qu'il était, à savoir passé, la douleur d'un cœur continuait de durer, elle transcendait les âges et les souvenirs, se rappelant de temps à autre. Le problème pour Raphaël c'était bien son âme mélancolique plus tournée vers les souvenirs que l'avenir. Et sans le hanter réellement, le passé dictait encore ses pas. Son attachement pour les gens découlait de ça, et sa confiance difficilement confié aussi.
Dans la situation présente, ce qui était problématique, c'est que le jeune homme ne pouvait pas repartir comme un voleur alors qu'on lui avait donné un ordre. Et quand la vampire ténébreuse arriva l'air de rien, il fut tenté de reprocher le retard occasionné. Mais il se retint, plus par souci de préserver sa peau qu'une réellement manque de conviction. Mais Raph' n'était pas non plus un mec violent, ni réellement colérique, alors il était facile pour lui de se calmer. La patience était un bon point dans sa personnalité, ce que n'avait pas tout ses semblables loups dans le caractère. Il fallait dire aussi que Raphaël avait vu pas mal de chose, et il aimait bien répéter, un peu comme un crédo : tout vient à point à qui sait attendre. Ou bien : patience est mère de sureté. En clair, mieux valait attendre son heure. Bon croyant, le jeune homme était convaincu qu'un jour tout cela prendrait fin, cette dominance et que les choses s'amélioreraient. Belle utopie qui aurait pourtant pu paraître si belle.
Mais au moins, dans l'idée de garder les formes et sa place, il resta poli, à sa place, se contenta de suivre sans adresser un mot à la maitresse. Il se fichait bien de savoir ce qu'elle pensait de lui. Sans doute le voyait-elle seulement comme une sous espèce, une bête à dominer, un chien, comme tous ses semblables en fait. Mais qu'importe, il avait l'habitude qu'on le traite comme ça. Il avait vu même pire.
Ce qui était curieux mais bien à la fois c'est qu'elle non plus ne trouve pas le besoin de lui adresser la parole. Qu'elle l'ignore le plus longtemps possible et plus la mission se finirait vite. Surtout si c'était pour aller se gorger de sang. Dans le parc par ailleurs. Curieux, Raphaël n'avait pas imaginé qu'elle se rendrait ici. Surtout qu'il n'y avait pas grand monde, et ça se sentait. Elle aurait mieux fait d'aller dans le quartier des humains si elle avait vraiment envie de se rafraichir la gorge. Mais bon, elle faisait ce qu'elle voulait après tout, le loup n'était là que pour surveiller les alentours et qu'aucun imprévu n'arrive. Elle se retourna vers lui un instant, laissant le jeune homme complètement de marbre. Elle le dévisageait, c'était passablement énervant, et la bête en lui criait de se déchainer. Mais il fallait se retenir. Pas de violence, c'était totalement inutile, elle était trop forte pour lui. Ce regard qu'elle posait sur lui cependant avait quelque chose de très étrange. Et ce n'était pas tant son visage qu'elle regardait mais sa gorge. Raph' n'était pas idiot, et comprenait bien ce qu'elle pensait. Il ralentit le pas, imperceptiblement. Il n'avait pas envie de finir comme un repas. Et de toute façon, il paraissait que le sang de lycan était dégueulasse pour les vampires. Elle se détourna enfin, murmurant clairement pour le loup quelque chose qui lui fit froncer les sourcils. Si ça devait dégénérer, se devait-il de risquer sa vie pour que ça n'empire pas ? La situation n'avait rien de confortable, alors oui, valait mieux prier pour qu'elle trouve vite une victime.
Elle c'était de nouveau tournée vers lui, mais cette fois gênée, comme si la phrase prononcé l'avait surprise elle même. M'enfin, le loup ne préférait pas se fier à ce genre de petit tour, et si elle était vraiment sincère, alors tant mieux. Par pure politesse, il lui retourna un sourire, ce que n'aurait pas fait tous les membres de sa race, bien au contraire. Le jeune homme était assez exceptionnel en son genre pour être autre chose qu'un chien enragé tout en assumant parfaitement sa condition. La suite de ses mots, elle les adressa clairement au jeune homme. Il écouta les ordres. Il se contenta d'acquiescer positivement :
« Bien. »Devait-il chasser avec elle ? C'était un peu l'idée, ou au moins lui trouver une proie si elle n'y arrivait pas avant. Il huma l'air, il y avait dans le coin quelques hommes, des adultes et... une enfant. C'est d'ailleurs par là que se dirigea la vampire. Il la suivit de près, comme toujours, jusqu'à ce que de nouveau elle stop sa marche, érigeant de nouvelles directives.
« Comme vous voudrez. »Un vrai bon petit soldat qu'il était le Raphaël. Il disparu assez rapidement, ne préférant pas savoir ce qu'allait faire l'Originelle à la petite fille. Ou en fait, il savait très bien ce qu'il allait arriver. Au fond, ça ne lui plaisait pas vraiment, mais ce n'était pas comme si son avis comptait vraiment. Et puis... c'était le destin. Du moins c'était mieux de croire ça. Surveillant les alentours, il ne remarqua personne venir. Lorsqu'il estima qu'il pouvait reparaitre – ayant distinctement entendu les battements du cœur de la petite fille s'éteindre – il sortit des ténèbres pour rejoindre l'Originelle. Il ne savait pas son nom. Il soupira, observant le corps mort et pale de l'enfant un peu plus loin, même pas caché, clairement exposé à la lumière de la lune. La vampire quant-à elle c'était posée dans les fleurs et l'herbe fraiches, comme si de rien n'était, prenant le temps de se reposer après un bon repas. Raphaël aurait bien aimé manger une pizza tient, elle n'était pas la seule à avoir faim... il la rejoint, en silence. À vrai dire, il n'avait pas grand chose à ajouter, ni même l'envie de parler. Il était là pour les ordres, pas à contrecœur ni de plein gré, il faisait ce qu'on lui disait, tel un automate. Pourvu de conscience, mais complètement blasé. Pourtant désireux d'espoir, ce qui paraissait paradoxal.
Il reste debout, les bras croisés devant l'Originelle assoupit, attendant qu'elle revienne des songes, surveillant au passage que rien d'anormal n'arrive vers eux. Mais il n'y avait rien, sinon le silence lourd de la nuit. Et il attendait, encore.