We'll build our alter here • PV Exelan

L’illusion était parfaite. Beaucoup trop parfaite. La barrière entre le rêve et la réalité s’effondrait. Les perceptions s’en retrouvaient faussées. Tout, jusqu’à son odeur, me ramenait à lui. L’illusion était parfaite. Beaucoup trop parfaite. Tout perdait de son sens. La folie pouvait alors bien me gagner que cela n’avait guère d’importance. J’aurais pu damner mon âme si elle ne l’avait pas déjà été. C’était tout un monde que je me bâtissais. Un tissu de mensonge dans lequel je m’enveloppais avec délice. Dissocier le vrai du faux devenait difficile. Au final, je ne voulais pas lever le voile. Je ne voulais pas voir ce spectacle de corps mouvants se finir. Je savais pertinemment que le levée de rideau s’annonçait comme un coup de poignard qu’on enfonçait dans mon cœur mort. Bien qu’inerte, mon palpitant se déchirait et se retrouvait avec une plaie chaque fois plus béante. Un trou que je voulais combler. Alors je retournais auprès d’Exe-râleur. Le spectacle recommençait pour mon plus grand plaisir. Et ensuite, encore cette foutu plaie qui se réanimait. Une plaie que je devais panser. Encore et toujours. C’est ainsi que c’était installé ce cercle vicieux. Une spirale dans lequel je m’engouffrais aussi lamentablement que m’inspirait cette petite culotte balancée de façon négligée sur ma personne.

Mes yeux braquaient sur lui, je l’observais sans le voir. Je l’écoutais sans l’entendre. Imperturbable, je gardais mon sourire en coin des lèvres. Quelques minutes plus tôt, le feu de la passion m’avait consumé toute entière. Mon corps froid me semblait alors aussi brûlant qu'un volcan qui venait d'exploser. Le plaisir de la chair dans son état le plus primitif et naturel. Cet instant ultime où l’on s’oublie. J’avais encore le goût de sa peau sur la langue. Alors oui. Il pouvait toujours parler… Je comptais bien rester encore un moment à me prélasser tel un chat sur ce lit. Indifférente, je laissais retombée ma petite culotte par terre, suivi de près par ce petit sachet de poudre.

- Je crois que j’ai un trou de mémoire… Tu peux me rappeler où se trouve la sortie ? demandais-je alors que mes lèvres s’étiraient que d’avantages.

Avec la grâce du prédateur, je me redressais. Avec la détermination du prédateur, je le fixais. Je savais ce jeu malsain. Autant pour lui que pour moi. Mon aventure avec Exekiel m'avait apprise une chose importante. Je n'avais toujours pas fait le deuil de mon créateur. Et à continuer ainsi, je ne serais jamais capable de tourner la page. Si ces instants passé à frémir sous ses doigts me comblaient d'un bonheur innommable, n’en restait pas moins que tout n’était qu’illusion. Oui. Je le savais… et pourtant… Je voulais ressentir à nouveau la chaleur de sa peau. La passion de ses baisers. Un besoin insatiable que je me devais de contenir mais que je devais également assouvir.
Une lueur farouche anima mon regard alors que je me penchais pour récupérer ce qui était tant précieux pour notre mutant. Il me détestait et j’allais lui donner une autre raison de me détester que d’autant plus. Le sachet en main, je quittais ce lit encore moite pour m’approcher de lui.

- Si tu ne veux pas que ta marchandise se perde malencontreusement, tu as intérêt à te montrer plus gentil avec moi.

Un murmure à peine inaudible. Un murmure qui pourtant, se faisait menaçant. Et malgré cette menace, mes doigts encore libre vinrent flirter avec légèreté sur sa peau.

Cette poigne. Vive et assurée. Cette emprise. Inattendue et délicieuse. Nos deux corps se heurtèrent. Contraste saisissant entre le chaud et le froid. Contraste saisissant entre la vie et la mort. Pour autant, je sentais mon être vibrer en entier. Mon coeur, en cet instant précis, aurait pu cesser de battre la mesure le temps de quelques secondes. Ma respiration se serait coupé au contact de son souffle frôlant ma peau. Happée par la beauté de ses yeux. Déconcentrée par cette vague de frissons lorsque ses doigts attrapèrent mon bras, je lâchais sans aucune résistance le sachet de poudre blanche.

Il se trouvait maître de mon corps. Il se trouvait maître de mes actions, de mon désir. Danse mortelle. Désir dévastateur. Le besoin de le sentir contre moi. Le besoin de sentir à nouveau cette passion. Prête à me plier en deux pour commencer une nouvelle valse. Si forte et si faible en même temps. Je pouvais lui briser la nuque. Je pouvais lui arracher le coeur. Et pourtant, je le laissais me plaquer contre ce mur, impuissante. Et pourtant, je le laisser mener la danse, dans l'attente.

- Exekiel... me contentais-je de soupirer, fermant à demi les paupières. Ses lèvres se promenant sur ma nuque... Une vraie torture. Un vrai délice. Contradiction et tourment. Poupée de glace prête à fondre dans cet incendie d’indécence. Poupée de givre aux illusions brisées. Ses mots se promenant sur mon épiderme me donnèrent l'effet d'une douche froide.

Mes yeux s'ouvrirent en grand pour ensuite se tourner vers la porte. Cette fameuse sortie qu'il cherchait à me faire prendre. Ma déception se déguisa en un sourire amusé. Cette fêlure qui se creusait en moi se camoufla en un regard malicieux alors que je reportais mon attention sur le mutant. Petit insolent. Petit impertinent. Ma main meurtrière attrapa fermement sa mâchoire, l'obligeant à me fixer. J'étais partagée entre l'envie de lui briser la nuque et celle de tout simplement partir la queue entre les jambes... Enfin... façon de parler. Bien entendu.

- Un marché est un marché... répondis-je avec toute l'impassibilité que j'avais en réserve.

Le tuer? Aucun intérêt pour le moment. Fuir? Je ne le lui laisserais pas cette chance. D'autant plus que je ne devais pas prendre ce rejet personnellement. Il n'était rien d'autre qu'un corps. Un corps chaud qui me servait de bouillotte pour les longues nuits d'hivers. Rien de plus...  

Relâchant l'emprise que j'avais sur Exekiel, je m'éloignais de lui. Je m'éloignais de cette illusionniste. Il me procurait autant de bien que de mal. Le levé de rideau venait de tomber... et ce vide commençait de nouveau à m'envahir. Le levé de rideau venait de tomber... et cette douleur commençait de nouveau à me consumer. Ignorant ces états d'âme, je m'habillais avec empressement.

- On se voit bientôt.

Ce n'était pas une question. Ce n'était pas non plus un ordre. Un simple constat. J'avais besoin de ses services. J'avais besoin de cette mascarade. Pour quelques secondes. Quelques minutes... J'avais besoin de me sentir vivante. De me sentir... humaine. Encore une fois. Juste pendant ces fois là... Une fois vêtue, j'allais récupérer le sachet de poudre et je partis. Sans un mot. Sans un dernier regard.