❝ the scenery is so loud ❞ - D&D

Le calme avant la tempête. Je savais que ça n'allait pas rester. Le calme avant la tempête. Je savais que ça n'allait pas tarder. Tout n'était qu'une question de minutes. Tout n'était qu'une question de secondes. Je savais que sa colère serait aussi explosive qu'un volcan en éruption. Je savais que sa colère explorerait tel une cocotte minute mise sous pression. Danae. Brunette au tempérament bien trempée. Danae... Ma coloc un peu trop ordonnée. Un sourire étira mes lèvres lorsque j'entendis ses pas d'éléphants parcourir les quelques mètres qui nous séparés. Même un simple humain aurait pu l'entendre à des kilomètres à la ronde. Je savais la collision très proche. Je savais que sa boule de frustration allait grandir et s'épanouir comme de la mauvaise herbe. Un sourire en coin, je faisais le décompte dans ma tête. 1... 2... 3....

« Stoa! »

Danae, c'était un peu comme une maman. Quand elle vous appelle par votre nom en entier... Prévoyez de vous enfermer dans les toilettes sous peine de subir son courroux. Danae, quand elle m'appelait par mon nom d'origine, je savais qu'un déluge de reproche allait m'être balancée dans la face. A l'instar de cette jolie robe qu'elle tenait si précieusement entre ses doigts délicats. Nullement perturbée, je croisais mes jambes moulées dans du cuir, attrapant ce morceau de tissus comme si il s'agissait d'un vieux bout de chiffons usagés. Ce qui n'était en soit pas faux. Je l'avais utilisé pour me nourrir. La nuit au club avait été longue et cette jeune femme me paraissait si appétissante. La nuit au club avait été éreintante et cette poupée blonde m'avait paru si distrayante. Le goût de ses lèvres s'avéraient aussi agréable que le gout de son sang. Je n'avais pu résister.

Tout en écoutant que vaguement les reproches de Danae, je laissais retomber la robe par terre. Ce serait un comble que je me salisse avec un vieux bout de tissus usagé, non? De toute façon, elle m'avait posé une question pour mieux reprendre la parole ensuite. Si bien, qu'à sa question suivante, je ne savais pas si je devais répondre ou si je devais juste attendre. Le son de sa voix ne résonnant plus dans ma tête, j'en concluais donc que cette fois, la parole était à moi. Je devais faire attention à ce que je comptais dire si je ne voulais pas que la bombe m'explose entre les mains. Sûre de moi, je m'étais levée. Sûre de moi, j'ouvris la bouche :

« Et c'est justement pour ça que l'on devrait aller à Paris! Là haut, au moins, on peut trouver de belles robes. Comme ça, le soir où je t'en bousille une, tu n'aura pas besoin de venir jusqu'à moi pour me pointer sous le nez une robe toute dégueulasse.  »

Pour moi, c'était logique. Pour moi, c'était un plan indéniable. Le genre de plan où on dit un grand oui, avec le sourire con aux lèvres. Pour moi, on était déjà partis à Paris pour faire les magasins. M'approchant de quelques pas, je mis une petite tape amicale sur le nez de Danae, un peu comme on le ferait avec une gosse. Je savais que ça risquait de l'agacer... Mais au point où j'en étais.

« Et au lieu de t'énerver, tu devrais manger. Tu as une mauvaise mine. On dirait une morte. »

Je le savais, quand je dépassais les bornes. Je le savais, quand elle était vraiment en colère contre moi. Je le savais et pourtant, je ne faisais pas toujours ce qu'il fallait. Une petite parcelle de moi avait cette envie folle de m'excuser, pour que tout s'arrange et que l'on passe la nuit ensemble, à rire et à s'amuser. Une petite parcelle de moi, que je soupçonnais être mon humanité, voulait hisser le drapeau blanc et enterrer la robe de guerre. Cette petite parcelle de moi... Que j'enfouissais loin, très loin, derrière un sourire amusé et un regard provoquant. Pourtant, la peur de la perdre me tordait les entrailles. Pourtant, la peur qu'un jour elle claque la porte et ne revienne jamais me terrifiait plus que jamais. Autant, je savais qu'elle ne le ferait jamais... autant... cela n'apaisait pas cette angoisse qui endolorissait chacun de mes membres. Et plus cette peur m'habitait, et plus mes lèvres continuaient de s'étirer en une moue moqueuse, en guise de réponse à Danae. Oui. Une parcelle de moi voulait plus que tout signer une trêve... Et l'autre?... elle riait aux éclats dans ma tête, savourant de façon bien trop mesquine le mécontentement de ma soeur. Penchant légèrement la tête sur le côté, je tournais les talons pour ne jamais la quitter du regard. Le spectacle qu'elle m'offrait avec sa moue boudeuse était risible... Et ce qui devait arriver, arriva. Un éclat de rire explosa au tréfonds de ma gorge alors qu'elle me menaçait, avec son index ô combien terrifiant pointé en ma direction.

- Voyons, Danae... Ce n'est qu'une robe, finis-je par répliquer avec désinvolture.

Je savais que cette attitude détachée avait le don de l'agacer d'autant plus. Je savais que je donnais l'impression d'en avoir rien à faire. Et cela s'avérait à moitié vrai. Pour moi, ça ne restait jamais qu'une robe... parce que ce n'était pas la mienne. Je savais aussi qu'il était temps pour moi de désamorcer la bombe que je venais tout juste de mettre en route. Je comptais la faire mariner un peu avant de lui annoncer la bonne nouvelle, seulement, au vue de la situation, je me devais d'abattre mes dernières cartes. M'approchant de la table, je penchais le buste en avant, les coudes posés sur le rebord. Si Danae avait été un homme, j'aurais probablement profité de cette position pour lui offrir une vue plongeante sur mon décolleté... Mais ce n'était pas le cas.

- Et si je te disais que ta robe n'était pas morte en vain? commençais-je avec un brin de malice dans la voix. Tout le monde sait que toute guerre comporte son lot de dommage collatéraux, n'est-ce pas? poursuivais-je en me redressant. Sais-tu au moins qui repose sagement dans notre salle de bains, Danae? Une personne avec une collection entière d'escarpins dans sa penderie, des sacs à mains exporté tout droit d'Europe et surtout... des robes de luxes.... et maintenant qu'elle est morte... Satisfaite de moi, je sortis un petit jeu de clé de mon soutien gorge. Oui... Bon... On emmagasine là où on peu. Plus besoins d'invitations... demain soir, Danae, je t'emmène magasiner.

Les ombres se dissipaient. La colère disparaissait. Tout ceci ne devenait alors qu'un lointain souvenir. Les ombres de dispersaient. La colère retombait. Tout ceci n'était rien d'autres qu'un mauvais rêve. Peut-être que je ne le montrais pas suffisamment. Mais elle restait ma fierté. Peut-être que je ne le lui disais pas assez. Mais elle était de mon sang... elle était ma soeur et je l'aimais. Peut-être que je ne faisais pas toujours ce qu'il fallait. Oui. Peut-être...  Pourtant, son bonheur faisait le mien. Ces sourires illuminaient mes longues soirées. Sa présence rendait l'éternité supportable. Elle était cette seconde partie de moi. Celle dont j'avais éperdument besoin pour avancer. Celle dont j'avais désespérément besoin pour respirer.

Je la voyais, là, tellement boudeuse. Ses bras croisés sur la poitrine, elle semblait fermée à toute conversation. Oui. La situation m'amusait. Danae me faisait rire, avec ces mimiques et ses façons de gérer nos petites querelles. D'autant plus que je savais comment désamorcer la bombe que j'avais moi-même créé. Il était temps pour moi d'abattre mes cartes, de dévoiler mon jeu. Prenant tout mon temps, je lui expliquais le pourquoi d'un tel massacre. Je compris à sa façon de tendre l'oreille que j'avais capté son attention. Et lorsqu'elle pivota son corps vers moi, je savais alors que j'avais gagné. Lui tendant littéralement les clés de la victoire, je l'observais. La colère n'existait plus et je pouvais voir dans le fond de ses prunelles cet éclat merveilleux. Mes lèvres s'étirèrent lorsqu'elle se saisit du trousseau. Ce que je pourrais faire pour Danae? Tellement de choses. Beaucoup trop de choses. Ce que je pourrais sacrifier pour Danae? Tellement de choses. Beaucoup trop de choses.

- Oui!! Une nouvelle garde robe!!! m'exclamais-je tout aussi surexcitée qu'elle.

Sa bonne humeur étant contagieuse, je sentais l'hystérie du moment monter en moi comme une vilaine fièvre. Tapotant dans mes mains, je me mit à sautiller sur place, comme ma soeur. Deux surexcitées ensemble, forcément, ça n'aidait pas à calmer le jeu. Nous avions une véritable passion pour les fringues. Je pense ne pas me tromper en affirmant que pour nous, voir un dressing rien que nous c'était autant orgasmique que de se mater un épisode de Once Upon A Time avec le sexy Capitaine Hook. En la voyant débouler vers moi telle une véritable furie, j'ouvris mes bras en grand prête à la recevoir. La collision fut inévitable mais par chance, j'étais déjà morte. Aucun risque de dommages collatéraux.  En parlant de dommage collatéraux... Danae... Elle me faisait rire, encore une fois. Si elle voyait ce qu'était devenu sa petite paire de boots, elle ne me donnerait pas cette autorisation de saccager toutes les vêtements qu'elle avait. Mais pour ce coup-là... Je préférais ne rien dire. La gardant dans mes bras, je me joignit à elle dans notre danse du bonheur qui consistait à sautiller sur place comme deux dindes gloussant leur bonheur. Un joyeux tableau que voilà, n'est-ce pas? Je sais. Pour des dindes, nous avions la classe.

Ma soeur concéda à me lâcher et j'en fis de même lorsque la sonnerie du micro onde tinta à nos oreilles. Adorable comme elle était, elle m'offrit une tasse de sang chaud... Un geste qui ne faisait que confirmer mon silence sur sa paire de boots qui, officiellement, aura étrangement disparu dans les limbes. La remerciant, je pris entre mes deux mains congelées cette tasse bouillante. Contraste saisissant. Témoin hurlant de ma condition de morte vivante.

- A nous, m'exclamais-je en levant mon verre dans les airs, imitant Danae.

C'était le genre de moment qui restera gravé dans ma mémoire. Il n'était pas important en soit, mais il était agréable. Je me sentais bien. Je me sentais chez moi. J'avais un foyer... J'avais Danae.