ÉTÉ 2050. NEW YORK.
l'arrondissement du bronx. the devil's den.
Il y a des visages qui nous reviennent. Et d’autre pas. C’est comme ça. Tout simplement. Il n’y a pas de pourquoi. Il n’y a pas de comment. C’est simplement, purement, une question de physique. C’est superficiel. Et c’est apparemment ceci qui est en train de se produire avec le… curieux ?... spécimen que je suis en train de toiser en ce moment. Pas trop grand. Pas trop robuste. Pas trop joli non plus. Teint grisâtre, penchant plus vers le verdâtre. Long visage triangulaire, à l’image quasi parfaite de Pharaon, sa velue barbiche de chèvre ponctuant la crête de son menton pointu n’aide pas non plus à s’enlever du crâne le portrait du célèbre souverain de l’Égypte. Ornant ce faciès aux traits sévèrement creusés, de longues lianes crasseuses et cuivrées s’affaissent en cascade sur ces frêles épaules voutées. Ce que l’on appelle dreads, entre ces mèches folles, ça n’est jamais qu’un amas de boucles entremêlées pêle-mêle sur la boîte crânienne. Cette paire d’yeux, bien creuse dissimulée entre les orbites et les sourcils broussailleux, me considère avec une suspicion évidente, voyant valser dans le creux des cavités, la petite flamme du doute et de l’appréhension. Tout entre ses gestes et ses paroles me démontrent un embarras plutôt patent. Il bafouille. Il renifle constamment. Cligne nerveusement les yeux. Ses mains, menues, parsemée de veines proéminentes et opaques, tremblent telles de malheureuses feuilles mortes. Il n’en faut que très peu avant qu’il ne chie dans son froc… j’en suis hélas convaincu.
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La lipuide d’alord. Enyuite, jou pôrle. Foutu Russe ! Ils sont tous pareils !
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Sevastian...Au son de ma voix, le principal concerné sourcille mollement, croisant modestement ses petits bras nerveux contre son torse et me défiant d’un vague coup de mâchoire.
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Яблоко от яблони недалеко падает, Salem ! Tu m’ô appli à négochier… à jouer ainsi. Argent. Prômier.L’argent en premier et ensuite il parle. Je l’entends mais je ne l’écoute pas. J’ai pas confiance en ce type. Il y a des visages qui nous reviennent. Et d’autre pas. C’est comme ça. Tout simplement. Il n’y a pas de pourquoi. Il n’y a pas de comment. C’est simplement, purement, une question de physique. C’est superficiel. Et c’est apparemment ceci qui est en train de se produire avec le… curieux ?... spécimen que je suis en train de toiser en ce moment.
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La dernière fois, nous avons fonctionné comme ça et tu me l’as amèrement fait regretter, Sevastian. Tu m’as fait bouffer ta merde en me faisant croire que s’était du caviar. L’ennui avec la merde, Sevastian, c’est que son goût ne s’oublie pas… -
Niet ! Niet ! Salem ! Niet ! Mes informationnnes sonnes… irréplochables. La dernière fois, Iommi, il a flailé la Заговор. Il s’est partit. Tu es arrivlé ensuite !Perdant de plus en plus patience, profondément, j’aspire de grosses goulées d’air, les poumons gonflés à bloc, le tissu de mon t-shirt se resserrant de plus en plus sur mes robustes pectoraux, j’ose espérer que ce trop-plein d’air n’animera pas les étincelles des mauvais augures… les pupilles de mes azurs acérés commençant déjà à se consumer alors que les muscles de mes avant-bras se contractent fermement sous ma chair bouillante. Je n’ai pas de temps et d’énergie à consacrer pour ce minable entretien qui s’éternise depuis beaucoup trop longtemps à mon goût. L’attente va faire mouche. Je ne broncherai pas. Le Russe en est pertinemment conscient et c’est exactement pourquoi est-ce qu’il m’envoie danser sur les charbons ardents. La semaine dernière, mon flegme légendaire, il m’a grandement fait suer. C’est en essayant de préserver mon sang-froid que je me suis délibérément tiré dans le pied. Ce Pharaon des temps modernes, il ne m’inspire pas confiance, je devrais suivre mes instincts à l’opposer de les terrer dans le recoin le plus sombre de mon esprit. Hors de question que je répète les mêmes erreurs. Pas ce soir. Pas cette fois. Je ne peux pas me le permettre.
Aleister, mon vieil ami… mon frère… pourquoi, Diable, nous emmènent-tu donc sur cette voie bourbeuse !? Pourquoi, Diable, m’oblige-tu donc à avoir recourt à ce minable informateur pour te retrouver ?! Tu es une partie intégrante de moi. Tu es mon sang. Tu es ma chair. Tu es comme mon frère. Cette guerre, elle n’a pas lieu d’être, mon vieil ami… Nous sommes frères dans le Chaos mais apparemment étrangers dans la Fatalité.
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Dans la nébulosité des ténèbres sépulcrales, l’insigne de l’établissement brille de son nimbe lumineux et pourpre. Par-delà l’abysse qui se creuse dans le mur de brique, une musique rythmée et électrisante s’échappe dans la sérénité de la nuit étoilée, assourdissant échos se répercutant contre les meurs des bâtisses voisines, afin de laisser résonner un brin de vie dans le cœur de ce vide inquiétant qui s’étend sur de vastes horizons. Un homme, tout vêtu de noir, est sagement posté à l’entrée du Devil’s Den. Ses bras, robustes et embaumés de muscles bien ciselés, sont repliés et entrecroisés en arrière de son dos aussi tendu qu’une corde de piano, dégaine démontrant un flegme implacable mais reflétant également une prestance plutôt imposante. Ce mastodonte sert principalement de portier mais ses gants d’acier sont également chargés d’assurer la sécurité entre les quatre murs pernicieux de cette boîte de nuit sulfureuse. À peine que je rafle le niveau de ce géant ferré, que déjà je devine que ce dernier sera une entrave à braver. Sa main trapue se plaquant sans aucun ménagement sur mon torse peut ainsi donc confirmer l’embryon de suspicion. Yeux plissés, le gros gorille m’observe avec minutie et insistance.
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T’as un ticket, le môme ? Voix gutturale. Crâne chauve. Bras musclés et aussi gros que ma tête. Bordel, après m’être fait chier avec Pharaon, maintenant, c’est Mister Clean qui se joint à la parade ?
Ce soir, c’est une soirée privée. Pas d’invitation… tu ne rentres pas. Dit-il viscéralement, aillant perçu mon mutisme pour toute réponse.
Cynique, incrédule, j’hausse mollement un sourcil. Je prends plusieurs poignées de secondes pour assimiler l’information alors que je sens le coin de mes fines lèvres crispées se contorsionner dans une grimace se situant entre un vague sourire synthétique et une ironie latente. Je ne suis pas d’humeur sympathique ce soir, puisque Sevastian aillant grugé toutes mes fragiles parcelles d’humanité…
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Une invitation, hin ? Que je répète, dédaigneux alors que je prends le temps de m’allumer une cigarette et d’en inhaler de grosses bouffées.
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T’es sourds ou merde ? Qu’il me grommelle, en chassant du revers de la main, la trainée de fumée opaque et cancérigène qui auréole son gros crâne reluisant telle une boule de billard.
À peine la fumée dissipée de sous son nez, profitant de l’éphémère distraction, brusquement, je l’attrape d’une main par la gorge, tirant sur ma prise bétonnière, je le contrains de rompre les centimètres qui nous séparent. Nos torses rentrant violemment en collision, dans la foulée du mouvement, je lui écrase mon mégot brulant dans l’œil et l’imbécile hurle alors. Le cri strident se berce avec horreur dans la sérénité des ténèbres. Le martyr n’a même pas le temps de terminer sa rumeur tonitruante, que déjà il s’affaisse lourdement sur le bitume poisseux lorsque je lui romps la nuque d’un craquement sonore. Le crâne chauve rebondissant à deux reprises sur le pavé cendré, les flammes pernicieuses de l’Enfer lui-même viennent alors allumer leurs cierges mortuaires dans la profondeur de mon sinistre regard qui est désormais en train d’épier les environs… histoire de m’assurer qu’aucun spectateur n’avait été témoin de ce preste massacre. La confirmation faite, avec nonchalance, j’enjambe la carcasse inerte et pose enfin le pied sur le seuil du Vice.
Aleister, mon vieil ami… mon frère… pourquoi, Diable, nous emmènent-tu donc sur cette voie bourbeuse !? Pourquoi, Diable, m’oblige-tu donc à être l’auteur de cette minable comédie tragique pour te retrouver ?! Tu es une partie intégrante de moi. Tu es mon sang. Tu es ma chair. Tu es comme mon frère. Cette guerre, elle n’a pas lieu d’être, mon vieil ami… Nous sommes frères dans le Chaos mais apparemment étrangers dans la Fatalité.
Au travers de la débauche, je me fraie un lugubre chemin. Je brave la mascarade, contournant viscéralement la charpente de ces hommes en mal d’amour, qui s’évadent de leur morne routine en allant se fondre sur les demoiselles aux corps de rêves. Burlesques créatures se dominant entre les coups de bassins lascifs pour l’échange d’une douce poignée de quelques dollars. Bienvenue en plein sein du Vice. Bienvenue au Devil’s Den ! Une fois extirpé de la foule vicieuse, enfin mes mains moites et trapues se posent à plat sur la lisse surface du comptoir du bar. Doucement, sa silhouette se caricature tel un sombre mirage dans le coin de mon œil. Il est là. Je peine à le croire véritablement. Il est là, embaumé de nonchalance alors qu’il sirote un verre de Gin. Il est là… assit sur tabouret, le regard perdu dans le vide et le torse à moitié voûté sur le comptoir encombré par les bouteilles de bière vides et autres cadavres de la même espèce. Je ne prends même pas la peine de commander une consommation à la barmaid, je me rapproche et viens prendre place sur le tabouret l’avoisinant. Je ne lui offre aucune parole. Mon regard rivé immuablement sur lui pouvant déjà tout dire.
Aleister, mon vieil ami… mon frère… pourquoi, Diable, nous emmènent-tu donc sur cette voie bourbeuse !? Pourquoi, Diable, m’oblige-tu donc à être l’auteur de cette minable comédie tragique pour te retrouver ?! Tu es une partie intégrante de moi. Tu es mon sang. Tu es ma chair. Tu es comme mon frère. Cette guerre, elle n’a pas lieu d’être, mon vieil ami… Nous sommes frères dans le Chaos mais apparemment étrangers dans la Fatalité.
Tu es ma famille. Tu es mon frère. Ne pars pas.Frères dans le Chaos mais apparemment étrangers dans la Fatalité.
Ne pars pas. S'il te plait...