❝ everything turns out gloomy ❞ - novalice

everything turns out gloomy
❝ SOME PEOPLE LAUGH, SOME PEOPLE CRY, BUT EVERYTHING'S GLOOMY ❞
Abel aimait se faire servir. Abel aimait recevoir ce dont il demandait dans un bref délai. Abel n'aimait pas être pris au dépourvu. Abel aimait se prendre pour le roi du monde. Un simple vampire qui se prenait pour le nombril de New York alors qu'il n'avait qu'une centaine années, j'en étais presque certaine. Enfin, s'il était un Originel, son statut serait beaucoup plus important que de diriger une bande de sangsues sans cervelle qui ne pensaient qu'à satisfaire leur panse. Abel était chiant. Vraiment chiant! Et pourtant, il était un de mes plus fidèles clients... Avec lui, je savais que ma récompense était assurée et qu'elle ne se faisait tarder. Il avait bien des défauts - dont celui d'être un mort-vivant -, mais au moins il tenait sa parole à tout coup. Il ne fallait tout simplement pas le trahir ou lui jouer dans le dos... Les conséquences pouvaient être désastreuses, croyez-moi. Et après ma dernière bourde, il ne fallait pas que je merde cette fois. J'avais bien cru pendant un bref instant qu'il allait me tordre le cou et me laisser pourrir dans sa cave parmi toutes ses victimes. Heureusement, il avait besoin de moi. Ce n'était pas tous les jours que l'on trouvait un lycan qui était prêt à servir cette vermine de vampires pour quelques billets ou pour tout simplement s'assurer une sécurité. Oh, il aimait bien me voir comme son esclave et il ne gênait pas pour me le faire savoir. Toutefois, je n'étais pas sotte, je me pliais à ses demandes, malgré cette envie de lui planter mes crocs dans le crâne. J'étais plutôt affable pour une louve.

« T'as envie d'aller ailleurs? Quelque part de plus... tranquille? » Sa voix était assurée, remplie de sous-entendus. Je n'avais nullement besoin de lire dans ses pensées, je les voyais à travers son regard mielleux et son langage corporel. Arf... Cette attitude typiquement masculine me dégoûtait parfois, cette assurance inébranlable et ce regard aguicheur. Il était persuadé de m'avoir dans ses filets et de me ramener chez lui ou dans un coin plus sombre afin de me faire crier à la lune. Ironique. Toutefois, malgré mon exaspération, mon visage demeurait angélique et approbateur, un sourire constant sur mes lèvres. Je fis danser mes hanches alors que je m'approchais davantage de l'homme. Il puait l'alcool, son sang en était imbibé. J'allais devoir attendre un long moment pour que la substance soit définitivement éliminée. Abel n'aimait pas le goût de l'alcool dans le sang, il l'aimait plutôt pur. Je ne questionnais pas ses goûts, mais ça pouvait être impossible de trouver un être vivant à jeun en plein milieu de la nuit. J'en avais marre de tourner en rond et tomber sur des épaves ensevelis d'ordures. Alors je capitulais, j'acceptais de m'acharner sur un saoulons qui me semblait tout de même potable. « L'idée me semble plutôt alléchante, » répondis-je, mon visage à seulement quelques centimètres du sien. Il me donnait envie de vomir. Son gros nez, ses yeux vides, sa peau sale... Il n'avait rien d'un gentleman. D'ailleurs, ses mains s'étaient déposées sur le fin tissu de ma robe courte, s'aventurant sur mes hanches. Un frisson de dégoût me traversa le corps alors que mon sourire s'agrandissait sur mon visage. Mes propres mains montèrent le long de sa chemise souillée - par l'alcool? - avant d'empoigner le collet du vêtement. L'ivrogne était prêt à compresser ses lèvres contre les miennes, à se laisser charmer par ce beau rêve sorti de nul part... Il embrassa pourtant le vide alors que je le repoussais vivement, l'air espiègle. Avant qu'il ne puisse riposter, je reculai de quelques pas et lui fis signe d'un doigt de me suivre. Je tournai ensuite les talons et disparus entre les portes de l'université.

Éviter le moindre spectateur. Même si les rues étaient plutôt désertes à cette heure... Il ne fallut pas bien longtemps pour que l'homme me suive dans l'immeuble délabré, ce qui pouvait en dire long sur son état d'ivresse. Personne ne s'aventurait en ces lieux, à moins d'avoir de la business à accomplir. Je me tenais à l'écart, dans l'ombre, l'observant s'avancer d'un pas titubant. Il riait de la situation alors qu'il m'interpellait dans le noir sans savoir mon nom. Il fonçait dans les ruines, mais il n'abandonnait jamais. C'était un spectacle désolant. Et j'en eus bientôt marre de le faire tourner en rond. Je m'immisçai silencieusement derrière lui et lui empoignai la chevelure, tirant sa tête vers l'arrière. À son oreille, je murmurai simplement: « Et le loup trouva l'agneau... » D'un mouvement rapide, je fracassai sa tête contre un mur. Il s'effondra parmi les débris et ne rit plus. Thank god.

everything turns out gloomy
❝ SOME PEOPLE LAUGH, SOME PEOPLE CRY, BUT EVERYTHING'S GLOOMY ❞
Oui, j'avais un boulot ingrat. Bien entendu, j'avais un travail peu gratifiant. Certes, j'offrais des âmes innocentes à de vils créatures... J'étais égoïste, me préoccupant seulement de ma petite personne et de ma propre survie. Enfin, pouvait-on m'en tenir rancune? Sans ce boulot, comment parviendrais-je à survivre? Vivre avec cette peur... Je n'en avais plus envie. J'en avais eu marre de me cacher dans l'ombre et croire qu'un jour ce monde serait bon et paisible. Ce monde n'existait pas, c'était utopique d'espérer et d'aspirer à un tel avenir. Pouvait-on m'en vouloir de chasser l'humain pour d'autres? Je n'étais pas celle qui tuait... J'étais celle qui livrait. Mais parfois, les choses ne tournaient pas toujours rond... Parfois, je ne me rendais pas compte de la force que je pouvais avoir, de ces pouvoirs encombrant qui me talonnaient jour comme nuit. Je les maudissais chaque fois, je les haïssais de plus en plus. Je les détestais à un tel point que je les fuyais. Mais fuir n'était pas une solution... Ils me retrouvaient toujours, se manifestant au moment le moins opportun. Ils frappaient à ma porte et entraient sans mon consentement. Dans ces moments, je me sentais faible et vulnérable, incapable de me contrôler. Je subissais les conséquences alors qu'eux se moquaient, se régalaient de mon malheur... Je les maudissais.

Le craquement d'os contre le mur me sembla anormal, mais j'ignorai ce pressentiment, me disant que son crâne a dû subir quelques dommages, rien de bien grave. L'odeur métallique et familière du sang humain éclata dans mes narines, annonçant une lacération profonde. Pour une raison inconnu, mon rythme cardiaque avait soudainement accéléré, comme si ce mauvais pressentiment me rendait nerveuse. Ce n'était pas dans mes habitudes. Je n'aimais pas ce craquement qui résonnait encore dans ma tête, je n'aimais pas la vision de cet homme immobile à mes pieds, face contre terre. La respiration de plus en plus haletante, je tentai d'écouter, de percevoir un second battement cardiaque, ce qui ne pouvait être difficile à déceler vu la proximité de nos corps. Mais rien. Le silence. Il n'y avait plus que ma propre respiration, mon propre coeur qui s'acharnait contre ma poitrine douloureuse. Non... Il ne pouvait pas... Lentement, je m'accroupis près de l'homme inerte, déglutissant difficilement par ma gorge serrée. J'approchai une main tremblante de l'épaule de ma proie, remarquant malgré moi qu'il était beaucoup trop immobile... Normalement, un léger mouvement pouvait être perçu par la respiration d'un être vivant... Alors que dans ce cas, le mouvement était absent... Posant ma main sur son épaule, je tournai délicatement le corps afin d'apercevoir son visage. Des yeux globuleux se tournèrent vers moi, accusateurs, le front défoncé, ruisselant de sang frais. Paniquée, je me redressai d'un geste hâtif, le visage tordu par l'horreur. Mon corps était parcouru de tremblements incontrôlables alors que mon estomac se tordait douloureusement. Je n'avais tout de même pas...

Une voix sortie de nul part me fit fortement sursauter, m'obligeant à tourner sur moi-même, le coeur plus affolé que jamais. Une femme se trouvait parmi les ruines, ténébreuse, la peau anormalement pâle. Je n'eus aucunement besoin d'analyser sa personne, je savais qui elle était. Et je me maudissais de ne pas l'avoir entendu venir... Je détestais la discrétion de ces créatures, je détestais leur tendance à s'immiscer là où elles n'avaient pas affaire. Dans cette situation, je ne pouvais que sentir la panique m'envahir. Mon regard devint soudainement vulnérable, coupable... Mais aussitôt, je tentai de camoufler mon horreur, ma surprise, toutes émotions démontrant une faiblesse de ma part, même si la situation me bouleversait. Je ne pouvais le nier, j'étais dépassée par les évènements. Et j'ignorais comment j'allais me sortir de cette impasse. Qu'est-ce qu'une vampire foutait là, merde? Pourquoi se préoccupait-elle d'un humain? Je n'avais pas besoin de ça! (Abel allait m'égorger pour vrai cette fois...)

« Ironique venant de ta part... » dis-je suite à sa réplique. Un vampire qui me faisait la leçon? Non, c'était de la moquerie, sans aucun doute. Elle ne pouvait réellement s'inquiéter de cette... mort? De ce... meurtre? J'avais... tué... un homme...? L'idée me frappa droit au coeur. J'avais envie de vomir, de pleurer, de m'enfuir... Mais il fallait que je garde un semblant de sang froid. Enfin, jusqu'à ce que je parvienne à me débarrasser d'elle. « T'as rien à faire ici... Il serait peut-être mieux que tu partes avant... » Avant quoi? Avant que tu fasses quoi, Nova? Non, je n'étais pas en état de faire quoi que ce soit, encore moins de rivaliser avec une vampire. Je serrai durement les poings, non pour me préparer à la suite des choses, mais pour camoufler ce tremblement qui secouait toujours mes mains. Je tentais le coup de la menace, mais je n'avais rien de menaçante... pas dans cet état...