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 jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)

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MessageSujet: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptyLun 17 Juin - 14:13


the beast inside of me.
I keep it caged but I can't control it.

Traîner des pieds, dans les escaliers. Les épaules voûtées, le regard baissé, vrillé vers ce sol sali par les nombreux passages des occupants de l’immeuble. Il a honte. Il voudrait tout simplement disparaître, ou faire demi-tour. Impossible. La nuit tombe lentement, la ville grouillera bientôt de toutes les créatures surnaturelles les plus dangereuses et répugnantes. Dangereuses pour lui, dangereuses pour Alan. Il ne veut pas le laisser seul. Dans cet appartement, il ne craint pourtant pas grand chose, dirait-on. Il est en sécurité, à mi-hauteur de cet immeuble. L’ascenseur fonctionne, et fort heureusement. Mais là n’est pas la question. Robin, lui, ne l’a pas emprunté. Ses pieds se trainent, d’une marche à l’autre, hissant douloureusement sa lourde carcasse déchiquetée par les coups. Mais dans quel état rentre-t-il, encore ? Il renifle lentement, son visage se crispe en une expression de douleur, sa respiration se bloque. Essayer d’oublier qu’il a mal. Essayer d’oublier qu’en dépit de sa lycanthropie, il est incapable de se régénérer comme le font ses semblables. C’est un bon moyen pour mentir, quelque part. T’es un clébard ? Non. On le frappe, il encaisse, ne dit rien, ne guérit pas. Ses arguments sont valides. La colère s’empare de lui, mais il résiste à se transformer. Les armes deviennent d’argent. Sa réaction s’exacerbe, dévoilant sa véritable nature avec une sauvagerie évidente. Tous les muscles de son corps s’arquent, se tendent. Il pousse un feulement du fond des âges. Le poing américain en argent s’écrase dans son visage. Il se recroqueville au sol. Il a essayé de se protéger, mais rien n’y a fait. Il est un loup, et lorsqu’il veut cacher sa nature, il n’y a rien de plus compliqué. La révéler serait s’exposer à la servitude réclamée par les vampires. S’il la refusait, il devrait fuir. S’il la refusait, Alan se ferait tuer. Il ne pouvait prendre aucun risque. Il tombait face à deux mutants enragés, qui pensaient bons de piquer du bout de leur baguette électrique cet animal blessé et fuyant. On lui avait fait du mal. Pour le simple plaisir ? Non. On a b’soin d’toi. Besoin de lui ? Était-ce réellement une manière de requérir ses services, que de le blesser pour montrer sa supériorité ? Ce sont des mutants. Il n’est qu’un lycanthrope. Qui a l’incapacité flagrante de se régénérer. Il refuse. Le mutant veut lui porter un  nouveau coup à l’aide de son arme d’argent. L’autre l’en dissuade. Pas avec ce métal précieux. Sinon, ils le tueront. Robin serre les dents, les regarde tour à tour. Au final, c’est une matraque sortie d’une manche qui le frappe. Sur la clavicule. Il ne crie pas. Ne leur donnera pas se plaisir. Pas pour tout l’or du monde. Il pourrait se défendre. Il pourrait les tuer. Mais il ignore tout d’eux. Ils ne sont pas humains, mais pas vampires. Ce ne sont pas des loups, et il ne sent aucune énergie sorcière. Ce sont des mutants. Ils ont besoin de lui. Mais pourquoi ? L’épidémie fait certes rage dans leurs rangs. Ils auraient besoin d’un médecin, pour tenter de trouver un antidote. Mais il n’a rien d’un médecin. Ils n’ont pas l’air contaminés. Ni contagieux. Alors où est le problème ? Ont-ils des comptes à régler ? Ont-ils été payés pour le retrouver ? Il n’en sait rien, et quelque part, cela ne l’intéresse pas. Il ne les aidera pas. Il ne les attaquera pas, pas alors qu’il pourrait être carbonisé au moindre geste agressif, sans avoir pu le prévoir. Les mutants sont imprévisibles. Il ne connaît pas leurs capacités. Leurs dons. Leur besoin. Il ne connaît rien. Nouveau coup. Dans le visage, cette fois. Son nez était à peine cicatrisé. Il se retient de crier, se mord la langue pour ne pas le faire. À quoi tout cela rime-t-il ? Pour une fois, il n’avait fait de mal à personne. Il avait fini le boulot, et avait simplement voulu acheter quelques marqueurs de couleurs qu’il avait vus dans une vitrine. Pour Alan. Alan. La dernière raison pour laquelle il ne s’était pas encore rué sur ces deux enfoirés pour leur faire la peau. Al’ n’aimait pas la violence. Et d’ailleurs, Robin non plus. Il la haïssait. Cette violence qui coulait pourtant dans ses veines. Qu’il essayait d’étouffer depuis son plus jeune âge. Depuis Hannibal. Il ne voulait pas frapper. Il ne voulait pas rajouter un peu plus de sang sur ses mains qu’il n’en avait déjà. Être une honte pour Alan, devoir lui mentir un peu plus. Non. Il ne voulait pas.

Arriver au palier du troisième étage. Déglutir lentement, fermer les yeux l’espace d’une seconde. Ravaler sa douleur, ne surtout pas lever les doigts pour effleurer cette peau violacée autour de son œil droit. Gonflé, tuméfié. Il est dans un sale état. Il a honte. Encore un peu de sang au bord des lèvres. Il en a craché, sur le chemin du retour. Petites flaques rouges, disséminées derrière lui. Il est allé se laver les mains, dans les toilettes d’un bar miteux. Ses mains, pleines de sang. Le sien. Mais pas seulement. Se recroqueviller, sans un mot. C’était sa technique, lorsqu’il ne voulait pas riposter. Jusqu’à ce qu’on l’insulte. Jusqu’à ce qu’on le menace. Jusqu’à ce qu’on lui dise que s’il ne fait pas le brave toutou pour leur solde, ils trouveront ceux qu’il a de chers à son cœur, et qu’ils les tortureront jusqu’à son approbation. Et que s’il le faut, ils les tueront. Alan. Se redresser, légèrement. Prendre un nouveau coup de matraque dans le visage, puis plusieurs coups de poings. Trembler, se laisser battre. Guetter le moment où la matraque reviendra. Lorsqu’elle arrive, la saisir, la tirer vers soi. Attraper la gorge de l’homme à pleine main, enfoncer ses doigts dans ses jugulaires sans l’ombre d’une hésitation, déployant toute sa force de lycanthrope. Sentir le sang couler le long de ses doigts, sentir l’homme tressaillir, le sentir défaillir. Lui tordre le poignet, bloquée la matraque tombée au sol du bout du pied. Et tuer. L’un, puis l’autre. Avec ce naturel terrifiant, cet air souffrant. Ils n’ont pas eu le réflexe des dons. Le second était trop occupé à sortir son poing américain d’argent, fébrilement, au moment où Hannibal s’est tourné vers lui. Hannibal. Pas Robin. Avoir presque arraché la gorge du premier, crever les yeux du deuxième avant de lui briser la nuque. Rester à regarder les deux corps chauds, déglutissant doucement. Imaginer qu’ils avaient peut-être une famille à nourrir, des enfants à retrouver à la fin de la journée, une petite femme qui les aime à prendre dans ses bras. Imaginer un instant le chagrin provoqué envers ces êtres chers. Tourner les talons, boitillant, le visage explosé par les coups répétés, l’épaule affaissée sous la douleur. Et maintenant ? Il avait belle allure, tiens, face à la porte de cet appartement qu’il partageait avec Alan. Il prit une inspiration douce, laissant l’air envahir ses poumons. Il aurait voulu avoir le don de guérir. Ne pas inquiéter son ami comme il le faisait. Être un lycanthrope normal, si le terme pouvait être utilisé ainsi. Il n’avait plus de sang sur les mains, au sens propre du terme tout du moins. Il les avait méticuleusement nettoyées avant de rentrer. Qu’Alan ne se doute de rien. Qu’une fois encore, il soit préservé dans ce secret. Qu’avant Robin, il y avait Hannibal. Et qu’Hannibal savait tuer.

Lentement, il abaissa la poignée de la porte, pénétrant dans cet appartement quelque peu décrépi, mais dans lequel il se plaisait à vivre. Un coup d’œil vers le salon, gardant la tête basse. Alan était là. Le plus silencieusement possible, la patte traînante, il dépassa l’entrée du salon, fonça vers la salle de bain. Il ne prit pas le temps de refermer la porte derrière lui, pas entièrement tout du moins. Il la poussa simplement, tremblant légèrement en ôtant son t-shirt. Son épaule le faisait souffrir. D’un coup d’œil dans le miroir, il remarqua l’hématome violacé qui semblait couper sa clavicule. Il tenta de la garder la plus immobile possible. De ne pas remarquer les traces brunes laissées par le sang amassé sous sa peau, au niveau de ses côtes flottantes. Il en avait pris pour son grade. Et s’était laissé faire, pensant qu’on le laisserait tranquille. Il se haïssait. Il avait tué des hommes. Des hommes qui ne rentreraient pas chez eux ce soir là, provoquant l’inconsolable chagrin de leurs familles. Il était un monstre. Mais il ne pouvait se sentir menacé. Il ne pouvait pardonner. Il ne pouvait tolérer les promesses de mort envers Alan. Le seul qu’il lui restait. Le seul que, précisément, il n’avait pas envie de voir, à cette seconde précise. Il enleva ses chaussures et ses chaussettes d’une main, contractant les muscles de son cou pour s’empêcher de pleurer, ou d’émettre le moindre sanglot de douleur. Il n’avait rien d’un surhomme. Il n’avait rien d’un homme, tout simplement. Tremblant, il se redressa, se décollant du bord de la baignoire sur lequel il s’était assis. Ne gardant que son jean large et déchiré, laissant entrevoir la lisière de son caleçon, il ouvrit l’eau du lavabo, serrant les dents. Il la fit couler sur ses mains, les yeux perdus sur l’émail blanc qui courait sous ses doigts abîmés. On lui avait marché sur la main. Peut-être avait-il une phalange de brisée, il n’en savait rien. Et à vrai dire, il préférait ne pas le savoir. Il aurait voulu disparaître. Rien d’autre ne comptait plus.

Quelques bruits furtifs. Alan. Comment diable aurait-il pu passer inaperçu, après tout ? Rentrer, ne pas prendre la peine de saluer, se réfugier dans la salle de bain pour se déshabiller. Il ne voulait pas le voir. Il n’avait pas envie de le faire souffrir, pas une nouvelle fois. Son œil continuait de gonfler. Ce n’était pas le peu d’eau fraîche qu’il tentait de déposer dessus qui allait y faire quoique ce soit. Mais sortir et aller à la cuisine était synonyme d’affronter son meilleur ami. Et il n’en avait pas la force. Clairement pas. Lèvre un peu fendue, œil au beurre noir gonflé et à moitié fermé par sa paupière tuméfiée, nez à nouveau fendu d’une barre rouge suintant de sang, en haut de son arête. Une arcade ouverte, une entaille à force d’avoir pris les coups au même endroit, en haut d’une pommette. Sans compter ses hématomes sur les côtes, son épaule affaissée, et … Oh, Robin. Ne pourrais-tu pas, rien qu’une fois, t’imposer et épargner toutes ces peines et ces douleurs ? Assurer ta survie et celle de tes agresseurs ? Ne pourrais-tu pas, rien qu’une fois, revenir avec le sourire et la bonne humeur, de ceux qui redonnent le baume au cœur, au lieu de le briser ?

Tu souffres. Il souffrira, à te voir comme cela. Tu le sais. Ne penses-tu pas que vous avez suffisamment payé, toi comme lui, lui comme toi ?

Ne pourrais-tu pas, rien qu’une fois, donner une raison à ton rayon de soleil de sourire de nouveau ?
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptyLun 17 Juin - 18:27




you always hurt the kindest heart with a nasty word you can't recall, so if i broke your heart last night, it's 'cause i love you most of all ; you always hurt the one you love.

bruised and battered.

L'encre glisse sur la feuille, s'inscrit dans le papier. Noire. Elle brille un instant, le temps de sécher. Permanente, à tout jamais. Couleur ébène aux effluves chimiques. La feuille est déjà à moitié couverte. Simplement ce noir abyssal, appliqué. Le crayonnage est régulier, toujours dans le même sens. Et on dirait presque les veines du bois, un arbre calciné. C'est un travail minutieux, de longues minutes de silence. De toute façon, il s'en moque. Il passe des journées entières sans sortir. Parfois, il ouvre la fenêtre. Parfois, seulement. Rien de plus, rien de moins. Il lève les yeux, essaie d'apercevoir une tâche de bleu, à travers la forêt d'immeubles et le nuage de pollution. Le bleu qui brille dans ses yeux, le bleu des ecchymoses à son coeur. Le bleu du reflet du soleil dans le verre d'eau, posé sur la table basse, à côté de lui. Comme un prisme, fragmentant le blanc en toutes ces teintes iridescentes et volatiles. Son oreilles bourdonnent doucement, un insecte sauvage battant avec force des ailes derrière ses tempes. Il bat des paupières, pour s'obliger à raccrocher, un petit peu. Assis dans son fauteuil roulant. Extension à part entière de lui-même, désormais. Il ne comptait pas. Les jours, les nuits, les secondes, les instants. Ce nombre de fois grandissant, ce nombre de fois où il s'était revu courir. N'importe quoi, rien que des souvenirs édulcorés. Rien de grandiose, rien d'intéressant. Rien que des souvenirs perdus dans les temps. Il bat des paupières, encore. De ces cils blonds et longs, alourdis par un poids invisible.

Alan dodelina de la tête, ses yeux le picotant doucement. Seul dans la pièce, seul dans l'appartement. En vrai, il n'avait aucune idée de l'heure. En vrai, il n'y avait aucun rayon de lumière pour faire miroiter un verre absent. En vrai, il n'y avait que lui. Lui, et la feuille à demi noircie. Lui, et le côté de sa main légèrement teinté à force de trop passer et repasser sur le feutre encore en train de sécher. Les manches de ce sweat trop grand retroussées sur ses bras, pâles. C'était la magie des jours passés à refuser avec entêtement de mettre le nez dehors. Une cage dans laquelle il s'enfermait allègrement, des barreaux qu'il haïssait mais lustrait chaque jour cependant. Jusqu'à ce que le métal rouillé ressemble un tant soit peu à de l'or, un assimilé. Qu'il puisse se reculer, et admirer. Une cage presque semblable à celle qu'il avait quitté, adolescent. Une cage qu'il aurait presque aimé retrouver, par moments. Changer de tenue de bagnard, changer les chaînes, changer la peine. Comme si tout pouvait être remplacé. On ne pouvait rien remplacer. Il en connaissait un peu trop sur le sujet. On avait pas la possibilité de remplacer les vies et les idéaux. Changer de famille, changer tout court. On ne remplaçait les choses qu'avec l'utile et l'inutile, on substituait en bradant  les orfèvreries contre les clous rouillés. On perdait au change, on vivait jamais vraiment cette vie rêvée, voulue, recherchée et défendue. C'état tellement stupide, parfois. De voir au combien cette garce qu'on appelait la Vie, justement, cette garce et sa meilleure amie Destinée, pouvaient à ce point faire miroiter les leurs les plus brillants derrière les glaces les plus sales. Il appuyait. Il ne s'en rendit compte qu'après une minute, perdue entre les âges. Il appuyait plus fort sur son marqueur, distillait plus d'encre à chaque mouvement. Il battit vaguement des paupières, regard azuréen se perdant sur les flots d'ombres enchevêtrées. Tout ça pour ne rappeler qu'une chose. Voilà, voilà ce qu'il faisait de ses journées quand on lui intimait de sortir, de prendre l'air. Il crayonnait. Parfois de ces représentations-là, de ces dessins comme dans les temps d'avant. Parfois juste des feuilles entières couvertes d'une couleur. Prédilection définie pour le noir. Pas sa faute, si ça le calmait. Pas sa faute, si ça le vidait. Pas sa faute. Ce n'était jamais réellement sa faute. Mais il se sentait toujours coupable. Coupable de ci, coupable de ça. Coupable des écorchures qui parsemaient son meilleur ami, coupable de peser de toute sa hauteur sur ses épaules.

Et là venait le sujet délicat. Robin. Dans ces moments d'égarement solitaire, il finissait toujours, bien logiquement, par refaire surface dans les eaux tumultueuses et bouillonnantes qui s'écrasaient contre les falaises de sa pensée. Robin. Cinq lettres tatouées à chair et à sang dans les tréfonds de son âme. Le cri de son coeur quand la voiture l'avait percuté. Le cri de peur étouffée qui glaçait son sang alors que la réalité le rattrapait dans son cocon immaculé, branché à la vie par ces machines infernales. Alan reposa lentement son marqueur sur la table basse, toute proche. Pour revenir passer une main sur son visage. Les traits fatigués, quasiment constamment. Il y avait de quoi comprendre qu'on ait refusé qu'il reste seul chez lui après sa sortie de l'antre médicale. Parce que même avec Robin sur son dos, Robin veillant sur lui, Robin à qui il tentait encore d'offrir ces sourires un peu éteints, il arrivait à déraper. Il suffisait d'une journée sans qu'il ne puisse être à l'appartement. C'était une journée durant laquelle Keyron oubliait avec de grandes chances de s'alimenter. Ce n'était qu'une vue partielle de la partie hors de l'eau de cet iceberg inhumain. Parce que le soleil était tombé en branches, certes. Mais le soleil avait toujours été trop brûlant pour s'en approcher réellement. Et l'épilogue sur les désastres n'aurait été que fioriture. Il suffisait de le regarder dans le fond des yeux, quand le temps lui manquait, la peur l'enserrait, et la colère lentement se mettait à gronder. Quand un autre éclat scintillait, que le noir se faisait plus noir. Plus dur. Plus cru. Plus violent.

Il laisse sa tête partir en arrière. Les paupières closes, et tente de respirer doucement, lentement. Ses phalanges se crispant et se décrispant en un poing tâché, à intervalles réguliers. Ses globes oculaires semblèrent bouger derrière ses paupières. Dans le silence le plus parfait. Il laissa ses bras retomber de chaque côté de son fauteuil. Prit une large bouffée d'oxygène, et vient se masser, dents spontanément serrées, les paupières, se remettant en position normale. Moment propice pour entendre ce cliquetis de la porte. Qui claqua. Le faisait quasiment sursauter, tout du moins tressaillir. Aucun mot. Aucune salutation. Le temps qu'il tente de tourner la tête pour voir, le temps de réagir, revenir à ce monde tangible, il le savait, il s'était enfui comme une ombre. Son coeur, doucereusement dangereux, se serra dans le fond de sa cage thoracique alors que ses mains se reposaient lentement sur le caoutchouc de ses roues. Il battit des paupières, encore. Une part sans comprendre, une autre part cherchant à annihiler cette fourbe douleur qui se glissait doucement dans ses veines et chacun de ses membres. Il se mordit sans s'en rendre compte l'intérieur de la lèvre inférieure. Moyen inégalé pour se rappeler aux ordres des bonnes gens. Moyen astucieux pour différencier le rêve de la réalité, le vrai du faux et le cauchemar des réels drames. C'était un pincement déchirant. Il suffisait de parler de lui pour fixer un sourire sur ses lèvres, ou faire monter les larmes. Son meilleur ami. On ne se jetait pas sous la première automobile passant, pour un ami, meilleur soit-il ou non. Alan sentit les muscles de ses bras se contracter. Arrête de penser, mon vieux. Même si il ne croyait pas en ses propres intimidations. Il fallait toujours arriver à se faire des promesses qui partiraient dans le vent. Il déglutit. En temps normal, Robin signalait qu'il était rentré. N'importe quoi, qu'importe alors. Quelque chose clochait.

Quelque chose clochait. Ces mêmes mots, perfides, qui tournoyaient dans son esprit, aux quatre coins de sa tête, dans les tréfonds de son crâne. Quelque chose clochait. Comme si un jour quelque chose avait bien pu tourner rond dans ce monde trop fou. La respiration doucement tremblante, Alan sentit ses poils se hérisser en une lente et paresseuse chair de poule. On l'aurait deviné. Ce n'était pas le jour pour que les choses n'aillent pas. Qu'aurait-on dû croire, au fond ? Belle mascarade. Il n'y avait pas eu de verre d'eau comme il n'y avait rien eu du tout. Blackwater avait cette sale impression. Quand une enclume semblait anesthésier notre nuque et que cette vague douloureuse donnait un coup de fouet long et lancinant dans tout notre système nerveux. "... Rob'... ?" Coeur battant. Il se frotta les yeux, avala sa salive avec une certaine peine, la gorge serrée, dans l'instant, et pinça les lèvres. La porte de la salle de bain était légèrement ouverte. Un filin de lumière, des sons étouffés. Et des coups de lames de rasoirs dans son dos, engourdissant sa raison et son coeur. Il n'y avait pas de mots, pour décrire cette sensation précise. Ce doute qui s'insinuait, en lui. Alan demeurait Alan. Trop bon, trop con. Même si il était fatigué. Fatigué de tout. Fatigué de ça. Fatigué de sourire, fatigué d'espérer dans le vide. Et de devoir se résigner encore un peu plus, les jours passants.

Il ne savait plus, à force, qu'est-ce qui pouvait être le pire de tout. Se sentir inutile, ce poids mort, ce boulet accroché au pied de celui qu'il s'obligeait à appeler son meilleur ami quand son coeur lui criait amour de sa vie. Ou bien cette servilité à un tas de ferraille. Lui sans ça, c'était plus rien. Deux cure-dents bien utiles à la place de ce qui avait le faisait bondir, grimper, et simplement se tenir droit et haut, comme l'homme qu'il était.

Il ne savait pas ce qui était le pire. Ce murmure inquiet et douloureux, ou la réponse qu'il redoutait, de l'autre côté de cette porte qu'il n'ouvrait pas, ne poussait pas. ".. Ça va ?" Il battit des paupières, chassant ces moucherons volatiles et imaginaires parasitant son champ de vision. Et se mordilla la lèvre inférieure, baissant les yeux.

Pourquoi maintenant. Pourquoi lui, pourquoi eux; pourquoi ça.
Adieu les points d'interrogation. Puisqu'il n'osait plus, n'avait jamais osé, poser les questions. C'était tellement dur. Ce sentiment de vide, d'inutilité flambante, qui lui collait à la peau comme une ombre indéfectible. C'était dur à décrire, c'était dur à vivre, c'était dur à affronter, c'était dur à oublier. C'était dur. Mais jamais rien n'était aussi dur que de voir son Loup dans un sale état.
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptyMer 19 Juin - 1:35


save me from this.
Please, make it end.

Fallait-il réellement que les choses se déroulent de la sorte, inlassablement ? Comme une boucle sans fin, un disque rayé qui n’aurait pu se poursuivre. Les choses ne s’arrangeaient jamais vraiment, comme si le mécanisme qui aurait dû les aider à se mouvoir était désormais totalement grippé. Depuis l’accident d’Alan, les choses étaient figées. Immuables. La souffrance était quotidienne, autant de la part du loup que de l’humain. Ils n’en pouvaient plus, se mettaient involontairement à bout. Le comportement passif et distant du Blackwater frustrait le lycanthrope, au plus haut point, lui donnant l’impression d’avoir le cœur arraché de la poitrine chaque fois qu’il le voyait au fond de ce fauteuil aux roues de caoutchouc, à dessiner, ou à regarder par la fenêtre, les yeux vitreux et la vie qui l’habitait autrefois totalement éteinte. Et, il le savait, chaque fois qu’il rentrait couvert d’ecchymoses, chaque fois qu’il essuyait un nouveau coup, l’organe cardiaque de son meilleur ami se broyait au fond de sa cage thoracique. Ils détestaient voir l’autre craquer. Ils détestaient se faire du mal. Mais ne s’en rendaient même pas compte. Le cercle vicieux n’avait fait que s’aggraver avec le temps. À y songer, rien n’allait plus depuis longtemps, pourtant. La vie avait été joviale quelques temps, lors de leur arrivée à New York, après cet accident atroce. Mais bien rapidement, Robin avait enchaîné les conquêtes. Derrière lui, les cadavres s’étaient multipliés, bien qu’il s’efforçât de les cacher à son ami. Alan avait tout fait pour liquéfier et disperser sa peine, pour lui redonner du baume au cœur et l’empêcher de s’enfoncer dans une dépression minime. Bien rapidement, Alan s’était lui aussi enfoncé, pour des raisons qui avaient échappé à Hannibal. Il ne comprenait pas tout. Il n’avait pas le droit de comprendre, tenu à l’écart par cette distance volontairement imposée entre eux. Les rêves prennent fin trop rapidement. La douce saveur délicate du songe s’atténue, avant de finalement disparaître, ne laissant plus qu’un goût amer vous prendre à la gorge et vous arracher une nausée violente. C’était ainsi qu’ils réagissaient, l’un comme l’autre. Des nausées. Sans jamais parvenir à vomir. Des crises de nerfs, sans jamais réussir à exploser réellement, et à se dire tout ce qui n’allait pas. Accumuler, grogner, cracher comme des fauves blessés. Se rétracter en se rendant compte de la souffrance distribuer, abaisser les défenses, s’approcher à petits pas en ronronnant, et essayer de se racheter. Finir par échouer dans les bras l’un de l’autre, deux âmes perdues et en peine en quête d’un réconfort qu’eux seuls semblaient pouvoir se donner. Ils se suffisaient l’un à l’autre. Alors pourquoi vouloir éternellement chercher ailleurs, dans le cas de Robin ? Pourquoi vouloir simplement se renfermer et rejeter son meilleur ami, en ce qui concernait Alan ? Les choses lui échappaient. Les choses leur échappaient. Et, au milieu de ce chaos, artefact indémêlable de pensées confuses et enragées, plus rien n’avait de sens. Souffrance, chagrin. Ils semblaient ne pouvoir plus ressentir que cela. Imperméables. À tout, sauf à l’autre. Malgré cela, ils se repoussaient. De ce trou noir, plus rien ne ressortait. Ils auraient dû s’aider. Ils se tournaient le dos. Seuls.

Who will save you now ? Déglutissant lentement, Robin ferma les yeux. Ses paumes posées à plat sur les bords du lavabo s’imprégnaient du froid de l’émail, tandis qu’il baissait le menton. Comme voué à baisser ses iris bleutés. À se courber. Éternellement. Il faisait mine de se relever, pour finir par retomber à genoux. Se prendre un nouveau coup. Esquisser une résistance. Retourner à sa place, tant bien que mal. Et finalement, se résigner. Fermer les yeux. Baisser la tête. Et accepter. L’attitude d’un lâche, nullement celle du battant qu’il clamait silencieusement être depuis toutes ces années. Il avait survécu seul, lâché en pleine nature, alors qu’il n’était qu’un adolescent paumé. Oui, et alors ? Il avait du sang sur les mains, il avait réussi à s’en sortir, sans la moindre honte, sans le moindre défaut dans son plan. Il avait même fini par trouver quelqu’un sur qui se reposer, quelqu’un sur qui il pouvait compter. Alors où tout cela avait-il capoté ? Où ? Que quelqu’un l’aide, que quelqu’un lui dise. Que la vérité pointe le bout de son nez, que les faits deviennent plus limpides, et prennent leur sens. Il n’y arrivait pas. Tout avait foiré, il ne pouvait le nier. Tout était redevenu poussière. Mais au milieu de cette tempête de sable, il enveloppait la maigre carcasse d’Alan de ses bras puissants. Il serrait les dents, le gardait contre lui. À lui en faire mal, à le détruire sans même le vouloir. Il refusait de le lâcher. Pas lui. Pas Alan. Pas alors qu’il était le seul capable de l’empêcher de devenir fou. Le monde était flou, confus. Un brouillard épais s’était déposé sur sa vie depuis des années déjà. Il n’arrivait pas à s’en dégager. Il n’était rien. Il n’avait jamais représenté quoique ce soit aux yeux du monde. Un loup hors de la meute ne vaut rien. Il n’est qu’un renégat. Qu’une chance bafouée. Qu’un espoir envolé.

Cette voix lui fendit l’âme. Pourtant, il ne put que serrer les dents. Crisper les paupières. Déglutir douloureusement, et essayer de ne pas exploser. Tenter de ne pas s’effondrer. L’intonation reprit, léger murmure inquiet. Ça va ? Il se figea, dans sa douloureuse expression. Alan avait eu la courtoisie de ne pas mettre un pied dans la salle de bain. Ou une roue, comme vous préférez. Non, je ne m’avancerai pas sur cette blague totalement foireuse. J’ai pas la tête à ça. En des temps de bonne humeur, Robin l’aurait eue. Il aurait pu plaisanter avec légèreté sur le sujet. Poser un baiser sur le front de son Alan pour s’excuser d’avoir un humour si douteux. Et enfouir sa tête dans le creux de son cou. Y déposer ses lèvres. Respirer son parfum. S’excuser, à nouveau. Rejoindre ses lèvres et les saisir. Arrête. Arrête de dérailler. Ce ne sont même pas des désirs. Ce ne sont mêmes pas des pensées. Simples petites bribes d’envie, que son inconscient murmurait à l’oreille de sa conscience. Chassées comme des moustiques, avec un grognement étouffé. Il ne voulait rien entendre. Ne voulait rien reconnaître. La souffrance semblait être un meilleur moyen pour continuer, une meilleure solution. Souffrir, au lieu d’aimer. Il était l’idiot qui choisissait la torture.

Comment cela aurait-il pu aller ? Il avait mal. Inlassablement, sans lui laisser la moindre seconde de répit. Physiquement, des plaies à vif qui tapaient dans l’œil. Psychologiquement, de ces blessures qu’il dissimulait en serrant les dents, et en continuant de tenter de lui sourire. Sourire. La solution qui s’imposait à cet étrange tandem depuis trop longtemps. La solution qui s’émoussait avec le temps. Les mailles du filet lâchaient, les tresses de la corde cédaient sous la tension trop importante. Leurs sourires persistaient. Et, le plus lentement et le plus naturellement au monde, malgré le supplice qui parasitait ses pensées, et cette envie de hurler qui le prenait aux tripes, Robin s’efforça d’étirer ses lèvres en un fin sourire. Pour le rassurer. Pour l’aider à se sentir mieux, ôter une potentielle culpabilité de ses épaules. Les mots sortirent pourtant, bien plus crus et secs qu’ils n’auraient pu être pensés, dépourvus du moindre sourire qu’il avait espéré précéder ses paroles. « Tu as réellement l’impression que ça va ? » Pourquoi ? Les mots avaient précédé la moindre de ses pensées, sans même qu’il ne puisse regarder Alan. Pas dans les yeux. Pas avec ce ton acerbe. Il n’avait pas même pu tourner la tête vers lui. Pourquoi ? Les points d’interrogation étaient de mise. Il se haïssait, réellement. N’était même pas capable de rassurer son Keyron. Alors que son cœur lui hurlait juste d’aller se morfondre contre lui, et de s’imprégner de sa chaleur et de son parfum pour se détendre. Mais non. Il déconnait. Éternellement. Un soupir agita sa grande carcasse, dépourvue de cette capacité de ménager cet être cher à ces yeux. L’envie ne manquait pas ; il ne pouvait simplement plus. Non, ça n’allait pas. Pourquoi mentir ? « Non, ça ne va pas. » Robin … Enfermé dans ton désespoir, l’esprit torturé par la peine et le besoin d’être aimé. Incapable de réaliser que la seule personne apte à le rendre heureux se trouve derrière cette porte. Et que, comme le plus parfait des idiots, il la rejette en cet instant précis. Il serra les dents, un léger tremblement secouant sa mâchoire, puis l’ensemble de son corps. Ça ne va pas. Il craquait. N’en pouvait plus. Marre de mentir, marre de se cacher. Car en fin de compte, il doutait que ç’ait réellement été un jour. Il se mit à trembler de plus belle, tous ses muscles contractés. Ses coudes se posèrent sur les bords du lavabo, tandis que ses mains remontaient s’accrocher l’une à l’autre, jointes sur sa nuque, le forçant à maintenir la tête basse. Ses côtes l’auraient fait crier de douleur, s’il ne maintenait pas les dents aussi serrées que permises. Il n’y arrivait plus. Se regarder dans le miroir, affronter son demi-regard, en partie masqué par l’état déplorable de son œil. Il n’en pouvait plus. Du sang sur les mains, de l’hémoglobine gouttant indéfiniment de son cœur blessé et ouvert sans ménagement par les plus atroces instruments de chirurgie. Sans la moindre anesthésie. Qu’était-il, en fin de compte ? Un tas de cendre, sur un lit de poussière. L’ombre de lui même. L’ombre d’une vie. Une ombre, tout simplement.

Trembler, comme une feuille. Essayer d’oublier la douleur, d’oublier le mal qu’il a pu provoquer avec ses paroles. Tenter de passer outre tout ce désespoir, se battre pour fermer les yeux face aux conséquences de ses paroles, se profilant déjà à l’horizon. Pourtant, il n’a pas fini. Sa peine est culminante, sa souffrance physique s’est étroitement mêlée à sa psychologie brisée. Sa déréliction a atteint son paroxysme. Il n’y peut rien. « Y a jamais rien qui va … » Un murmure, infime, quasi inaudible. Seul et égaré. Fall, crash, and burn. Brutalement, ses mains se délient. Il recule, sans un cri. Ses lèvres sont entrouvertes, pourtant, n’attendant que ce hurlement de désarroi et de hargne. Mais rien ne vient. Son poing se lève, s’abat sur le mur à sa droite, sans qu’il ne prenne la peine de se tourner vers la paroi. Les carreaux se fissurent. Probablement ses phalanges, également. Il souffre. Cette nouvelle vague de douleur lui déclenche un second accès de violence. Son pied s’enfonce dans les portes en bois de ce placard, si simplement disposé sous le lavabo. Le bois explose, le supplice se répercute dans sa jambe. Il titube, prend sa tête dans ses mains, ignorant son poing nouvellement amoché. Il recule. S’effondre, assis sur le bout de la baignoire, à deux doigts de tomber à l’intérieur. Il se penche en avant, cale ses coudes sur ses cuisses, s’efforce d’oublier la douleur des plaies de son visage, la douleur de n’importe laquelle de ses blessures. Trembler, comme une feuille. On dirait qu’il est secoué par des bourrasques sans pitié, qu’il essaie de rester campé au sol. Le vent porte le nom de désespoir. Il n’en peut plus. Craque. Au fond, il ne sait même plus pourquoi. Ses défenses ont lâché, tout simplement.

Le placard est défoncé, les carreaux du mur également. Mais au fond, rien de tout cela n’a la moindre importance. Assis au bord de la baignoire, prostré en avant, il souffre. Il aurait pu pleurer. Son torse est d’ailleurs secoué de sanglots. Mais rien ne vint. Il n’en a plus la force. N’a plus la force de quoique ce soit.

Baisser les bras, abandonner le combat. Souhaiter disparaître, en se remémorant la présence de ce rayon de soleil éteint, derrière cette porte. Déposer les armes. Capituler. La honte, la culpabilité. Il n’y arrive pas, n’y arrive plus. N’en peut plus. S’effondrer, sans la moindre résistance. Et, recroquevillé au sol, se laisser mourir. Sans se battre. Sans protester. Accepter la triste fatalité. Fermer les yeux. Et oublier.

Tell the world I won’t survive.
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptyMer 19 Juin - 14:44




you always hurt the kindest heart with a nasty word you can't recall, so if i broke your heart last night, it's 'cause i love you most of all ; you always hurt the one you love.

bruised and battered.

Made a wrong turn, once or twice. Tout le monde faisait des erreurs, tout le monde se trompait au moins une fois sur le chemin tortueux et incompréhensible que traçait la vie devant nous. On tournait en rond, on tournait au mauvais endroit, on rebroussait chemin, on se trompait, on trébuchait. On finissait par terre, les genoux écorchés, les pieds douloureux. Assez, assez de marcher vers un horizon qui semblait toujours plus lointain. Assez, assez de marcher sans savoir où menait ce chemin.  Dug my way out blood and fire. Mais on se relevait, au final. Parce que le sol était plus dur encore sous nos paumes. Et si il le fallait, on grattait les terres arides à s'en arracher les ongles, mais on retraçait la route qui s'était perdue. Feu, sang, quand le rouge brûlait nos veines et obstruait notre vision, le coeur battant les champs de bataille. On n'y changeait rien. Si les voies n'étaient pas les plus courtes, on coupait, on enjambait les barbelés et on évitait du mieux qu'on pouvait les mines qui fleurissaient sous nos pieds. Bad decisions ? That’s alright ; welcome to my silly life. Mais les choix, ces choix stupides, persistaient. Des erreurs qui collaient à la peau pour le restant d'une vie. On se disait toujours que ça irait, on ferait avec. Qu'importe, c'était toujours la même histoire. Il y avait toujours un esprit pour ne pas oublier. Et on se retrouvait les bras ballants, acculé comme au bon vieux temps. Dos au mur, face au monde. Ce monde qui se réjouissait de nous rappeler nos moindres faux-pas, toute ces fois où l'on avait bien pu trébucher. Société tortionnaire des erreurs de ses fils. Quels parents auraient ainsi pu humilier leur progéniture ? On n'y croyait pas, mais c'était bien cela. Il restait toujours ceux-là qui ne voyaient pas. Les aveugles aux yeux bandés. Tout aussi stupides que ces vies qui sonnaient creux, écho sans étoffe du fond des âges. Rien ne servait à rien, et les coups se perdaient dans les marées de mots. Mistaken, always second guessing, underestimated... Look, I’m still around. La maltraitance, l'incompréhension. Ceux qui avaient oser prendre un autre chemin ne rejoignaient plus jamais le troupeau. Des brebis égarées, des loups solitaires. Les victimes et les coupables, tous dans ce même panier brodé d'un ruban portant comme nom le rejet. Tous fautifs pour une même peine qui restait à jamais inconnue et incompréhensible. Il n'y avait pas de traitement de faveur derrière les barreaux immatériels, les murs érigés avec l'air et le sang, la chaleur et les cendres. Alors, d'un côté comme de l'autre de cette muraille, on restait. Regardez, regardez, ce n'est pas un mur qui efface ce et ceux qu'on ne veut plus voir. Les sons ne sont pas étouffés, et les cris montent quand même jusqu'au ciel. Mais puisqu'on a une excuse maintenant, on fait la sourde-oreille, on a même pas pris la peine de retirer ce bandeau de nos yeux. Autant combiner les deux, autant s'enterrer vivant avec ce sourire heureux de l'ignorant.  Don’t you ever, ever feel like you're less than fuckin’ perfect ? Moins que rien, marginaux. Des vagabonds de nos idéaux. Et il ne fallait pas mentir, quand la nuit tombait, le soir venant. Quand les loups hurlaient à la Lune, que les prédateurs en redevenaient vraiment. Après le choc, après la béatitude malsaine, les natures se refaisaient rampantes. Et d'un côté comme de l'autre de la barrière, on se serrait tous les uns contre les autres, apeurés, désolés, attendant que notre tour ne vienne. Cette nuit ou une autre, la fin était annoncée pour tous les coeurs esseulés. Et à quoi cela rimait-il, au fond, maintenant ? Il ne restait que les carcasses tremblantes. Dans le noir, au crépuscule, l'heure du Loup ou les petits matins. Quand les soleils étaient éteints et que le froid mordait la peau. On avait beau bannir les autres, on avait beau se tenir au chaud, il y avait toujours ce frisson qui rampait le long de notre dos, silencieux et fatal. Le souffle de la vie, le souffle de la mort. Les alizés du doute, brûlant, glaçant, desséchant les essences des espoirs encore persistants.

L'espoir. Ce sale espoir. La dernière chose qui subsistait en nous avant la mort, naturellement. Espérer une dernière chance, espérer jusqu'au dernier battement. Parce que l'espoir était la seule chose plus forte que la peur. C'était bien ça, que les gens disaient, dans le temps. Un dicton erroné dans ces présents dépassés. La peur, la peur, oui... La peur, c'était l'instinct, et l'instinct, c'était la vie. Dans ce monde, quand l'oraison des cieux perdus se montrait sous nos yeux, quand on sentait notre heure venir, on attendait pas qu'un autre nous tire de là, qu'on ait pitié de notre sort, ici ou ailleurs, et que clémence nous soit adjugée. On prenait ses jambes à son cou, on vibrait de terreur. Et le destin nous dirait si l'instinct avait tiré les bonnes cartes de ce jeu sournois et bluffé correctement pour remporter la mise. Ce seul pari que chacun faisait, tous les matins. Revenir en vie, ce soir-là. Passer encore vingt-quatre heures de plus, sur cette planète.

La peur. Au fond c'était bien elle qui tailladait sa gorge d'un couteau silencieux. C'était bien elle, ou bien était-ce son respect, qui l'emportait et le retenait de s'avancer plus. Ouvrir cette porte, poser cette main sur la poignée. Non, ses phalanges restaient bien alignées à leur place. Ses doigts serraient toujours ces mêmes choses-là. Et tant pis si ses ongles s'enfonçaient sans qu'il n'en ait conscience dans le caoutchouc de ses roues. Il ne s'avançait guère. Mais rien que de poser cette question, d'une banalité dérangeante, le choquait, après coup. Est-ce que ça va ? Personne ne répondait jamais franchement. On souriait, de ces sourires en plastiques, carton blanc vernis commençant à s'user à force d'être utilisé. Alan frissonna. Bien sûr que ça n'allait pas. Une fraction de secondes que les mots s'étaient glissés entre ses lèvres, une fraction de secondes qu'il se haïssait. Battements de paupière, tentant de chasser les parasites de sa vue. Son coeur rythmait les secondes s'échouant. Un rythme lancinant, entêtant, qui lui vrillait alors les tempes. Une cadence militaire, une sonate sans musique. Et des ongles qui crissent contre un tableau noir. La sensation exacte que lui fit la voix de Robin, enfin. Crus, secs, amers. Des mots comme tout autant de lames de rasoirs entaillant ses avant-bras et mettant fin à toutes ses chances de survie. Alan se sentit mal, durant quelques fractions de seconde. Comme si sa tête lui tournait. Non, en fait, il ne faisait que ressentir lui aussi cette douleur battant dans ses veines. Ce poids s'accrochant lentement mais sûrement à sa nuque. Tétanisé par ses propres pensées. Il déglutit, avec trop de peine. Un soupir, de l'autre côté de la porte. Et les mots qui se fracassaient encore, cruels et solitaires. La confirmation totale de cette première phrase qui lui était parvenue presque comme dans un rêve. Ou plutôt un cauchemar. Keyron se sentait horriblement impuissant. La cinquième roue du carrosse, un meuble parmi les autres. Une voix muette. Muet, muet comme lui l'était. Lui et ses lèvres sèches qui entrouvrit légèrement. Comme si il avait voulu parler. Sauf que rien ne sortait. Absolument rien. Vide, néant complet. Cette tension le prenait à la gorge, comme le souffre donnait la nausée. Cette tension palpable sans même qu'il ne se fasse face. Cette tension qui flottait dans l'air comme un gaz lourd et mortel. Cette tension, dans ce murmure, quasiment inaudible. Mais assez pour lui. Assez pour lui, qui a toujours passé son temps à écouter les autres, sourire, et tenter de remonter les moraux en berne. Encore un de ces frissons, un de ces frissons nonchalants, qui prend son temps pour bien le cisailler et le transporter. Y'a jamais rien qui va. C'est vrai, ça. Y'a jamais rien qui va. Tout était toujours de travers, mais ils continuaient de tenter de sourire l'un en face de l'autre. Faire croire le contraire, histoire de mieux pleurer enfin en solitaire.

Et le choc. Bruit sourd et mat, craquement inhumain. Les errances d'un esprit qui s'arrêtent en plein vol, fusillées. Et le choc. Le bruit des veines du bois qui se déchirent. Et le choc... À peine le temps de comprendre ce qui se passait, à peine le temps de comprendre, de réaliser. Mais le sang est déjà glacé, le sang bout déjà. Les oreilles sifflent, et le coeur crie. Alan est figé. Phalanges blanchies, crispées sur ses roues. Choqué. Comme ce mur, comme ces carreaux, comme ce bois, comme ce meuble. Les coups, il aurait très bien pu les prendre ou les donner, il aurait ressenti la même chose qu'en cet instant. Il bat enfin des paupières. Regard sans description. Robin tremble ? Alan aussi. Il tremble et se frotte les paupières. Putains de papillons noirs.

Si il avait été un de ces bipèdes, comme il dit, il aurait ouvert la porte à la volée dans l'instant. Il aurait tenté de s'imposer, de le prendre dans ses bras, de le calmer, de l'empêcher de se faire autant de mal. Il aurait gueulé sur le coup, surpris et blessé. Mais il aurait agi. Il aurait fait quelque chose, au lieu de rester prostré ainsi, transi.

Les larmes lui en étaient montées aux yeux. Sans couler, sans s'enfuir. Rien qu'un faisant luire ce bleu délavé. Il hésite, il a peur. C'était toujours comme ça. Puisqu'il n'était plus qu'un petit bout de rien, faible et sans défense. Délesté de son humanité, rien qu'un rongeur, ramené à son statut de vermine. Robin... De toute façon, même si maintenant, il aurait voulu faire de même, l n'en aurait rien été. Impossible de débouler dans la salle de bain avec un attirail comme le sien en un claquement de doigts. Impossible de retenir son meilleur ami quand il ne faisait plus qu'un mètre quarante au quotidien, désormais. Impossible. Mais il était interdit à son coeur de laisser son Loup ici et là, seul et désespéré. Même si le souffle lui manquait, même si ses forces le trahissaient. Il rouvrit les lèvres. Mais les mots ne s'élevèrent sans aucune force, détermination palpable. Rien de cela. Non. Il lui avait suffi de commencer à appuyer sur ses cordes vocales pour que sa voix ne se brise, verre éclatée en mille et un morceaux au sol. "Putain, Robin !" Voyelles étirées sans qu'il ne le veuille. Une supplication. Robin, arrête de te faire du mal. Robin, dis-moi ce qui ne va pas. Robin.. Un sanglot. Un sanglot qu'il tenta d'étouffer. Qui secoua en un tressaillement son torse vide. Il se recula un peu, s'alignant face à la porte. Et la poussa, rentrant. Pour ne faire que se figer, sur le seuil. Se figer, ses yeux se posant sur le Hopkins. Incapable de le regarder plus longtemps. Trop d'amour dans son regard perdu, trop de peine de le voir souffrir en silence, tout autant que lui. L'envie de le frapper, l'envie de le prendre dans ses bras. Trop de contradictions en un seul coeur, en un seul corps. L'impuissance totale. Ce même sentiment qui le tuait vicieusement. Ce même sentiment contre lequel il ne pouvait rien. Ce même sentiment qui lui glaçait le sang.

Alors qu'il aurait aimé crier, crier et tout lui dire. Crier, arrêter de réfléchir. Crier, crier jusqu'à ne plus avoir de voix. Crier, crier et qu'il comprenne.
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptyLun 24 Juin - 16:17


falling angels.
I'm scared of myself.

Putain, Robin. Au final, ce n’était que ça. Un insulte, et son prénom. Ce prénom qu’il avait donné à Alan, depuis le premier jour. Ce prénom qu’il avait donné à tout le monde, désirant effacer sa vie d’avant, priant pour que jamais personne ne le retrouve. Ce n’était que cela. Une insulte, et son prénom. Il n’était rien d’autre qu’un poids. Il n’était qu’un monstre. Il souhaitait de tout cœur servir à quelque chose, il s’appliquait à soutenir son meilleur ami. Il faisait tout ce qu’il pouvait. Gagner de l’argent, pour désormais les faire vivre, tous les deux. Alan ne sortait plus, Alan ne bougeait plus de ce putain d’appartement. Alan était mort. Vérité flagrante, vérité qui lui donnait envie de vomir le fond de ses tripes, de tristesse et de rage. Il se sentait coupable. Son meilleur ami n’était jamais sorti de l’hôpital ; jamais. Il avait perdu l’usage de ses jambes. Et avec ce simple détail s’était envolé la quasi-totalité de son être. Toute son envie de vivre, tous ses sourires. Il avait laissé Robin seul, livré à son sort. Livré à leur sort. Il s’occupait d’eux deux. Devait tout faire. Il devrait vivre pour lui, devait vivre pour Alan. Il devait porter le poids de leurs deux vies, et sans ciller. Au final, était-ce si injuste ? Keyron l’avait supporté, durant longtemps. Il l’avait aidé à se relever, l’avait empêché de déraper face à toutes les déceptions que la vie lui avait présentées. Et maintenant, il se devait de lui rendre la pareille. Et pourtant, il n’en avait pas la force. Voir son soleil imploser et s’éteindre, ça ne faisait pas partie du jeu. De ce putain de jeu qu’était la vie. Il avait jeté ses cartes sur la table en se levant, protesté en hurlant. Il ne voulait pas admettre que sa lumière s’était éteinte. Il refusait de jouer avec ces règles. Ça ne faisait pas partie de l’addition. Variable indésirable, dont il ne voulait en cette seconde même pas entendre parler. S’il avait pu, il aurait plaqué ses deux mains sur ses oreilles, et se serait recroquevillé, allongé au fond de la baignoire en sanglotant, paupières crispées et mâchoires contractées. Mais il ne le faisait pas. Il restait assis, tremblant, perdu. Les deux mots prononcés par son colocataire résonnaient dans son crâne, explosant comme des bombes à chaque fois qu’ils touchaient l’une des parois, répandant incessamment un nombre toujours plus important de fragments de raison autour d’eux. Il n’arrivait plus à faire la différence, à séparer le bien du mal, à distinguer la souffrance de la jouissance. Il était perdu, comme éteint lui-même, à force de fixer l’absence de cette flamme de vie au fond des yeux d’Alan. Il était imperméable. Haute muraille de muscles et d’os, poings sans cesse serrés, que ce soit sur son volant, au fond de ses poches, lorsqu’ils s’écrasaient contre les corps désarticulés de ceux qui le méritaient. Il se laissait bouffer par la vie, sans opposer la moindre résistance. Et pourtant, paradoxalement, c’était un battant. On aurait pu croire que jamais il ne baissait les bras. Que jamais il ne craquait. On aurait pensé que Robin était quelqu’un de fort, qui gardait le sourire en toutes circonstances. En toutes circonstances …

Putain, Robin. Le peu qu’il lui restait de raison reprenait ces mots, en écho à Alan. Il déraillait, il devenait fou. Il perdait les quelques points d’ancrage à la réalité qu’il lui restait. Now hear they come. Les démons, les anges gardiens de la folie. Ses mains ouvertes et ensanglantées se relèvent vers ce visage blessé et abîmé, alors qu’il le cache comme il peut au regard morne et désespéré du seul qui parvenait encore à lui faire entendre raison. Si raison il lui restait. D’ordinaire, Robin se battait. Il faisait preuve de cette force de caractère qu’il s’était forgée à vagabonder comme un loup solitaire, durant cette longue période de sa vie. Il ne baissait pas les bras, il gardait la tête haute. C’était quelqu’un de bien, Robin, que les autres disaient. Les autres n’y comprenaient rien. Même Alan n’y comprenait rien. À cette pensée, le cœur du loup se serra, ses épaules s’affaissèrent très légèrement. La porte de la salle de bain pivotait dans ses gonds, il l’entendait. Il avait envie de hurler. Il avait envie d’éclater ses phalanges contre ce mur, à proximité de lui. Il ne voulait plus penser à rien. Il voulait simplement se défouler, décharger cette colère et cette frustration. Peut-être pourrait-il alors enfin affronter la réalité. Peut-être pourrait-il admettre l’idée que son rayon de soleil était tombé du ciel, et avait fini par mourir, ne parvenant pas à remonter. Peut-être allait-il enfin accepter cette idée que son ange avait les ailes brûlées, calcinées, et qu’il était impossible de les lui rendre. Son ange. Celui qu’il avait regardé avec ce sourire doux, celui qu’il savait capable de prendre soin de sa grande carcasse abîmée et dévorée par le vice et le péché. Le seul capable de l’absoudre de ses fautes, de lui donner un semblant de tranquillité avec lui-même. Âme en peine, âme perdue. Simple zombie, se mouvant par les réflexes moteurs qu’il lui restait tant bien que mal, ne cherchant plus ni la cause ni la raison de tout ce mal répandu autour de lui avec une générosité à lui en donner la nausée. Il s’éteignait, lui aussi. Il aurait été incapable de déterminer si le plus difficile avait été de regarder Alan s’éteindre, ou de se sentir lui-même partir. Il était perdu, la frontière entre son égoïsme et son amour pour ce joli blond était mince, et quasi invisible. Il ne pouvait pas vivre sans lui, c’était la dernière évidence que la vie lui laissait. Et pourtant, vivre avec le fantôme de celui qui avait été son sourire durant toutes ses années lui était insupportable. Mais alors, quelle était la solution ? Expliquer à Alan qu’il fallait que tout aille bien, à nouveau ? Alors même que son meilleur ami avait perdu l’usage de ses jambes, et qu’il avait bien toutes les raisons valables du monde pour se laisser couler ? Que devait-il faire, à la fin ? Quitter la vie de Keyron, lui ordonner de dégager de la sienne, et tenter de remonter la pente sans lui ? Impossible. Il ne s’en sentait pas capable, et savait pertinemment qu’il était incapable de le faire. Alan était sa vie. La seule chose qu’il lui restait. L’homme qui faisait manuellement battre son cœur abîmé et fatigué, lui murmurant des petits encouragements malgré cet abattement qui pesait sur ses propres épaules. Ils coulaient. Refusaient de laisser l’autre s’enfoncer sans rien faire. Ils se battaient pour s’aider, mais s’enfonçaient chacun de leur côté. Les efforts de l’un et de l’autre étaient vains. Désespérément inutiles. Ils faisaient de leur mieux, rageaient, trépignaient. Leurs tentatives étaient vouées à l’échec. Et aujourd’hui, Robin n’en pouvait plus.

Putain, Robin. Il aurait voulu que jamais ces mots ne s’échappent d’entre les lèvres de son vis-à-vis. Il ne pouvait pas regarder Alan, n’y arrivait pas. Et savait que celui-ci en était également incapable. Lire leurs souffrances respectives et partagées dans les yeux de l’autre était le pire des calvaires. Ils se savaient dans l’incapacité de s’apporter l’aide dont ils avaient réellement besoin. Mais ils n’y pouvaient rien. Et ils en mourraient, lentement mais sûrement. Hannibal ne comprenait pas. Robin ne comprenait plus. Il n’était qu’une grande carcasse vide, et malgré tous ses efforts permanents, rien ne s’arrangeait. C’était à se demander s’il se battait réellement, ou si cela n’arrivait que dans ses rêves. La dernière réalité semblait être celle du sang sur ses mains. Il devenait tout simplement fou. Il avait l’impression de sentir l’odeur métallique et nauséeuse de l’hémoglobine sur ses mains, malgré le savon qu’il s’était appliqué à y déposer. Ses biceps tremblaient, se contractant nerveusement alors qu’il essayait de ne pas exploser. Alan ne s’était pas beaucoup avancé. Alan n’avait rien ajouté d’autre. L’instant semblait figé. Entre le temps, au milieu d’un trou spatial. La salle de bain n’existait plus, les meubles et les carreaux aussi brisés que leurs cœurs non plus. Leurs esprits s’étaient égarés, et s’efforçaient de se remettre sur le droit chemin. Un instant, Robin sentit ses tremblements se calmer, ses sanglots se disperser. Il se calmait, comme par magie. Il écarquilla doucement les yeux, ses mains toujours posées sur son visage afin de voiler ses prunelles entourées du bleuissement caractéristique du cocard à son Keyron. Il se calmait. C’était presque un miracle. Il déglutit lentement, comprenant qu’il ne tenait qu’à lui de rester aussi apaisé. Il ne savait pas d’où venait ce calme. Il ignorait s’il perdurerait. Mais il le voulait. Ne pas s’énerver contre Alan. Alan n’avait rien fait. Rien, à part se laisser mourir à ses côtés, sans se battre. Sans rien faire.

Putain, Robin. Il n’aurait pas dû penser à ça. Son Keyron, mourrant sans qu’il ne puisse rien y faire. Il n’aurait pas dû. Ses muscles se contractent, se mettent à trembler. Tous ses efforts sont vains. Encore une fois. Il est au fond du gouffre. Il continue de creuser sa tombe, avec un acharnement effrayant, à en faire pleurer plus d’un. À s’en faire pleurer lui-même. Il a du sang sur les mains. Même les yeux à nouveau fermés, il a l’impression de le voir. Il a l’impression de le sentir. Ce sang, qui lui fait tourner la tête, qui lui donne la sensation d’être un monstre. De ne faire, quoiqu’il arrive, plus de mal que de bien. Ce sang. Aujourd’hui encore, il a tué. Aujourd’hui encore, il va mentir à son Alan. Mais aujourd’hui, il va craquer. « Ils n’avaient pas le droit de te menacer, tu comprends ça ?! » Le cri est sorti, tremblant d’autant de larmes que de fureur. Sec. Puissant. Inattendu. Il a ôté ses mains de devant son visage, elles se sont agrippées au bord de cette baignoire. Le moindre muscle de son torse est contracté, son expression est souffrante. Il implose. Explose. « ILS N’AVAIENT PAS LE DROIT, PUTAIN ! » Tout cela n’a ni queue ni tête. Et pourtant, il ne cherche pas à s’en empêcher. Il ne contrôle plus rien. C’est terminé. « Tu t’occupes de moi ! Tu ne fais que ça, bordel ! Tu t’occupes de moi, et moi je ne fais rien pour toi ! » Ses mains blessées se crispent sur le bord de la baignoire, ses os gémissent. Il pourrait hurler de douleur, à s’en fendre la gorge, à s’en briser les cordes vocales. Mais il continue. Impuissant face à son désespoir, impuissant face à son désarroi. « Je veux que tu vives, tu comprends ça ?! Je veux te sortir de là, bordel ! Pourquoi tu ne m’aides pas ?! Pourquoi tu restes là à fermer les yeux sur toi, et à vouloir m’aider, moi, hein ?! » Pourquoi crier ? Pourquoi gémir à la fois ? Être perdu, en avoir marre. Les larmes secouent sa gorge, y restent bloquées. Il est impuissant. Face à lui-même, face à son propre jugement. Face au monde entier. « Tu peux pas m’aider, personne le peut ! Je suis mort avant même de naître, Alan ! » Il décroche une main ensanglantée de la baignoire la passe sur son visage en détournant enfin son regard douloureux du fauteuil roulant. Il regarde autour de lui, éperdu. « Tu ne peux pas me sauver. » Un monstre. Un être abominable, un cœur déchiqueté par la vie. Il n’est plus rien. « Il n’y a plus rien à sauver. » Il ne criait plus. Il parlait simplement, tremblant et blessé. Souffrant.

Putain, Robin. Pourquoi s’acharner à continuer de vivre ? Pourquoi se battre, quand il n’y a plus rien à conquérir, quand la vie s’est enfuie ? Quand le bonheur a mis les voiles, et qu’il a décidé de ne jamais revenir. Quand il n’y a plus rien à sauver, en effet. Un amas de chairs et d’os. Une carcasse vide d’âme, au regard éteint et à la fièvre du sang et de la vengeance bien trop prononcée pour être saine. Il n’était plus rien. Et il avait raison. Il n’y avait plus rien à sauver. Il n’y avait jamais rien eu.

Ghost of the past, ashes of a man. There’s no hope anymore.
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptyMer 3 Juil - 12:49




you always hurt the kindest heart with a nasty word you can't recall, so if i broke your heart last night, it's 'cause i love you most of all ; you always hurt the one you love.

bruised and battered.

« Calme-toi, Alan ! » Le tout jeune adulte battit des paupières, la respiration perdue, poussive. Il poussa un cri étouffé, étranglé. « Alan ! » Ses yeux bleus, regard fou, regard éteint, lumière noire au fond de ses pupilles, se relevèrent sur Robin. Un long tremblement, un long frisson, déchirant tressaillement. Il le repoussa, dans l'instant, de toutes ses forces. Des forces qu'il ne contrôlait plus. Alan n'était plus. Ce n'était pas le bon vieux Keyron, le Sunshine de tous les jours. Rien de cela. Rien, absolument rien. « Quoi ? Qu'est-ce que tu crois ? » Ton blessant, mots acérés, durs et tranchants. Il se tenait sur la défensive, pareil à un animal blessé, une bête féroce et sauvage. Et pourtant, ce n'était pas lui, le Loup. Ce n'était pas lui, au quotidien. Mais il y avait cette chose en lui, cette masse grouillante, cette part de sa personne qui s'était lentement levée au fil des années. Un monstre, un autre, qu'il tentait d'écraser au quotidien. Un monstre, un autre, qui profitait du moindre de ses moments de faiblesse ou de colère, d'inattention et de dérapage, pour ressortir, grandiose et dangereux. « Alan, calme-toi ! » Robin tenta de le contenir, Robin revint à la charge. Il ne voulait que prendre les coups avant qu'il ne se les assène lui-même ou ne fasse de mal à quelqu'un d'autre encore. Le poing du grand blond atterrit dans le mur. Le bruit des phalanges qui craquèrent, la douleur anesthésiante. Il levait ses barrières. Il levait lentement mais sûrement toutes ses défenses. Au fur et à mesure, empêcher Robin de l'approcher. Le monstre était malin, au moins. « Alan... » Un chuchotis, un souffle, presque une supplication. Mais cette peur transparaissait dans la voix de son meilleur ami. Lui, il était devenu sourd. Sourd, aveugle, insensible à quoique ce soit. La rage comme seul mot d'ordre, la seule certitude brillant en lettres majuscules dans son crâne. La rage. Robin tenta de nouveau de s'approcher. Il ne put que mordre ce mur invisible, bloqué de l'autre côté de cette barrière d'air et de vents immobiles. « Alan... » Plus qu'un souffle. Un souffle qui ne l'atteignait toujours pas. Des prières dans le vide, une bouteille jetée dans les océans vers des côtes bien trop lointaines pour savoir si jamais elle n'arriverait vraiment.

Le pistolet était pointé vers lui. Comme pour n'importe quel animal sauvage portant atteinte aux vies tranquilles. Douloureuse réalité. C'était ce qu'il était, quand il n'était plus lui-même. « Excuse-moi, Alan.. » Des excuses, dans les océans de vide et de vanité de son cerveau parasité. Un sourire carnassier se trace sur ses lèvres. Au défi. Qu'il tente de s'approcher. Qu'il tente. Il n'y arriverait pas. Il ne l'aurait jamais. Il n'était plus cette bonne vieille pomme, ce gentil blondinet qui n'aurait fait de mal à personne sous aucun prétexte. Cet amoureux transi, ce sentimental refoulé. Il ne savait exactement ce qu'il était. Mais dans ces instants, c'était exactement cela, la base fondamentale de tout. Dans ces moments-là, il était vraiment... Comme les bêtes. Comme tous les prédateurs que l'on cherchait à calmer, comme ces animaux fous que l'on cherchait à calmer, ces êtres sauvages, libres dans leur tête. Comme les bêtes, pour lui, en cet instant précis, si l'on voulait éviter les dégâts, il n'y avait qu'un seul et unique moyen. Il avait déjà brisé une phalange de son Loup. Il l'avait déjà plus que maltraité, dans cet état second. La fléchette se planta dans sa peau. Il glapit, de surprise, de douleur. En pleine cuisse. Une aiguille assez longue pour qu'elle n'ait que faire du jean qu'il portait, de sa peau. Directement, en intra-musculaire. Il maudit Robin. Il maudit Robin, alors que sa vue se brouillait. Des insultes crachées, alors qu'il vacillait. Des horreurs, comme jamais il n'aurait pu en sortir. De la haine, de la rage, du dédain, du mépris. Et le trou noir. Son corps qui s'affaissa, ses muscles qui le lâchèrent. Comme toutes ses barrières, toutes ces murailles qu'il avait dressées entre eux plus ou moins consciemment. Il s'écroula. Inconscient, redevenu inoffensif. Robin se jeta presque pour le rattraper avant que sa tête ne frappe le sol.


Un souvenir fugace qui ne reviendrait jamais en mémoire pour Alan. Toutes ses crises, il ne les retenait pas. Elles se résumaient pour lui à des trous noirs, des absences inopinées. Des réveils douloureux, de la peur en condensé, en voyant ce qu'il avait bien pu causer. Des crises. Au final, c'était à cause de l'une d'entre elles, la première réellement importante, qu'ils vivaient désormais constamment côte à côte, au quotidien en tandem. Cela, il le savait. Il s'en rappelait. Au quotidien, un souvenir constant. Comme tous ses faux-pas, toutes ses erreurs, toutes ses fautes et ses malheurs. Il n'oubliait pas si facilement, ces choses-là. Loin de ça. Il n'oubliait pas. Et chaque jour passant, depuis plusieurs semaines, depuis quelques mois, il ne le pouvait qu'encore moins. Il ne le pouvait tout bonnement plus, même si il l'aurait voulu. Une faute tracée comme une rupture sur la chronologie brouillonne de sa vie en bazar. Un moyen mnémotechnique de lui rappeler qu'il avait tenté de fuir, à jamais, cette course effrénée. Pour une faute de parcours, pour un abandon déraisonné, on l'avait tout bonnement spolié de toutes ses chances de ne jamais courir de nouveau vers les horizons lointains, les meilleurs lendemains. Solution radicale et sauvage, cruelle peine qu'il s'était au final infligé par lui-même.

Une vision qu'il ne pouvait même pas supporter. La souffrance de Robin. Un miroir de la sienne, un miroir de celle qu'il lui causait au quotidien. Un miroir de ce rejet des désirs qu'il gardait au fond de lui. Qui l'avaient au final crevé jusqu'à ne plus avoir une seule goutte d'espoir dans les veines. Rien d'autre que de la douleur et de la résignation malsaine. Son coeur battant pour un but qu'il ne cherchait même plus à atteindre. Il se laissait mourir à petit feu, une agonie silencieuse au quotidien. Il n'aurait fallu qu'une seule chose, pourtant, pour que le soleil se remette à brûler, que son coeur se remettre à battre avec vigueur. Rien d'important, un tournant dans une vie. Lui dire, lui crier, tout ce qu'il ressentait depuis trop de temps, trop d'années. Tout ce qui le torturait, tout ce qui l'avait poussé à ces extrêmes-là. À tenter de se tuer d'une manière aussi barbare, au final pour ne donner l'impression que d'un malheureux coup du sort, une sale histoire, un triste accident. Un cahot de plus sur le chemin tourmenté et tortueux de la vie. Un cri. Un premier cri.

Un cri. Un cri qui fait tressaillir Alan dans son fauteuil roulant, crisper les paupières, serrer les dents. Alors que de nouveau, machinalement, réflexe oublié, ses ongles se plantent encore une fois dans le caoutchouc de ses roues.  Son coeur s'évade, son coeur se perd. A battre aussi fort, à se jeter avec autant de désespoir contre les barreaux de sa prison, cage thoracique de laquelle il semble vouloir sortir et faire le saut de l'ange. Plus qu'un filin de respiration. Un souffle minime, alors qu'il tente de ne pas flancher, les mots le tourmentant, ricochant et l'écorchant, au creux de son corps, au fond de son crâne. Alan ne regard même pas Robin. Il se prend déjà toutes ces bombes verbales dans la face et en plein coeur avec assez d'efficacité comme ça. Non, il tente de ne pas flancher. De ne pas exploser en sanglots, hurler à son tour, laisser les mots et les maux s'écouler et s'échapper hors de lui. De cette carcasse vide de sens et vide de vie. Des cris, des gémissements, des supplications, des vérités blessantes qu'il nie, secouant légèrement la tête, serrant les dents pour s'empêcher de trembler, s'empêcher de pleurer. S'empêcher, de tout, comme toujours. Et il ne reste plus qu'une voix. Des cris qui s'apaisent mais gardent la douleur du verbe vrai, de la vérité tranchante et blessante. Plus que des paroles, qui s'amplifient en lui, se distillent dans ses veines. Toujours, un être passif. Qui se prend les horreurs en pleine face et tente malgré tout de sourire. Ou du moins, tentait. Des mois qu'il ne sourit plus. Plus aucune trace d'espoir ni de bonheur, ses muscles s'atrophiant lentement, autant du côté sans doute de ses zygomatiques que de ses jambes condamnées. Vivre. Vivre. Comment aurait-il pu lui dire, comment aurait-il pu l'exprimer sans tout, absolument tout, lui crier ? Sa vie, c'était lui. Sa vie, c'était Robin. La seule raison qu'il trouvait pour continuer, même avec ce handicap rajouté, même avec ce poids fatal sur les épaules.

Il n'y a plus rien à sauver.
Les mots résonnent, encore et encore, comme un écho oublié, venu d'un autre temps. Il déglutit avec peine. Il déglutit avec peine et relève lentement ce regard bleu noyé vers son Loup. La lèvre inférieure tremblante, de façon infime. Son regard se détourne, un instant. Ce regard, ce regard, ce regard qui veut toujours dire trop de choses et qui portent depuis trop de temps des mots qu'il veut lui dire, en silence. Sa voix perce enfin. Enfin, des mots. Des mots qui tremblent, des mots au bord des sanglots. Des mots déchirés, des mots abîmés. « Tu fais rien pour moi.. ? Tu fais rien pour moi, hein ? Mais putain, Robin ! Combien de fois t'as pris les coups à ma place, combien de fois t'as pris mes coups ? Combien de fois, hein ? Combien de fois t'as déjà eu à me relever, à me rattraper, à me porter, depuis que je suis coincé dans ce truc ? Tu fais tout pour moi, je te pourris la vie depuis plus de dix ans, et ça fait autant de temps que tu fais tout pour moi ! » Il déglutit avec peine. Parler avec le coeur, quand on le retient en otage. Ne pas lui dire, ne pas dériver. Se raccrocher, et ne pas lui dire la suite, cette suite qui hante le fond de sa pensée. Il baisse de nouveaux les yeux, se prend le visage dans les mains. Pour cacher ces larmes silencieuses qu'il a senties monter, vicieuses, et qui ne peuvent être retenues plus longtemps. Cacher ces faiblesses pourtant visibles à l'oeil nu, constamment. Pleurer. Sa faiblesse, ses douleurs, ses peines et ses erreurs. Quitte à pleurer, quitte à voir les larmes couler, il aurait préféré le faire contre lui. Se blottir dans ses bras, oublier ce monde désastreux, ce monde rongé jusqu'à la moelle.

Se blottir dans ses bras, absorber sa chaleur. Se blottir dans ses bras, comme il a toujours besoin de sa force. Qu'il le serre, qu'il puisse s'excuser de tout, calé contre son coeur.

Se blottir dans ses bras, comme si tout n'avait jamais été aussi compliqué. Lui dire la vérité. Lui dire la seule vérité habitant son coeur. Il ne vit plus que pour une chose. Il ne vit plus que pour des rêves brûlés et réduits en cendres par ses propres moyens. Il ne vit plus que pour du vide, des instants qui ne se dérouleront jamais. Il ne vit que pour cette douleur qu'il s'inflige, à imaginer dans des instants d'errance une autre existence.
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptyMar 20 Aoû - 16:23


why does it hurt ?
pain, the only thing that is real.

Une trace de sang sur ce visage aux traits durs. C’était tout ce qu’il semblait rester de cette si longue tirade qu’il venait de proférer. Il se prenait pour un monstre. Au fond, ne l’était-il pas réellement ? Il prétextait aimer, finissait par souffrir, chaque jour qui passait. Et alors, la bête au fond de lui se réveillait, ordonnait de cesser le massacre. Elle prenait son cœur fragilisé et éternellement brisé entre ses pattes griffues, l’en entourait pour le protéger. Elle l’empêchait de ressentir, ainsi, lui fermait les paupières, et lui mettait le manche d’un couteau entre les mains, le laissant frapper. Inlassablement lever et abattre la lame. Sentir les gerbes de sang chaud contre son visage aux traits si angéliques. Goûter à cette rouille contre ces dents, alors qu’il entrouvrait les lèvres de douleur. Il massacrait, sans cesse et sans remord, par simple rage de se faire toujours manipuler, et de ne pas avoir le droit de goûter au bonheur. Ce droit aurait dû être légitime. Il semblait pourtant le fuir. Laisser Robin derrière lui. Il ne se faisait pas à cette idée. Il tuait. Arrachait des vies, comme un vulgaire monstre. Un animal sauvage. Le loup, en lui. Il ne restait plus rien, rien d’autre que cette marque d’hémoglobine sur son visage, que cette douleur au fond de son cœur, inexpliquée, qui le faisait battre frénétiquement contre les barreaux de sa cage thoracique. Il aurait préféré prendre une balle en plein myocarde, et laisser ses jours s’arrêter. Laisser sa vie s’éteindre, et laisser Alan profiter de la sienne. Alan. Son Alan. Sa raison de vivre et son dernier ami. Son seul ami. La vérité était ainsi, triste et amère. Mais n’était-il pas le seul sur lequel le lycanthrope puisse réellement compter ? Alan n’était-il pas l’esprit pur et simple, ce rayon de soleil, Sunshine, qui lui donnait envie de se lever chaque matin ? Le protéger, lui sourire, lui passer sa main dans ses cheveux. L’aider à se relever, l’aider à persévérer. Le prendre contre lui, doucement, sans sous-entendu, et lui remettre quelques épis blonds en place. Être là, simplement. Alors pourquoi ? Pourquoi ces mots déchirants, pourquoi ces propos à en figer le cœur au fond de la poitrine ? Pourquoi toute cette souffrance, alors qu’ils ne souhaitaient que s’aider ? Pourquoi t’en prendre à lui, Robin ? Cet homme que tu chéris plus que ta propre vie, que tu es persuadé de ne pas mériter, face à sa bonté et son grand cœur. Pourquoi te mettre en colère, sans assumer ton impuissance face à sa souffrance ? Pourquoi vous saigner le cœur à blanc, sans raison valable apparente ? Pourquoi est-ce que tu fais tout ça, Robin ? Pourquoi ? …

Y a plus rien à sauver.
Vérité amère, et pourtant si justifiée. Il l’avait prononcée d’un ton simple et sincère, pensant chaque mot autant que les syllabes ou les lettres le composant. Il était perdu, âme esseulée aux tréfonds des limbes, tentant vainement de sauver ce qui restait de secourable sur cette planète. À savoir lui. Alan. Son rayon de soleil. Qui lui répondait, désormais. Les yeux de Robin se relevèrent, se posèrent sur le Blackwater. Son cœur se serra, tandis que ses sourcils s’arquaient en une expression de souffrance. Ses mâchoires se contractèrent, ses maxillaires se crispèrent. Il détourna quelques instants les yeux, fixant le carrelage. Tel un lâche. Incapable d’assumer, incapable de supporter le poids de quelques simples paroles. Cette envie furieuse de lui hurler de se taire, de lui faire rentrer à coups de poing dans le crâne qu’il ne disait que des balivernes. T’es pas un poids, Alan. Qu’est-ce qu’il doit faire pour te faire comprendre cela ? Les poings du grand brun se serrèrent. Ses paupières se fermèrent. Il le sentit, le mouvement dans les airs. Ces mains qui se décollent des roues de caoutchouc, qui viennent prendre ce visage aux traits fin dans le creux de leurs paumes. Le loup comprend ces gestes, les sent sans avoir à les distinguer. Le cœur de Hannibal se serra un peu plus. Celui de Robin se liquéfiait déjà sur le carrelage sali par sa violence et l’état déplorable de son corps. Pourquoi fallait-il souffrir autant, pour se souvenir que l’on existait bel et bien ? Y avait-il réellement besoin de se flageller de la sorte, à en avoir envie de mettre fin à ses jours, pour se rendre compte que l’on avait quelque chose à perdre, et une vie entre nos mains ? Il aurait voulu pleurer. Les larmes s’amassaient au fond de ses prunelles bleutées, alors qu’il fermait les yeux, crispant les paupières, tentant de ravaler les perles salées. Il ne supportait pas la vision d’Alan, pleurant. La vision de son meilleur ami, dans ce fauteuil roulant. Par ce qu’il ressentait être sa faute, sans réellement savoir pourquoi. Et plus que cela, les mots proférés se répercutaient contre les parois de sa boîte crânienne, le faisant agoniser plus que de nature, lui donnant envie de hurler à pleins poumons. D’éclater les miroirs restants de cette salle de bain à l’aide de la puissance de sa voix, et de celle de son désespoir. Pourtant, il n’en fit rien. Pourtant, lorsqu’il rouvrit les yeux pour les rouler dans ses orbites, dissipant les quelques larmes restantes, déglutissant douloureusement, il garda les lèvres scellées. Pas un cri. Pas un murmure. Juste sa souffrance. Dans ses yeux, sur sa peau. Ruisselant hors de ses plaies physiques, suintant le long de son psychisme déchiré. Ressentir l’agonie. Et être sûr que l’on est toujours en vie.

« Tu me pourris pas la vie. » Les yeux baissés vers le sol, le murmure s’était échappé. Simple. Une affirmation, d’une voix douce, bien loin de la colère des paroles précédentes. Il déglutit lentement, ramenant ses mains l’une dans l’autre les serrant en faisant fi de la douleur. Ses lèvres tremblèrent légèrement, les commissures inclinées vers son menton, en une expression de souffrance et de culpabilité. Il pencha la tête en avant, renifla doucement. Calmé. Il avait fallu remettre quelques choses au clair. La colère n’était pas loin. Mais il était calmé. À la force des coups. Mais calmé. « Tu m’as jamais pourri la vie. Pas une seule fois en dix ans. J’veux pas que tu dises ça, parce que … » Il secoua la tête, haussant les épaules. « Parce que ce sont des conneries, tout simplement … » Parce que ça te fait mal. Parce que ça te donne l’impression de l’avoir délaissé et oublié, traité comme s’il n’était qu’un boulet, et que tu n’en avais rien à foutre de lui. Ce n’était pas le cas. Tu ne voulais pas faire ça, tout du moins. Est-ce que tu as fini par le laisser tomber, en fin de compte ? … « Si je fais tout ça, si je prends les coups pour toi, si je t’aide à te relever, si … Si je continue de donner des coups pour toi, c’est que … » Que quoi ? Inspire, expire. Prends ton courage à deux mains. Hausse encore les épaules, recroqueville-toi sur toi-même, les lèvres tremblantes, les sourcils froncés en une moue éternellement douloureuse. Tu vas pleurer, si ça continue. Mais au fond, quelle importance ? « … C’est que personne ne pourra jamais te remplacer. » Il renifla lentement, gardant le regard braqué sur le carrelage de cette pauvre salle de bain, témoin d’une dispute et d’une souffrance éternelles. « Des os, ça se répare tu sais. Des blessures, ça se referme. Mais toi, personne ne te remplacera jamais. Alors ça vaut le coup de se battre. Parce que … » Il prit une longue inspiration, secouant la tête, relevant progressivement les yeux, sans pour autant oser le regarder en face. « Parce que sans toi, moi, je suis quoi ? » Secouer la tête, réaliser en un sourire rempli de larmes l’ampleur de son désespoir. Il ne pleurait pas. Les larmes refusaient de rouler le long de ses joues. Mais elles étaient là. Proches. Si proches. « Je suis rien. Tu t’occupes de moi, tu prends soin de moi, même blessé tu t’inquiètes de ce qui peut bien m’arriver. Alors … Je pense que me battre pour toi c’t’un moindre mal, tu comprends ? … » Même toi, tu ne comprends pas ce que tu lui dis, Robin. Tu ne comprends pas tout ce que tu lui sers sur un plateau d’argent. Cette affection déformée depuis bien longtemps, cet attachement bien plus qu’amical. Robin … « Personne te remplacera. Alors oui. Toi et ton sourire valez bien quelques phalanges et quelques côtes cassées. » Ses yeux dans les siens, désormais. Ses paupières battant frénétiquement. Il déglutit une dernière fois. L’esquisse d’un sourire impossible à tracer. Il expira longuement. Sans détacher son regard du sien. Tout simplement.

Pourquoi tu souris plus, Alan ? Pourquoi tu veux pas te battre, toi aussi, pour continuer de sourire, et de lui donner l’impression de ne pas se battre dans le vent ? Il te l’a dit, il te l’a hurlé, presque. Ses yeux le pleurent encore. Il a l’impression de ne servir à rien. De ne pas réussir à te faire sourire. De ne pas pouvoir t’aider. De ne rien être capable de sauver, en toi. Alors qu’il t’aime. Il t’aime. De tout son cœur. Sans parvenir à te l’avouer. Sans parvenir à se l’avouer.

Pourquoi est-ce que tu ne lui souris plus, Alan ?
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptySam 24 Aoû - 14:14




you always hurt the kindest heart with a nasty word you can't recall, so if i broke your heart last night, it's 'cause i love you most of all ; you always hurt the one you love.

bruised and battered.

Where'd you go ? I miss you so. Seems like it's been forever that you've been gone. On s'était perdus. On s'était perdus, dans le brouillard de nos blessures. On s'était perdus, dans la brume de nos déchirures. On s'était perdus, dans nos pensées teintées au cyanure. On s'était perdus, dans la chute inopinée du mercure. On s'était perdus, nos mots tracés à l'encre invisible sur tous les murs. On s'était perdus. Et on n'était jamais revenus entiers de ces voyages isolés. Perdus, séparés, tremblants et brisés. Perdus, des bleus à l'âme, des bleus au coeur. Perdus, comme ces regards et ces sourires, comme cette innocence violée par la réalité. Perdus, à nos responsabilités toutes ces meurtrissures. Tatoués à l'encre de nos erreurs, tatoués à la sueur de ces travaux qui ne jamais ne seraient terminés. Des pyramides de poussière d'étoile. Des châteaux perdus dans les nuages. Des palais peuplés d'oiseaux, des bateaux volant sur les vents. Et tous ces rêves d'enfants les accompagnant. Vers les éternités, vers d'autres horizons. Vers d'autres étés et d'autres printemps. Puisqu'il ne restait ici plus que l'hiver et les feuilles mortes. La bise glaçant les êtres jusqu'à la moelle. La neige obstruant cet horizon dans ses volutes tempétueuses. Le verglas ayant condamné toutes les issues possibles. Et la vie mise sur pause, endormie, cryogénisée par la froideur de ces sentiments. Les arbres et leurs bras décharnés se lançant à l'impossible vers ces cieux grisés et grisonnants. Cette chape de plomb légère comme la plume avait assommé tous les espoirs. Et quand les lendemains semblaient aussi lointains et incertains, imaginer le dégel, imaginer le retour d'un hypothétique soleil, de ce printemps et de cette chaleur qui avaient doucement déserté. Rien qu'un rayon de soleil. Rien qu'un petit rai. Un petit espoir, cette chute dorée que l'on n'aurait plus attendue. Rien qu'un petit signe, une trouée dans les nuages. Un espoir, de nos renouveaux et du recommencement de tout ce cycle éternellement emmêlé. L'histoire de la vie. De ces causes à nos effets, la théorie du chaos sonnant comme la réalité la plus douce qui nous soit donnée. Tout était lié, tout était relié. De l'espérance à nos désespoirs, de nos enfances à ces terribles trous noirs. Des percées dans nos âmes laminées, déchirées et ensanglantées à l'hémoglobine de nos illusions dépassées. Tu me pourris pas la vie. Peut-être était-ce vrai, peut-être était-ce faux. Il était dur de démêler les mensonges des vérités, dans cette ville gargantuesque. On se faisait bouffer pour un oui ou pour un non, pour un regard de travers ou simplement la malchance de ne pas être au bon endroit au bon moment. Les mots glissaient, se glissaient, s'insinuaient et blessaient. Il avait détruit une partie de sa vie. Il les avait menés à l'agonie, pour ses rêves et ses espoirs égoïstes et inutiles. Tout cela n'avait plus aucun sens. Tout cela ne menait à rien. Plus rien d'autre que la chute, le bord du ravin, le sourire en dentelles ciselée des rochers au bas de la falaise. Sourire sardonique et rire sarcastique capable de hérisser le poil de tout être et glacer les os de toute âme. Ce qu'il lui disait le transperçait. Avec la magie de l'empêcher de parler. L'empêcher de riposter, l'empêcher de nier. Non. L'étau était juste là, si simplement, si innocent. Mais destructeur. Alan aurait été incapable de relever ses yeux bleus noyés vers Robin. Pourtant, c'est quelque chose qui l'accroche, et le raccroche. L'obliger à relever son regard, comme si il avait deviné que celui du Hopkins suivait le même sentier. Ses yeux, dans les siens. Ces dangers, dans leurs mains. Et les larmes, qu'il tente de retenir. Tenter, tenter, retenir et vaciller. C'est l'esquisse impossible d'un sourire qui s'efface. C'est la demande sous-jacente d'un cœur à l'abandon. Souris un peu, Alan. Reprends vie. Fais quelque chose. Mais arrête de te laisser mourir. Il tremble. Il tremble d'émotion. Il tremble de cette vérité trop lourd à porter. Cette vérité qui remonte à ses oreilles comme une voix que seul lui peut entendre. Et les murmures sont assassins. Égoïste, égoïste que tu as été à vouloir ainsi mettre fin à ton calvaire. Égoïste, égoïste que tu demeures, à rester sur le bas côté de cette route de l'Existence. Une inspiration, mâchoires serrées. Et pourtant, elle se fait sentir chevrotante, hésitante, douloureuse et vacillante. Le regard d'Alan demeure retenu, en otage, de celui de son meilleur ami. Meilleur ami, meilleur amour. Combien de temps s'écoule-t-il, entre ces silences et ces regards, ces respirations à la dérive et ces vérités passées sous silence ? Combien de temps ? Des secondes, des minutes, des heures, des jours entiers ? Le temps de vivre une vie, le temps de naître et de périr ? Qu'importe cette donnée. Il détourne le regard. Vacillant vers un côté, alors qu'il se mord la lèvre inférieure. Et il faudrait sourire. Sourire, pour redonner un peu d'espoir. Sourire, pour lui faire plaisir. Seulement sourire. Douleur palpable, ou plaies rouvertes ? Il n'y a plus de nuances autres que les teintes de gris, les teintes mornes de toutes ces tristes vies. Il renifle, fébrile. Mais tu voudrais lui dire. Faire quelque chose. Tu gardes toujours cette envie de crier au fond de toi. Et ça, ça te tord les tripes et ça te brise le cœur. Mais tu n'en fais rien. Tu ne cries pas. Tu gardes tout cela pour toi. Même si ça fait terriblement mal. Surtout si ça fait terriblement mal. Il se mordille lentement l'intérieur de la lèvre inférieure. Trop d'idées se battent dans sa tête, trop de pensées se bousculent. Pourtant, c'est bien ce que c'est, sur ses lèvres, n'est-ce pas ? Ce coin qui se relève, très légèrement, presque hésitant. Y'a de la douleur dans les sourires, et des couteaux dans ces espoirs. Mais qu'est-ce que ça vaut, à la fin, tout ça ? Depuis combien de temps est-ce que t'as pas souri, Alan ? Depuis combien de temps est-ce que t'as pas eu de lumière dans tes yeux, des étoiles au fond de tes pupilles ? Il déglutit avec peine. Plus la peine de tenter de se cacher. C'est une tentative de sourire qui fait plus de mal que de bien. C'est trop, sans doute, de vouloir faire ça, là, maintenant. Les gouttes d'eau salées aux coins des yeux, la sclérotique brillant de l'éclat des tristesses humides. Il renifle. Pauvre en ce qu'il est. Battre des paupières, tenter en vain de chasser tout cela. Tenter de sourire, même s'il n'est même pas sûr que le cœur réellement y soit. Mais c'est pour toi, Robin. Il veut bien essayer, mais c'est simplement trop dur, Robin. Il veut bien essayer, mais sourire, il n'y voit plus d'utilité, il n'en a plus le courage, tu vois ? Mais c'est déjà ça. Il se mord les lèvres, plante son regard dans le sien durant quelques instants. S'essuie les yeux, par réflexe, du revers de la main. Et à part ça, à part de la douleur et l'impossible ? Il y a ces instants de battement, encore et toujours. Sans oser, sans faire plus. La cruauté de nos existences dans les miettes de nos espoirs défunts. « … Je... J'veux pas que... Tu souffres pour moi. » C'est juste un souffle. Mais c'est bien ça. J'veux pas que tu souffres pour moi, comme moi je souffre pour toi. Je veux pas que tu vives la même chose, je veux pas que tu éprouves ça. Voix fêlée, les fractures dans les intonations, les mots fragiles. Et il voudrait lui dire. C'est sur le bord de ses lèvres, mais il se retient, il se l'interdit. Il baisse les yeux. Dire si peu. Penser si fort.

Je t'aime.
Oui, il t'aime.
Mais peut-être que vous êtes aussi aveugle l'un que l'autre. À trop fermer les yeux, on oublie aisément qu'on peut les ouvrir.
Rouvrez les yeux. Rouvrez les yeux et regardez-vous comme jamais. C'est de l'amour, qui fait battre vos cœurs à l'unisson sans que vous en ayez conscience. C'est de l'amour.


Tu la sens, dis, Robin, cette force dans l'air ? Cette force qu'Alan ne contrôle jamais, qui t'a repoussé tant de fois quand il perdait la tête ? Tu la sens, dis, cette force dans l'air, qui murmure à ton inconscient de te rapprocher, te rapprocher encore un peu ? Il n'en a pas conscience. Personne n'en a réellement conscience, mais qu'importe. Tu la sens, dis, Robin ? C'est plus fort que lui. C'est juste un cri en silence. C'est juste son âme qui tente de s'accrocher à la tienne. Ne te bats pas, Robin. Arrêtez de vous battre, vous deux. Arrêtez. Vivez.
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptySam 24 Aoû - 18:36


i trust in you
will you trust me ?

Je t’aime, Alan. Les mots restaient bloqués au fond de sa gorge, au fond de son esprit. Il aurait été incapable de s’en rendre compte, incapable d’en réaliser la moindre syllabe. Que lui fallait-il, pour enfin se rendre compte que les sentiments qui l’unissaient au grand blond face à lui n’étaient plus de l’ordre de l’amitié depuis des années déjà ? Il le regardait, n’arrivait plus à détacher son regard de son visage aux traits si fins. Il ne pouvait sourire, pas réellement. Le Blackwater avait fini par relever les yeux, lui aussi, abandonnant ses prunelles aux siennes. Les Amours échangés, les sentiments hurlés. Et aucun des deux ne parvenait à percevoir ce que l’autre voulait lui dire. Les cœurs brisés, les paupières ouvertes de manière artificielle. Deux aveugles, plongés dans l’obscurité malgré leurs yeux écarquillés. Qu’y avait-il, au fond de leurs deux cœurs en charpie, pour les bloquer de la sorte ? Qu’est-ce qui pouvait bien être en train de leur arriver, tandis qu’ils restaient échoués dans cette salle de bain, cadavres agités de larmes, coquilles vides remuées par la houle du désespoir ? Robin dévisageait son Alan, le cœur battant à en rompre les barreaux de sa cage thoracique, la douleur le conduisant au bord de l’explosion. Ou bien était-ce l’implosion ? Il n’en savait plus rien. À en garder ses sentiments et ses pensées, il finirait par se fissurer de l’intérieur. Par s’écrouler, se répandre en une mare de souffrance et de sang, chaires déchiquetées par le temps et le déni. Il mentait à Alan, et ce depuis tellement longtemps. Pourquoi prenait-il cette peine ? Il espérait le protéger. Chaque jour qui passait laissait les mensonges prendre plus d’ampleur, envelopper jusqu’à la moindre parcelle de leur relation. Il s’interdisait de l’aimer plus que par amitié, il voulait le protéger. De la bête qui sommeillait en lui, de l’animal qui tuait. Par amour. Le mensonge le pousserait à sa perte. Mais que pouvait-il faire d’autre ? Lui avouer la vérité ? À Sunshine. Son petit rayon de soleil. L’homme qui, en apparence, n’aurait pas fait de mal à une mouche. Celui qui, lors de l’une de ses phases d’inconscience, avait livré son meilleur ami aux urgences, le système immunitaire anéanti. Un simple accès de rage suffisait parfois. De la colère, du désespoir, de la tristesse. Il ne savait s’imposait, n’avait jamais su. Et un jour, sa personnalité avait fini par s’en dédoubler, par ressentir le besoin de s’affirmer, et de faire exploser tout ce qui sommeillait en lui. Robin avait été là. Robin l’avait soutenu. Robin en avait pris pour son grade, volontairement parfois, involontairement à d’autres moments. Il l’avait empêché de se faire du mal. Et d’en faire aux autres. Fidèle protecteur.

Les mots d’Alan lui arrachèrent finalement ce sourire triste et blessé, tandis que l’humain détournait les yeux. Il avait essuyé des cadavres de larme et, rien que pour cela, Robin s’en voulait. Il inspira longuement, le cœur débordant d’amour et de chagrin. Il baissa à nouveau les yeux, dans un désespoir fondé. Une légère pression s’exerça alors sur son corps. Invisible, intangible. Ses muscles se contractèrent l’espace d’un instant, avant qu’il ne comprenne. Lentement, ses mains s’appuyèrent sur le rebord de la baignoire. Les mots s’étaient échoués au fond de son cœur, y retombant sans avoir eu la force de franchir ses lèvres. D’un geste lent, il poussa le bord de la baignoire à l’aide de ses paumes, se rapprochant d’Alan, se levant presque par la même occasion. Ses jambes tremblèrent quelques instants, et un pas lui suffit pour être à proximité du Blackwater. Il se sentit tomber au sol, ne résistant pas le moins du monde à l’appel que cette pression exerçait sur son corps autant que son cœur. Rapproche-toi, lui avait-elle intimé. Viens. Viens … Il ne le savait pas vraiment. Il s’était senti attiré. Comme un besoin de s’approcher. Le plus simplement au monde.

Un genou à terre, puis un deuxième. Lentement, et sans réfléchir, la lèvre inférieure tremblante, il s’approcha du fauteuil, à genoux sur le carrelage froid. Il aurait voulu avoir le courage de rester debout, et de lui passer à côté. Simplement lui caresser la tête au passage, lui ébouriffer les cheveux avec toute la tendresse dont il était capable, et s’en aller. Mais maintenant … Maintenant, c’était trop tard. Il avait été comme attiré. Aimanté. Envoûté. Ses hanches se posèrent lentement au sol, tandis qu’il s’asseyait, de travers, ses jambes repliées sous lui. Sa tête se cala sur les cuisses d’Alan, sans qu’il ne réfléchisse réellement, tandis qu’il ramenait ses bras autour de lui, s’étreignant lui-même comme s’il avait froid. Il ferma lentement les yeux, poussant un léger soupir. « … C’est trop tard … » Trop tard pour ne pas avoir mal. T’as l’nez qui pisse le sang, tu t’souviens ? L’adrénaline de la colère avait pris possession de ton corps. Mais maintenant … Maintenant, tu la sens. Cette putain de douleur. Partout. « Mais je pense que ça se voit … » Tu peux bien déglutir. Mais le mal est fait. Et tu fais souffrir Alan à cause de ça. Crétin. « J’suis désolé … »

Ferme les yeux, maintenant. Pour de vrai. Laisse les larmes en couler, alors que tu gardes ta tête posée sur une de ses cuisses. L’arête de ton nez fendue, ton arcade et ta pommette ouvertes, tes côtes bleues, ta clavicule te faisant atrocement souffrir, mais heureusement placée à l’opposé de ton appui contre Alan. Ta main blessée, ta phalange brisée. Et ton cœur en lambeaux.

T’es là, contre l’homme à qui tu tiens le plus au monde. Tu te presses contre lui, en essayant de ne pas souffrir davantage. La douleur de tes multiples blessures te rattrape. Tu aurais besoin de soins. Ou d’au moins quelques cotons pour éponger le sang de ton visage, une bande pour protéger ta main et une poche de glace sur ton œil enflé et violacé. Mais tu restes là. À t’étreindre toi-même. Priant pour que le calvaire finisse.

T’énerver. T’excuser. Supplier. Y a-t-il autre chose que tu saches faire ?

Oui.

Aimer.
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptyDim 25 Aoû - 9:34




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bruised and battered.

Combien de fois ce pouvoir lui avait-il fait du tort ? Combien de fois, sans en avoir pleinement conscience, avait-il mis à sac certaines situations ? Il n'avait jamais vraiment remarqué ce qu'il arrivait à faire. Il ne cherchait pas, sans doute. Il ne cherchait pas à saisir le pourquoi du comment. Non. Les choses venaient comme elles le voulaient, et surtout de prime abord, le pouvaient. Ainsi allait le monde. Mais combien de fois ce pouvoir avait-il nui à Robin ? Un nombre plus important que celui dont il avait conscience. Crise après crise, toujours à repousser celui qu'il aimait. Quel insensé prix à payer. Pour avoir, toujours, encore et encore, accepté l'ombre quand on ne grattait le sol que pour quelques poussières de lumière. Quand le jour se faisait nuit, que la bande d'enregistrement déraillait. Et c'était la fin. De toute résistance, à cette envie qui parfois le tiraillait. De hurler, de frapper, de faire payer par le sang et les coups toutes les choses qu'il avait éprouvées et essuyées. De l'absurde à nos réalités. Il était plus fort, durant ces instants. Plus fort, plus puissant. Plus hargneux, plus rancunier. Toute une vie à se taire qui ne se lassait jamais de hausser le ton. Les crises l'usaient. Les crises les usaient. Mais Robin continuait de le protéger. Robin continuait de lui certifier qu'il n'avait jamais tué personne. Robin le lui assurait. Jamais tué personne. Mais blesser, mais heurter, il l'avait fait de trop. Mais blesser, mais heurter, le-dit Robin en avait assez goûté. Triste réalité. Et durant ces crises, il le tenait éloigné, impuissant. À lui en faire perdre conscience, comme cette terrible fois-là... Un frisson parcourut l'échine d'Alan. Éviter des regards trop habitués à se déliter. Ne pas réussir à se regarder en face, demeurer dans le noir des illusions. Mais il y avait cette force, cette force qui les avait déchiré, trop de fois. Cette force qu'Alan n'utilisait finalement que rarement pour attirer les gens. Il y avait plus à faire à se protéger que à s'attirer les cœurs. La scène était surréaliste. Comme dans un rêve. Comme dans un rêve, au ralenti. Alan regardait Robin. De ces yeux-là qui ne suppliaient rien d'autre que la fin d'un cauchemar. Sa silhouette se souleva, s'avança, pour mieux alors venir se laisser tomber. Devant lui. À genoux. Le cœur d'Alan se serra. Il battit des paupières. Assis, au sol, sur le carrelage glacé. Et sa tête venant se poser sur ses jambes. Le Blackwater déglutit. Un énième frisson, pour parcourir le long de cette colonne vertébrale brisée. Ses mots lui parvinrent eux aussi comme lointains. Ou bien était-ce parce qu'ils étaient trop proches. Comme si il les avait murmurés au creux de son oreille. Il ferma un instant les yeux. Mais qu'est-ce que t'y peux ? Ses paupières se rouvrirent. Son regard retomba sur son Loup. Un battement de cœur. Un silence. Il déglutit. Simple réflexe. Ses doigts se glissèrent dans les boucles brunes du Hopkins. Caresser doucement ses cheveux, alors qu'il pinçait les lèvres et se les mordait doucement. Et le regarder. Regarder ce corps meurtri. Sentir son sang se glacer dans ses veines. Qu'est-ce qui comptait, au fond ? Il le soignerait, le réparerait du mieux qu'il le pouvait. Comme à chaque fois. Comme Robin l'aurait fait pour lui. Hé, dis, Robin ? Si t'avais une chance de réparer ton Alan, est-ce que tu la saisirais ? Hé, dis, Robin ? Tu sais qu'il marchera plus à tes côtés. Que ça, ça n'arrivera plus jamais. Mais est-ce que tu tenterais de réparer son cœur, si tu le pouvais? Et toujours caressait-il ses cheveux. Le calmer, se calmer, et calmer cette tempête dans laquelle ils s'étaient tous deux embarqués. « … J'suis désolé, Rob'... » Des excuses ? En toute logique, oui. Alan qui s'excusait de tout et pour tout, Alan qui prenait le poids de la peine pour les méfaits dont il n'était parfois pas coupable. À quoi cela pouvait-il rimer ? Il était dévoué. Dévoué, au fait qu'il préférait éviter la souffrance aux autres. Il renifla, et déglutit. Retirant sa main des cheveux de son Robin. Ses doigts, qui un instant, effleurèrent sa joue. Innocent. Sans y penser. Il regarda autour de lui. Un coup d'oeil, à toutes les meurtrissures grêlant le corps du seul être qui à ses yeux puisse compter. Son regard se stoppa, un instant. Sur cette goutte salée, qui ne voulait pas tomber, et brillait au bout du nez de son meilleur ami. Il battit des paupières. Déglutit avec peine. Et spontanément, mais non sans cette douceur qui le caractérisait, il redressa légèrement son Robin. Histoire de le regarder en face. Les yeux dans les yeux. Et d'apprécier un peu plus amplement l'étendue des dégâts. Il prit un inspiration. Ses mains posées sur les épaules du Loup, face à lui. Il ferma les paupières, quelques fractions de seconde. Le temps de rassembler ses pensées. « … Est-ce que t'avais déjà commencé à soigner... Des blessures, dans le lot ? » Et ce minuscule rictus. De douleur. Pour lui. Mal pour celui qu'il aimait, depuis trop de temps déjà. Comme ses iris célestes le lui criaient, encore et encore. Comme à chaque fois. Comme à chaque instant. Comme tout le temps. Oh, you're in my veins. Dans son sang, dans ses veines. Robin était ce qui le faisait encore vivre. Robin était ce qui l'avait poussé dans les bras de la mort, mais celui qui aurait pu l'emmener. L'emmener loin de tout cela, des maux et des mots. And I cannot get you out. Et c'était ainsi. Il était sa vie. Il était son sang. L'hémoglobine pulsant dans ses artères. Ce qui le faisait vivre, ce qui l'aurait fait mourir. Son jour, sa nuit. Ses rêves, ses cauchemars. Ses espoirs, ses souffrances. Ses délires, ses mémoires. Ses passés, ses futurs. Il était tout. Il était tout, pour lui. Mais ça, est-ce qu'il ne l'aurait jamais compris ?

T'es tout, Robin. T'es tout.

C'est tout.
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptyDim 25 Aoû - 15:45


don't wanna close my eyes
'cuz i'll miss you babe.

Parfois, il suffisait d’arrêter de réfléchir. Il suffisait de fermer les yeux et de se laisser tomber, attiré par le vide, emporté dans le plus profond des gouffres. Il suffisait de laisser le désespoir de côté. De rester les paupières closes. Et d’effectuer le geste qui nous rassurait le plus. Poser sa tête sur ses genoux, et se lover contre ses jambes. Voilà quel était celui de Robin. Alan était devenu depuis longtemps son point d’ancrage, le seul capable de déclencher au quart de tour des crises, tout comme d’y mettre fin d’un seul regard, ou d’un seul mot. Comme à cet instant, au beau milieu de cette salle de bain. Alan était le seul, vraiment le seul depuis toutes ces années, à être capable de faire de Robin ce qu’il voulait. Ce qu’il désirait. Il pouvait le faire rire, le faire pleurer. Le rendre malheureux, comme lui faire atteindre les plus hautes sphères du bonheur, ou presque. Dans ce dernier cas, une légère retenue apparaissait toujours. Comme s’il manquait quelque chose. Ce n’était pas un sourire, ce n’était pas un rire. C’était plus que cela. Il était encore incapable de mettre la main dessus, se contentant de ce qu’il avait à sa portée pour le moment. Et là, dans cet état de chagrin et de souffrance, il avait besoin d’être rassuré. Besoin qu’Alan lui dise que tout allait bien se passer. Besoin stupide mais si pressant qu’il lui pardonne.

Lentement, il sentit les larmes dévaler ses joues, glisser le long de l’arête de son nez. Il renifla, doucement, tentant d’ignorer la douleur de son os brisé. Les doigts de sa main valide s’articulèrent doucement, s’accrochant au pantalon du grand blond. Il serra les dents, laissant les larmes couler, sans être agité du moindre sanglot. Les doigts dans ses cheveux, la sensation douce et réconfortante d’Alan lui procurant quelques caresses. Il se lova contre ses jambes, pareil à un enfant perdu, à un animal apeuré. La seule chose capable de le calmer, le seul geste qu’il aurait réclamé à corps perdu en toutes circonstances ; quelques simples doigts dans ses cheveux, un peu de tendresse et quelques caresses. Il n’avait jamais rien fallu de plus, même lorsqu’ils étaient adolescents. Il suffisait que Robin se cale au fond du canapé, contre Alan, ou qu’il s’allonge sur la branche d’un gros chêne, tandis que le blondinet restait assis. Il suffisait qu’il soit triste, ou simplement devant la télé, à proximité d’Alan ou bien déprimant assis sur une chaise, loin de lui. Et les caresses devenaient naturelles, une évidence pour le sortir de son état de tristesse, ou le plonger dans un état de torpeur et de contentement. C’était magique. Il n’y avait rien d’autre à ajouter. Et chaque fois, Robin se prenait à penser qu’il aurait pu s’endormir. Chaque fois, il en venait à se demander si cela ne s’était pas produit. Chaque fois, il fermait les yeux et se laissait emporter, priant pour que tout cela mette de longues heures à s’arrêter.

Il perçut les excuses d’Alan et se retint de secouer la tête. Non. Faut pas s’excuser. Faut pas demander pardon alors que tu n’as rien fait. Sunshine … Lorsque les caresses, nouvellement déplacées sur sa joue, cessèrent et que les mains se posèrent sur ses épaules, un frisson dévala sa colonne vertébrale, articulé d’une pointe de douleur. Il prit une longue inspiration, le regardant droit dans les yeux, coin des lèvres tombant sous le supplice et la tristesse, les empreintes de quelques larmes tracées sur ses joues et le long de son nez. Son œil poché avait toujours plus mauvaise mine à chaque seconde qui passait. Il déglutit, écoutant attentivement le Blackwater, secouant la tête en guise de réponse, dans un premier temps. Les mots finirent par sortir, éraillés et blessés, tout autant que la grande carcasse qui les prononçait. « Non … J’ai mis un peu d’eau sur mon œil mais … Mais ça n’a pas servi à grand chose … » Mais t’avais pas de glace sous la main, puisque tu refusais d’aller en prendre dans la cuisine, puisque tu t’obstinais à fuir Alan. Il garda ses prunelles bleutées braquées sur lui, baissant légèrement le visage, dégageant finalement son épaule d’un petit mouvement sec. Sa clavicule l’élançait atrocement. Mais il avait été brusque. Involontairement. Ses deux mains se posèrent sur les mollets d’Alan, lentement, tandis qu’il craquait. Ses paupières se fermèrent, son front se posa sur le creux formé par les genoux d’Alan, ceux-ci calant la tête de Robin. « Je … Désolé … » Et finalement, les larmes s’échappèrent à nouveau. Il avait mal. Au cœur, autant que physiquement. Il n’en pouvait plus. Tout aurait dû se terminer. La souffrance qu’il infligeait à Alan, celle qu’il s’infligeait également, sombre idiot incapable de se défendre et d’empêcher trop de dégâts d’être causés. Crétin.

Tu restes là, comme un enfant, à pleurer sur ses genoux. Tu restes là, à quémander silencieusement ses caresses et ses mots doux, comme un abruti instable, qui devrait cesser de se plaindre et de passer de la colère aux larmes sans aucune transition. Tu restes là, tout simplement, sans même savoir ce que tu veux. À tenir les jambes inertes de celui que tu aimes, mais pour qui tu es bien incapable d’admettre tes sentiments. Pourtant, ton cœur le crie. Alors pourquoi ne pas l’écouter ?

Oui. Si tu le pouvais, tu réparerais ce cœur. Si tu le pouvais, tu réparerais ce dos, ainsi que le reste des maux d’Alan. Si tu le pouvais, tu l’aimerais. Plus qu’il n’est permis d’aimer quelqu’un. Plus que jamais tu n’as aimé quelqu’un.

Et plus que tu n’aimeras jamais personne.
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MessageSujet: Re: jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan)   jaded, when everything you see is a blur. ✤ (roblan) EmptyJeu 29 Aoû - 17:10




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bruised and battered.

Il avait pris l'habitude. L'habitude de soigner ses blessures, le soir venant. Le soir, une fois que les projecteurs étaient coupés, et que le temps s’adoucissait. Il avait prsi l'habitude de panser ses plaies. Qu'elles soient subtiles ou grossières. Internes ou externes. Du coeur ou du corps. Il s'y était fait. Des années entières. À n'être surtout que cela, parfois. Quand Robin pensait trouver encore une fois la femme de sa vie. Qu'il ne faisait que le récupérer en morceaux, sur le pas de sa porte, le coeur brisé. Et il l'avait senti, dès le début. Et comme à chaque fois, il avait hésité à lui en toucher quelques mots. Même éphémères, voir les bonheurs de son meilleur ami se développer faisait battre son coeur autant que cela ne le serrait. Il restait là. Le pilier. Le pilier de ce palais fait de vide et de vent. Le pilier qui soutenait ce qu'il pouvait, ne bronchait que si peu quand on rajoutait encore un peu plus de poids sur ses épaules. Et qu'importe si ses fondations s'effritaient. C'était quelque chose qui ne se remarquait pas. Il se fissurait de l'intérieur. Il ne laissait voir aucune fêlure. Jusqu'à ce que tout s'écroule. Jusqu'à ce que l'édifice ne se mette à trembler et que tout ne s'effondre. Pour ne plus laisser que des gravats. La poussière et les débris de tous les rêves qu'on avait pu superposer ainsi. Les dégâts, pour seuls souvenirs. Plus de palais, plus de pilier. Juste ces morceaux effrités qui se disloquent à nos pieds, la poussière de nos solides qui est emportée par le vent. Mais il restait bien une pierre, à son endroit initial. Une dernière brique, un dernier souvenir, un fantôme de la grandeur d'antan. Et aussi petite qu'elle soit, même si on avait du mal à retrouver tous les matériaux et les liants, on tentait de reconstruire sur cette petite pierre. Qui ne demandait rien d'autre qu'un peu de paix d'âme et d'esprit. Qui n'a pas eu le mérite d'être rejetée comme toutes les autres. Les vestiges d'un temps qui s'est échappé. Des vestiges et des ruines.

Et il était de nouveau là. On avait beau avoir mis autant de ciment pour recoller les morceaux, le bâtiment était fragilisé. Les cassures se voyaient. On ne pouvait plus rien cacher. Un éclat s'écrasant à terre et l'édifice retombait de nouveau à terre. Comme un château de cartes balayé par une brise légère. Il reprenait si bien son rôle. Si naturellement. Recoller les morceaux des autres pour ne pas se concentrer sur les siens. Sur sa chute constamment menaçante. Un jour, ça sortirait. Un jour, il hurlerait. Il hurlerait, à s'en déchirer les poumons. Il hurlerait, secoué de sanglots, tétanisé sur place. Pleurer, crier, frapper, et laisser cette peine et cette rage se déverser. Un jour. Mais l'important, en cet instant, demeurait Robin. Son Robin. Même si ses yeux brillaient toujours des larmes qu'il retenait constamment. Son Loup. Il l'écoutait, le coeur battant. Son regard porté sur lui. Si protecteur, pour un être qui se serait fait bouffer le premier, jeté dans l'arène. Il se mordit l'intérieur de la lèvre inférieure. Tant à faire. C'était pas son boulot, ça. Aucune qualification. Mais il le faisait, quand on lui demandait. Obéissant sans broncher plus qu'autre chose. Son Robin qui se dégagea de ses mains posées sur ses épaules. Il battit des paupières. L'air désolé, tout en retenu. Il n'aurait pu dire qu'il "sentait" ses mains sur ses mollets. Il ne pouvait s'exprimer ainsi. Il ne sentait rien, à ce niveau, à proprement parler. Des fantômes, simplement, qu'il se créait à voir les gestes et les deviner. Des fantômes, comme celui de son Amour se lovant contre ses jambes. Sa tête posée au creux de ses genoux. Des fantômes, comme ceux de ses excuses et de ses larmes. Des fantômes, comme celui de sa culpabilité blessante, et de son coeur serré à en crever. Des larmes, comme il en voyait légèrement briller sur les joues du grand brun. Il déglutit avec peine. Il aurait préféré pouvoir le soigner d'un claquement de doigts, pour mieux le serrer dans ses bras. Se serrer dans les siens. Il expira doucement, souffle tremblant. Et ses doigts revinrent se glisser dans ses boucles. Il n'y avait que ça, pour le calmer. Tout comme il avait parfois tellement besoin, en silence, que le Hopkins le serre dans ses bras. Le serre, autant que possible. Besoin de cette force. De ça. Il déglutit. Encore une fois. Se pinçant les lèvres et les mordillant doucement. Ces larmes aux coins des yeux, qu'il tentait d'empêcher de couler. « Robin... Arrête de t'excuser... » Arrête. Rien est de ta faute. Ses doigts restaient là, dans les cheveux de son meilleur ami. Juste là, à s'y glisser doucement. À chercher à l'apaiser et le calmer. Fermant ses paupières. Chassant les papillons noirs qui s'étaient remis à voleter dans son champ de vision. Son estomac se tordit. Il éluda. Même avec ce frisson le secouant doucement, un instant.

Que pouvait-il faire de plus ? Rien. Absolument rien. Son pouvoir était si réduit. Il n'était capable de rien. Rien d'autre qu'être la cause de maux ambiants. Rien d'autre qu'être la cause des problèmes du seul être qu'il n'ait jamais tant aimé. Rien d'autre qu'être la cause d'une majeure partie de ses soucis. Rien d'autre qu'assombrir ses journées, à être aussi incapable de reprendre le fil de sa vie. Incapable de vivre normalement, dès qu'il s'inquiétait un peu. Incapable de vivre normalement, tout court. Il oubliait de se nourrir. Il oubliait à quoi tout cela rimait.

Il n'y avait qu'une seule chose qu'il n'arrivait jamais à oublier.

À quel point il pouvait l'aimer, lui.

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