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 Deux burritos dans une épicerie

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MessageSujet: Deux burritos dans une épicerie    Deux burritos dans une épicerie  EmptyDim 29 Juin - 0:07

Les minutes.
Passaient.
Lentement.

En témoignait l'horloge accrochée au mur qui narguait Gabriela. Pendant que toute sa famille s'amusait a un meeting secret, elle devait rester là, à tenir la boutique. Vendre des oranges, des slips et du déodorant. La brune mâchait son chewing gum avachie sur la caisse, les yeux perdus dans l'atmosphère bovine qu'elle avait instauré de par son inactivité. Elle finit par tendre la main, tourna le ventilateur vers et la laissa retomber mollement. Il y avait un soucis de plomberie, ou d’électricité. En tout cas le chauffage était trop fort depuis plusieurs jours. Tellement fort qu'une partie des clients partaient avant de se liquéfier ou de suffoquer entre deux rayons de serviettes hygiéniques.

Elle détourna ensuite son attention vers la télé de bric et de broc qui ne diffusait plus rien de neuf depuis longtemps. Seulement une pile de DVD des années 2000 que sa famille passait en boucle. Quelques grands classiques, Tarantino, Scorcese. Des films dont elle ne s'était jamais lassée. Tentant de s'auto distraire de la sorte, elle fut dérangée par l'agaçant tintement de la porte d'entrée. Quelque chose de claironnant, qui voulait plus ou moins dire qu'elle se devait de devenir disposée, fraiche, à l'écoute et commerçante. Aider le client, ou du moins essayer de ne pas l'envoyer chier. Du moins pas dans ce quartier ou le sourire hypocrite était une valeur sûre et surtout, surtout lucrative.

C'étai un type. Enfin du moins le pensait-elle. Elle ne voyait qu'une cagette remplie de pots colorés apparemment faits main. Elle se souvint que son père lui avait appris l'arrivée d'une commande. Il avait osé appeler ça un investissement sur l'art contemporain. Gabriela pensait plutôt que son vieux allait utiliser les poteries à d'autres fins, fins qu'elle ne voulait pas savoir. Elle leva son postérieur dans un effort herculéen et se déplaca jusqu'au porteur de terre glaise. La brune attrapa un vase au vol et le contempla d'un air critique. C'était ni moche, ni beau. Elle voyait ça tout aussi bien dans un bidonville que sur une table design en verre pour la touche authentique. Son sourcil levé, elle attrapa l'autre côté de la cagette et mena le pauvre porteur jusqu'à l'espace de travail a côté de la caisse. Une fois l'instant de galère passé, elle leva enfin le nez.

Bordel. Cette face de tortillas ne lui était pas inconnue. Elle détailla le petit regard pétillant de sangria, les cernes guacamole et sa chemise qui tenait plus du poncho qu'autre chose. L'école ? non elle n'avait jamais eu l'occasion de rester plus de 6 mois dans une école. De plus ce type ne semblait pas du genre à se faire remarquer en classe, pour cause, il avait le profil du type qui séchait. Non voilà c'était une rencontre du business. Du vrai business. Elle s'éclaira soudainement en se rappellant la bande de batman en culottes courtes que sa famille fournissait en se foutant clairement de leur gueule, attendant toujours de voir quand les zigotos allaient se faire tuer. Il y avait même eu des paris, du fonds de ses souvenirs.

" Putain SuperBranlettos !" s'exclama t-elle en se souvenant, plus ou moins volontairement, du surnom de ...Felipe. voilà. Non ? elle ne se souvenait plus bien.
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MessageSujet: Re: Deux burritos dans une épicerie    Deux burritos dans une épicerie  EmptyDim 20 Juil - 23:57

La fierté.

Il en éprouvait rarement une si grande. A part quand Zaria le gratifiait d’un regard qui n’était ni trop vide, ni trop méprisant. Ou quand son employeur faisait l’effort de cacher son dégout lorsqu’il voyait une de ses poteries pour laquelle il avait probablement gâché trois fois plus de matière qu’il n’en fallait à un potier normalement constitué.
Mais là, là il sentait qu’il avait atteint le sommet voir même la quintessence de son art.

Ils avaient une commande. Et pas la petite commande d’hommes homosexuels hein. Une commande à leur vider le stock et à leur assurer un revenu faramineux pour des années. Ou juste suffisamment pour s’acheter ce paquet de fromage râpé bon marché qu’il lorgne depuis des semaines dans la supérette du coin. Ce paquet était devenu une obsession, malgré les quelques tâches de moisissure qui le parsemaient vu les conditions de conservation foireuse. Il le convoitait, l’observait, le désirait. Pas un jour ne passe sans qu’il se colle à cette vitrine de tout son long, le nez écrasé tout contre. Peut être même qu’il aurait l’argent pour acheter les pâtes qui iraient avec, qui sait.

A l’entendre, n’importe qui aurait pu croire qu’il dormait sous les ponts avec seule nourriture les champignons qu’il cultivait entre les doigts de pied. Mais il n’en était rien en réalité. Avec la fraterie Chilton, il ne manquait à peu près de rien. Si ce n’est de pâtes au fromage et d’une couche accueillante avec, si possible, quelqu’un dedans.

Non, franchement, Felipe n’avait pas à se plaindre. A part quand il devait effectuer les livraisons et que la femme de maison en avait profité pour lui coller toutes les courses ingrates au menu desquelles figuraient papier toilette, anti diarrhéiques et surtout…. produits d’hygiènes féminins. Rien qu’à la pensée des mots barbares qu’ils verraient sur les emballages, « flux intense », « tampons ultra absorbants», « 0 odeurs », il en avait des frissons d’horreur. Si les marketeux espéraient en secret contrôler la population humaine avec ça, et bien c’était plutôt avisé de leur part.

Mais il n’en était pas encore là. Pour l’instant, il s’agissait d’acheminer la marchandise à l’espèce de droguerie/boutique fashion/épicerie du coin avec le moyen motorisé que son patron avait cru bon de lui confier : ses jambes. C’est donc d’un pas incertain qu’il déambulait dans les rues, renversant des enfants à la pelle et les enjambant en sifflotant sur un air des années 50 comme si de rien n’était, espérant ne pas se faire chopper par la mama.


« ShhhEEEeeeeeEEErry Sherry baby ! can you come on toooniggghhttt »


Ce n’est qu’après avoir pété les couilles de tout le voisinage avec cette chanson qu’il ne parvenait à extraire de sa cervelle – forcément, c’était le seul CD qu’il possédait- et surtout après avoir épuisé les dernières réserves d’oxygène disponibles dans ses poumons il finit pour le plus grand soulagement de tous par buter devant l’entrée de l’improbable boutique. C’était à la fois la caverne d’Ali baba et la boutique la plus miteuse qu’on puisse trouver. En gros, on trouvait tout ce qu’on ne cherchait pas et rien de ce qu’on voulait.

Soudain, deux mains à la force herculéenne semblèrent vouloir lui arracher sa cargaison des mains. Après quelques secondes de bataille et des pieds féminins aperçus du coin de l’œil, il en résolu que la petite vendeuse essayait certainement de l’aider et la suivit jusqu’au comptoir où il laissa la cagette se poser lourdement mais délicatement. Il ne fallait pas casser une seule de ces œuvres d’art.

Bien inconscient du fait que ses bébés transporteraient sans doute plus de poudre blanche que d’orchidées, il lança un regard fier à ceux ci avant de sursauter à la voix de bourrin qui l’interrompit dans sa démonstration d’amour maternel.
Cette voix si féminine, ce roulement de « r » porcin qui ne pouvait venir que d’un des leurs et cette bouche bonne qu’à enfourner fajitas sur fajitas, il la reconnaitrait entre milles bouffeuses de tapas.

« Putain ! the nuts-breaker… »

Les yeux écarquillés, le surnom officieux de la jeune femme s’était échappé de ses lèvres dans un souffle, signant surement l’arrêt de mort de ses maracas. Mais pour l’instant, il n’en avait cure. Il se retrouvait face à face avec celle qui leur faisait mouiller le pantalon plus facilement qu’une grosse averse et, malgré les années et les quelques – nombreux- centimètres qu’il avait fini par gagner sur elle, elle restait d’une certaine manière assez terrifiante.

Tout cela remontait pourtant à des aventures d'un autre âge dont il ne savait plus vraiment s'il devait avoir honte de les avoir faites ou de les avoir arrêtées. Car au fond de son petit coeur, un mini Che s'agitait toujours de temps à autres.

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