❝ spread your love like a fever ❞ DANAËL

C'est elle qui fait briller les yeux des gens. La lune est belle ce soir, et Raphaël se plait à contempler celle qui chaque mois pendant quelques jours le contraint à la pire des conditions possible. C'est triste, cet astre est pourtant lumineux de beauté, et c'est dans ces instants qu'il ne peut la regarder à sa convenance. Bientôt, les heures dures de la nuit viendraient, avec la soif incontrôlable du loup coulant dans les veines, la colère, l'animalité brute, incapable de se tailler dans le roc mais qui gardait sa part d'innocence. L'animal en cage prend plaisir de sa liberté, jouit de courir à pattes déployé et se couper le souffle dans une chasse à l'homme, et à la mort. C'est ainsi que sont les loups. Des bêtes aux cœurs en duel, constamment titillé par cette petite voix dans l'âme. Raphaël semblait avoir pris l'habitude, et là où certains avaient peur de la pleine lune, il l'acceptait, tel le fardeau qu'il portait en lui, parce qu'il en était ainsi et qu'il en avait toujours été comme ça. Curieusement, de ces générations actuelles qu'il voyait, le loup en voyait de nombreux téméraire, acceptant leur nature très rapidement. Sans les critiquer – il ne se serait pas permis – il ne comprenait pas. Mais voilà un homme qui venait déjà d'un autre temps, et les années avaient coulé sur sa peau comme coule l'eau de pluie sur les roches lisses des cascades. Personne ne pouvait savoir, et il était aujourd'hui rare de trouver des loups aussi vieux. En tout cas pas dans la grosse Pomme. On ne pouvait pas dire que la race était la plus épargné, et l'animal fini par ne plus supporter sa cage de verre, aussi semblable à la liberté empoisonnée.

C'était peut être ça toute la différence, Raphaël n'était pas un chasseur, encore moins désireux d'obtenir sa liberté par le sang. Il avait déjà vu ce que cette solution donnait, et la solitude ne lui plaisait guère, pas pendant toutes ces années en tout cas. D'autant que la libération avait eu un prix des plus élevé, et quitte à repayer, il ne voulait pas que ce soit quelqu'un d'autre qui prenne pour lui. La vie du loup était finalement bien fade, même si depuis cette guère et cette ascension des races puissantes, les choses étaient un peu mieux. Mais ce n'était pas comme si le jeune homme pouvait approuver à un seul instant tout ce qui l'entourait. L'odeur du sang et de la mort trainait partout dans les rues de la ville, à chaque coin d'avenues ou de ruelles, il n'était pas rare de retrouver quelques effluve sanguine sans qu'un corps ne soit retrouvé. Mais la faucheuse noire et sa faux étaient sans conteste passé dans les parages. Pas que Raph' est tout vu dans sa vie, mais il en savait assez pour ne pas apprécier cette odeur particulièrement désagréable pour l'animal en lui. C'était toujours ce qui avait tendance à faire remonter la rogne et le mettre dans un état de pur... méchanceté. Pourtant ce n'était pas une habitude, le jeune homme était tout sauf violent que ce soit en mot ou en geste, aussi cela pouvait paraître bizarre au premier abord. Cela dit, les senteurs des loups n'étaient un secret pour aucun de la même race, ni pour les vampires. Par ailleurs, ceux ci se reconnaissaient parfaitement des kilomètre à la ronde.

Notamment, pour le loup qui avait songé à passer un peu de bon temps en tête à tête avec un verre, les effluves d'un vampire dans le bar n'avait rien de très ragoutant. Mais il passa un peu outre. En fait, même si il ne les considérait pas plus que ça, Raphaël n'avait rien contre eux tant qu'il ne désobéissaient pas aux Originels. Le fait est qu'il n'allait pas prendre la mouche pour ce qui se passa à la seconde où il posa un coude au bar, sans même avoir eut le temps de poser un bout de fesse sur le tabouret. Curieusement, parce que quand même, ça avait quelque chose d'intrigant, le loup leva les yeux vers la jeune femme qui venait d'allégement lui passer devant. Oh il ne se serait pas fâché ou énervé pour un rond, même si l'odeur de sang qui régnait sur elle indiquait tout droit qu'elle était des buveurs de globule rouge. En fait, il n'avait même pas envie de se prendre la tête pour des conneries comme ça. C'était un peu comme si il s'en fichait. Il était pas à ça prêt, personne ne l'attendait nul par, il avait du temps à perdre. Cela dit, elle avait l'air d'insister. Son argumentaire lui paru un instant faussement hypocrite, mais il supposa une simple impression et la regarda avec un sourire. Pas qu'il soit naïf, il avait pas grand chose à craindre en réalité.

« Pas de souci allez-y, je suis pas pressé... »

Il y avait quand même un petit air de reproche là derrière ces mots, mais rien de bien grave ni d'insistant qui pouvait passer pour vexant, même si en l'occurrence, c'était à lui de se sentir outré. Il ne pensait pas qu'elle irait jusqu'à lui offrir un verre, et la perspective de voir une soirée en solitaire se faire s'éloignait à tire d'ailes en emportant avec elle la bonne impression de passer une nuit agréable. Mais là encore ce n'était peut être que des mauvaises ondes qui ne voulait rien dire.

« Hé bien... merci. Si c'est bien ce qu'il fallait dire dans la situation. Même si ce n'était pas vraiment la peine. Certes honnête, le loup n'allait pas refuser de se faire payer une bière. Surtout qu'elles étaient pas mal dans le coin. Fallait pas se fier à la tronche des lieux. Là pour le coup, la boisson était meilleure que le cadre du paysage, si l'on pouvait l'appeler ainsi. Que me vaut autant de sympathie ? »

Ça n'allait peut être passer aussi gentiment dit comme ça. D'ailleurs la question paraissait suspecte, mais ce n'était aucunement le cas. C'était peut être un peu histoire de faire la conversation. Raph' n'aimait pas des masses quand des blancs s'installaient de la sorte, alors il fallait bien pallier au problème, même si se ruer les pieds dans le plat était pas toujours la bonne solution.