Whisperer in the dark || PV Megan

L'odeur de la sauge brûlée emplissait mes narines. Une odeur pas désagréable en soit lorsqu'elle ne saturait pas l'air comme présentement. Envahie par une fumée blanche opaque, je toussais comme un poupée malade. Je ne sais pas pour vous... mais j'avais comme cette étrange impression de m'être plantée. J'avais vu Madame Rosenbach faire ça des dizaines de fois... et sur ces dizaines de démonstrations, je n'avais jamais ressenti le besoin d'appeler des pompiers. Et en parlant de la sorcière... en voici le bout du nez. Visiblement inquiète de ce qui se passait dans son arrière boutique, elle arriva les poings sur les hanches.

- Ariana, on peut savoir ce que tu fais? me questionna t-elle en battant l'air de ses mains, comme pour dissiper les voluptés opaques qui dansaient autour de nous.
- Je nettoie, comme vous me l'avez demandé, répondis-je de mon air candide.
- Oui... Nettoyer... avec un torchon, précisa t-elle. Madame Rosenbach semblait perdue entre le rire et l'exaspération.
- Oh... soufflais-je, soudainement prise par l'illumination divine.

Finalement, elle sembla opter pour l'exaspération et quitta l'arrière boutique en roulant des yeux. C'était tout de même pas de ma faute si il y avait eu quiproquo. A savoir que la sauge brûlée avait pour but de nettoyer et purifier. Alors forcément, quand une sorcière vous demande de nettoyer son arrière boutique... Pour moi ça me paraissait logique. Tout comme après ça me paru logique de passer le balai... après tout j'étais venue pour faire le ménage. Pas pour faire des rituels vaudou en tutu rose.

Il me fallut une petite heure pour nettoyer cette arrière salle. C'était envahi par la poussière et les cendres. Madame Rosenbach n'exagérait pas lorsqu'elle disait que c'était un vrai bordel. En plus de la paperasse qui traînaient ci et là, il y avait de nombreux objets étranges. Des objets auxquels je ne désirais pas toucher, ni frotter, ni même regarder. Pourtant, moi et mon petit plumeau, on avait pas vraiment eu le choix, hein?

Une fois fini, je retournais au magasin en éternuant. Saleté de poussières. J'étais tranquillement en train de moucher mon petit nez délicat, lorsque la sorcière m'annonça qu'elle devait partir tout de suite et que, du coup, elle me donnait l'immense privilège de fermer la boutique. Bah voyons! Ce n'était pas un privilège mais une corvée. Vous savez pourquoi? Parce que lorsqu'on est chargée de fermeture, on doit s'assurer que tout est éteint. Qu'on a bien fermé les fenêtres. On doit également s'occuper de la caisse et bien entendu, passer un dernier coup de balai. En quoi tout cela était un privilège, lorsque moi, j'étais juste censée faire la guerre aux saletés? Pourtant, j'avais accepté. La boutique fermait dans l'heure qui suivait. Ce n'était pas non plus la mer à boire. Puis elle avait su argumenté : elle comptait me payer le double de ce qu'elle devait me donner initialement.

Mine de rien, les minutes passaient rapidement. Les clients venaient à compte-goutte, mais ils étaient bien là. Ce qui m'évitait de m'ennuyer comme un rat mort. Les gens s'attardaient souvent pour regarder, pour s'imprégner des lieux. Fallait dire que l'endroit regorger de choses intéressantes. Sans compter sur cette ambiance mystique que Madame Rosenbach avait su instaurer dans sa boutique.

- Excusez-moi mademoiselle, je viens pour vous apporter un colis. L'homme qui se tenait face à moi était grand, avec une casquette sur la tête. Son regard chocolaté semblait aussi fondant qu'une fondue. Miam. Autrement dit, il était appétissant. Pour la peine, je lui adressa un sourire charmeur, papillonnant involontairement des cils.
- Malheureusement je ne suis pas la gérante donc...
De sa voix agréable et viril, il m'interrompit avec douceur.
- Cela ne pose aucun soucis, rassurez-vous.
Persuadée qu'il s'agissait d'un coursier et que donc je devais signer quelque chose, je lui demanda gentiment de patienter, le temps que j'aille chercher un stylo dans l'arrière salle. Seulement, à mon retour, il était déjà parti. Par contre le colis était toujours là... hum... étrange mais sans plus. Les gens trop pressés pour faire les choses correctement, ce n'était pas ce qui manquait. Ce fut donc dans la plus grande des insouciances que j'avais ouvert le colis. Si j'avais su...

Mes yeux voyaient mais mon cerveau se refusait de comprendre. Je sentis comme un froid m'envahir, raidissant chacun de mes muscles. Dans cette petite boîte en carton se trouvait des photographie. Des tas. Des tonnes. De moi. Moi qui fait les courses. Moi qui sort dans la rue. Moi qui mange ma sucette dans le parc. Moi qui fait la conne sur une des chaises roulante de l'hôpital. Bref. Moi. Moi. Et moi. Alors oui, je m'aime. Mais là je devais avouer que c'était flippant.

Moments figés sur du papier glacés. Des moments volés. Des souvenirs qui se cristallisent sur la ligne du temps. Je ne voyais pas ma vie défiler dans cette boîte de carton... Mais si, un peu quand même. Mon ventre se nouait et la bile me montait à la gorge. Quelqu'un m'épiait. Quelqu'un m'espionnait. Et cette personne voulait clairement que je le sache. Pour quoi? Pour me faire peur? Pour me faire comprendre qu'un danger plané sur ma petite tête blonde? C'était affreusement malsain! Mes yeux ne parvenaient pas à se détacher de ce spectacle d'horreur. Car soyons clair... C'était horrifiant de voir la facilité avec laquelle un individu s'était infiltré dans ma vie. Puis soudainement, plus rien. Cette vision d'horreur s'effaça de mon regard mais pas de mon esprit. Une voix. Une voix féminine se fraya un chemin entre mes deux oreilles. Encore un peu déboussolée par cette découverte, je levais mes yeux clairs en direction de cette inconnue.

Je l'avais entendu, toutefois, ces mots avaient un mal fou à se faire comprendre. Mon cerveau s'était déconnecté et il avait clairement des difficultés à mettre en route ses neurones. La bouche entre ouverte, figée dans la glace, je devais paraître incroyablement blonde, ou sourde, ou les deux.

- Pardon? demandais-je pour qu'elle répète sa phrase. Cependant, ces paroles à peine prononcé que tout reprit son sens. Question stupide. Question idiote qu'elle venait de me poser! Bien entendu que non, ça n'allait pas. Allô! J'étais devenue le joujou d'un détraqué! Secouant faiblement ma tête de gauche à droite, je tentais de me reprendre. Ce n'était pas sa faute. Je ne devais en aucun cas reporter ma frustration sur cette pauvre femme qui, au final, ne faisait que s'inquiéter. Je... oui, tout va bien.

Mentir, c'était pas bien. Mentir, c'était vilain. Mais que pouvais-je répondre d'autres? Sans compter que je devais tenir le magasin. Traduction? Met de côté la bile qui obstrue ta gorge et comporte toi comme une professionnelle, Ariana! Tentant donc de garder la tête froide, j'attrapais le colis que je rangeais sous le comptoir. Je réglerais ce détail dans quelques minutes. Quand je serais seule et... Oh mon dieu... Je serais seule. Seule de chez seule... Et si il traînait encore dans les parages? Si il n'attendait que ça? La chair de poule hérissa les bras de mon bras. Brouh.

- Vous aviez besoin d'un renseignement mademoiselle? Je suis à votre écoute. En bonne commerçante improvisée que je me devais d'être, mes lèvres s'étirèrent pour former un sourire qui se voulait chaleureux. Manqué! J'étais persuadée de me farcir un sourire de constipée. Cette boutique regorge de produits rares qui, j'en suis certaine, sauront vous satisfaire. C'était une phrase toute faite, que la gérante m'avait supplié d'apprendre. Je la balançais, comme on balance un poème quand on se retrouve au tableau en face de toute une classe. On ne veut qu'une chose : que ça se finisse vite. 

Puis la cloche tinta.... Cette petite clochette tellement significatif qui indique qu'un client était entré. Par réflexe, mon regard se détourna de la grande brunette pour se poser sur le nouvel arrivant. Un homme de grande taille, avec une veste en cuir, des cheveux d'un noir de jais et un regard meurtrier qui m'aurait incité à me pisser dessus si je n'avais pas été faire ma pause biologique la demi-heure d'avant. Je ne sais pas pour vous... Mais j'avais cette étrange impression que je venais de trouver mon homme... Enfin pas l'homme de ma vie. Mais l'homme psychopathe, quoi. Vous aviez compris, nah? Mes joues pâlirent et je déglutis ma salive avec difficulté. La peur rendait mes mains moites et faisait danser mon coeur sur un tempo endiablé. Que faire?