You're a hot mess || Pv Coraline

Grand et imposant. Il entra dans le loft avec toute les facilités du monde. Il n'avait pas besoin d'invitation. Il n'avait pas besoin d'être attendu. Elkan allait où il voulait quand bon lui semblait. Confiant et charismatique. Le bout de ses grandes semelles le guidaient jusqu'au salon. Les sens aux aguets, il tentait de percevoir le moindre signe de vie. L'endroit semblait vide, aussi vide que son coeur congelé par les désillusions. Pour autant, il appela la supposé fantôme hantant ce lieu. D'une voix chaude, il appelait Coraline alors qu'il rangeait son kit de crochetage bien au fond de sa veste en cuir. Aucune réponse, à part ce silence apaisant qui finit par l'envelopper avec tendresse. Parfait.

Elle était devenue son obsession. Elle était devenue l'objet de sa fascination. Jamais encore il n'avait vu un cas tel que le sien. Jamais encore, il n'avait rencontré un phénomène tel que le sien. Il désirait des réponses. Il désirait en savoir d'avantages sur cette femme. Sa vie. Son histoire. Sa mort. Comment elle vivait sa non-vie. Comment elle parvenait à gérer ce minime équilibre entre le monde des vivants et celui des oubliés. Morte mais pas totalement. Elle errait là sans but réel. Pourtant il devait y avoir une raison. Elkan le savait. Rien n'était réellement du au hasard. Il était déterminé à avoir le fin mot de l'histoire. Il était déterminé à lever le voile sur ce mystère. Il ne comptait pas reculer. Le sorcier était du genre tenace. Au contraire du maître corbeau, son fromage, il ne comptait pas le laisser tomber entre les pattes du renard. C'est pourquoi il avait fait des pieds et des mains pour obtenir cette adresse en particulier. Un fantôme ayant son propre loft? Vous y croyez, vous? Le sorcier en avait longtemps rit, encore incrédule. Les fantômes hantaient les lieux... Ils ne les habitaient pas.

Se laissant emporté par sa curiosité, il commençait à fouiner les lieux, à la recherche d'éléments nouveaux. Le salon. La chambre. Et la cuisine. Oh oui. La cuisine. Il espérait vraiment qu'il y ai de quoi se faire un bon café. Il ne concevait pas une bonne investigation sans sa tasse de caféine. Chacun sa drogue et sa dépendance. Mais soyons honnête. Elkan avait tendance à les accumuler au fil des années. Cigarettes. Cafés. Alcools. Les femmes. Tout était bon pour oublier. Tout était bon pour combler ce vide instable et tenace qui le tiraillait. Il était encore à la recherche de son élixir anti-nerf à vif lorsqu'il perçu un bruit de porte. Un grincement léger mais suffisamment audible. Abandonnant son investigation du moment, il arriva dans le salon avec les mains dans les poches. Sa nonchalance n'avait d'égal que sa grandeur et son charisme déroutant.

- La porte était ouverte, se justifia t-il alors qu'un grand sourire de gamin étirait ses lèvres.

Elle était devenue l'objet de ses réflexions. Elle était devenue un mystère qu'il devait résoudre. Elle était la plus belle anomalie qu'il lui avait été donné de voir. Elle s'appelait Coraline.

Elle était assise chez elle, dans le loft qu’elle occupait, ou plutôt, hantait. Combien de temps pourrait-elle y rester ? Elle l’ignorait, jusqu’à ce que quelqu’un décide d’y vivre, de le louer ou de l’acheter. Et là elle devrait composer avec les nouveaux arrivants, tenter de ne pas trop les effrayer tout en supportant leur présence, ou s’en aller et trouver un autre endroit où vivre. C’était triste, mais c’était ainsi. Après tout, elle était morte, s’attacher à un lieu ou un autre n’était pas une bonne idée, mais la perspective de se retrouver à la rue, sans endroit où aller, où se sentir en sécurité n’était pas vraiment enthousiasmante. En attendant, elle en profitait. Mais le sentiment de sécurité ne dura guère lorsqu’elle comprit que quelqu’un était en train de forcer la porte d’entrée. Cédant à un mouvement de panique, elle se volatilisa pour réapparaître dans la salle de bain, où elle resta cachée.

C’est avec la plus grande surprise qu’elle reconnut la silhouette d’Elkan à travers la fine ouverture de la porte. Elle aurait pu s’attendre à tout, ou presque, mais pas à lui. Elle était venue le voir un jour, ayant entendu parler de la connexion qu’il entretenait avec les morts et espérant qu’il pourrait lui venir en aide. Malheureusement, elle avait bien senti que, même pour lui, elle était une exception, quelque chose qu’il n’avait encore jamais rencontré et sur lequel il ne savait pas grand chose. Elle n’avait su que penser de lui, et elle le savait encore moins à présent qu’il venait d’entrer par effraction chez elle. Il l’appela, elle tressaillit mais ne répondit pas. Elle souhaitait d’abord savoir ce qu’il voulait, ce qu’il cherchait. Il n’avait pas frappé, ni sonné à la porte et elle voulait savoir pourquoi. D’autant plus qu’elle ne savait pas si elle devait ou non lui faire confiance : oui, quelque part, il l’intriguait, mais il était un sorcier et elle avait tendance à s’en méfier comme de la peste, d’autant plus lorsqu’elle en voyait un agir de manière aussi étrange.

Elle se mit à froncer les sourcils lorsqu’elle le vit commencer à fouiller. Elle craignit un moment qu’il ne se dirige vers la salle de bain, mais heureusement il n’y passa pas, pas encore du moins. Ses intentions lui paraissaient extrêmement obscures, et elle finit par décider qu’elle en avait assez vu. Elle poussa la porte afin de signaler sa présence, puis apparut juste devant lui, tentant de prendre un air menaçant. Malheureusement, se montrer effrayante était loin d’être son principal talent, et ce malgré le fait qu’elle soit un fantôme.

« Menteur ! Je n’ouvre jamais, je n’ai pas les clefs. » dit-elle sur un ton lourd de reproches.

Elle n’aimait pas vraiment qu’on s’introduise ainsi chez elle. Mais face à son sourire de gamin et à son attitude nonchalante et pleine d’assurance, elle devait bien admettre qu’elle avait du mal à conserver toute sa contenance et à adopter une attitude ferme. Elle aurait voulu pouvoir faire réellement peur, savoir se défendre et ne pas se montrer si hésitante ou effrayée. Tentant de se montrer toujours aussi sûre d’elle, ce qu’elle n’était pas, elle alla droit au but.

« Qu’est-ce que vous faites ici ? Qu’est-ce que vous cherchez ? » Elle soutint son regard, faisant de son mieux pour ne pas montrer qu’elle n’était pas franchement rassurée.  

Elle était devenue l'objet de ses réflexions. Elle était devenue un mystère qu'il devait résoudre. Elle était la plus belle anomalie qu'il lui avait été donné de voir. Elle s'appelait Coraline et elle se trouvait face à lui. Ses yeux clairs la sondèrent alors de haut en bas, comme pour s'assurer que c'était bien celle qu'il cherchait. Ses yeux clairs la sondèrent de bas en haut, comme pour s'assurer qu'elle se trouvait bien là. La colère qui émanait de ce petit bout de femme ne la rendait que d'autant plus ravissante. Mais sous ce masque, il pouvait sentir en elle la femme fragile qu'elle était. Il n'était pas détective privée pour rien. Gardant ses mains dans les poches de sa veste en cuir, il l'écoutait, non sans se répartir de son grand sourire de gamin. Elle l'amusait. La situation l'amusait. Un rire se déploya au fin fond de sa gorge lorsqu'elle affirmait qu'il était un menteur. Soit. Il était démasqué.

- J'aurais du m'en douter, se contenta t-il de répondre sans éprouver le moins du monde le besoin de se justifier sur sa présence ici.

Lui, il se demandait si elle traversait les murs ou si elle se téléportait. Elle, elle lui  demanda ce qu'il pouvait bien faire là. Toujours aussi imperturbable, le sorcier avança de quelques pas. Suffisamment en tout cas pour combler la distance qui le séparait de Coraline. La surplombant de toute sa hauteur, il plantant son regard brûlant dans ceux de la fantôme. Il empiétait sur son espace personnel. Il avait envahit volontairement la bulle personnelle du fantôme. Il cherchait à tester ses limites.

- Je cherchais du bon café, pendant que j'attendais patiemment votre venue, Coraline. Ce qui n'était pas faux, bien qu'il savait pertinemment que ce n'était pas la réponse souhaitait.

Délogeant sa main du fin fond de sa poche, il attrapa avec douceur une boucle rebelle qui barrait le visage de Coraline, pour ensuite la placer derrière son oreille. Parfaitement conscient qu'il restait un homme charmant, il décida d'en jouer en lui décochant un sourire qui en faisait fondre plus d'une.

- Je ne voulais pas vous effrayer, affirmait-il alors que ses doigts glissèrent en une caresse subtile le long de sa joue. Une caresse presque imperceptible qui se perdit dans l'oublie aussi rapidement. Je voulais parler avec vous. En savoir plus sur votre condition. Sur votre mort. Afin de vous aider... Si vous me le permettez, bien entendu.

Elle ne savait que penser de lui. Elle venait de le surprendre en flagrant délit. Et pourtant il était là, face à elle, à la fixer d’un regard qu’elle avait du mal à soutenir. Et pourtant, elle s’y efforçait, le jaugeant de ses prunelles émeraudes dont l’éclat reflétait toute la méfiance qu’elle pouvait éprouver envers lui, ainsi que, elle l’espérait, de la colère et de l’assurance. Mais elle commençait à connaître ses réactions, savait que si la colère avait réellement été forte, les objets autour d’eux, tremblants, en auraient été les témoins. Non, elle n’était pas furieuse. Elle était inquiète, elle était curieuse. Elle ne comprenait pas, ce qu’il voulait, ce qu’il lui voulait. Elle craignait les sorciers plus que les autres, mais elle savait également qu’il possédait peut-être des informations que les autres n’avaient pas, qu’elle-même n’avait pas. Elle était unique à sa connaissance, ignorante de tout ce qui concernait sa condition. Et lui, en savait-il plus qu’il ne le lui avait dit jusque là ? Ses intentions étaient-elles claires ? Elle avait bien du mal à y croire, maintenant qu’il se trouvait là, chez elle, sans y avoir été invité.
Elle attendait une réponse, une explication, une justification. N’importe quoi d’un tant soit peu logique qui puisse expliquer sa présence face à elle. Mais rien ne vint. Elle continuait de l’observer, tentant de deviner ses intentions et de ne pas s’emporter face à son sourire mutin. A quel jeu jouait-il ? Elle se préparait à bien des choses de sa part, mais certainement pas à ce qui suivit.

Il approcha, soudainement. Trop près, bien trop près. La fantôme sentit toute sa belle assurance fondre comme neige au soleil pour laisser place à un profond malaise, suivi de l’incertitude sur la manière dont elle était supposée agir. A quoi jouait-il, une fois encore ? Elle se contraignait à soutenir son regard, bien qu’elle se trouve désormais obligée de relever la tête pour cela. La manière dont la scrutait Elkan la perturbait profondément, bien qu’elle préférât se convaincre que c’était l’incongruité de sa présence seule qui avait cet effet sur elle.

« Je... je ne sais pas si j’en ai... je ne bois pas... » réussit-elle à balbutier, non sans peine.

Elle ne sut comment elle réussit à comprendre ce qu’il lui disait, ou à articuler ces quelques mots en une phrase à peu près cohérente. Il allait se reculer, n’est-ce pas ? Il allait repartir, non ? Elle vit sa main venir à elle, petit à petit, pour toucher une mèche de ses cheveux, puis sa joue, légèrement, brièvement. A ce contact, elle ne put s’empêcher de tressaillir, et finit enfin par baisser les yeux et reculer, cédant à ce qui semblait être un jeu dont elle ne comprenait pas les règles, un jeu qu’elle avait peut-être perdu. Mais une fois éloignée, elle put retrouver un peu de sa contenance, et de sa méfiance surtout.

« Je peux vous raconter ce que vous voulez, mais je ne comprends pas comment ça peut vous permettre de m’aider... » répliqua-t-elle, toujours un peu hésitante. Elle recula encore jusqu’aux placards de la cuisine afin de mettre un peu de distance entre eux, et surtout de pouvoir s’occuper à quelque chose, oublier qu’il la regardait, même si c’était pour quelque chose d’aussi trivial que chercher du café. Lui tournant le dos, elle se mit à fouiller, essayant autant que possible de se concentrer sur ce qu’elle faisait.  

Fascination déroutante. Il voyait en Coraline une exception insoupçonnée. Fascination dérangeante. Il voyait en Coraline une anomalie ignorée. Elle était morte et pourtant si vivante. Il se dégageait de Coraline une fragilité qui ne le laissait pas de marbre. Le trouble qui la gagnait lui conférait un charme déroutant. Il se dégageait de Coraline une douceur qui ne le laissait pas de glace. Elle semblait si innocente... Elle était si humaine... Mais elle était morte. Elle n'était pas censée être là, à vaquer entre les deux mondes. Elle méritait de connaître la paix. Elle méritait d'avantages que de se retrouver là, à chercher du café qu'on le savait tous, ne se trouverait nul part. Si au moins il savait pourquoi elle se trouvait encore ici. Si au moins, il possédait une piste. Un élément sur lequel s'accrocher pour toucher du bout des doigts une vérité qui le démange. Que faisait-elle encore dans ce monde? Pourquoi pouvait t-elle  toucher? Pourquoi pouvait t-elle être touchée? Et pourquoi était t-elle aussi belle? Ce monde recelait de mystère. Ce monde recelait de données inconnues. Elkan voulait être celui qui détiendrait la vérité. Elkan voulait nourrir sa curiosité. Fascination obsédante. Fascination troublante. De ses pas de géant, il rejoignit la fantôme, se plaçant à ses arrières. Il empiétait sur son espace personnel. Encore. Il s'en rendait compte mais ne s'éloigna pas pour autant. Elle essayait de mettre une distance entre eux. Il le savait. Cela ne changea pourtant rien au fait qu'il attrapa les mains de Coraline pour qu'elle cesse de chercher vainement.  Incroyable. Incompréhensible. Le fait qu'il puisse ainsi la toucher dépassait la logique. Le fait qu'il puisse ainsi la toucher dépassait sa logique. Toute sa vie, il avait vu des fantômes. Toute sa vie, il avait côtoyé de près la mort. Jamais encore il n'avait vu pareil cas que Coraline et il ne cessait de s'en émerveiller.

- J'ai déjà fouillé, mais je n'ai rien trouvé, glissa le sorcier à son oreille.

Il aurait pu lui donner cette information de loin. Il aurait pu rester à sa place. Il le savait. Tout comme il savait que ce n'était qu'une question de secondes avant que la fantôme ne cherche une échappatoire. Cette perspective l'amusait, à vrai dire. La voir ainsi se faufiler alors qu'il ne cherchait qu'à l'aider. Ses grosses pattes massives lâchèrent leur emprise sur les petites mains délicates de la fantôme. Pour autant, elle n'était pas tranquille car il alla les poser sur les frêles épaules de Coraline. Dans un mouvement ferme mais néanmoins délicat, il intima la demoiselle à se tourner vers lui. Il la dominait de sa grande taille, toutefois, il ne cherchait pas à l'intimider. Au contraire, il chercha à la rassurer en lui adressant un sourire bienveillant bien qu'au fond de ses iris, une lueur d'amusement pétillait.

- Et si on allait parler de tout ça autour d'un verre? finit t-il par demander.

Cette proposition n'était pas si anodine qu'il le laissait paraître. Elkan voulait connaître tout les détails de sa vie et de sa mort. Il le savait, c'était beaucoup demander. Il allait devoir s'infiltrer dans sa vie, dans ses souvenirs. Il allait devoir remuer un passé douloureux. La douleur de ne plus être. La douleur de l'absence. Les gens qu'elle avait aimé. Les gens qu'elle avait du laisser derrière elle. Il pouvait deviner ce vide qu'elle devait ressentir au fond d'elle. Il se douter de ce creux béant qui devait remplacer son coeur. Alors... Si il pouvait apaiser cette peine avec quelques verres d'un bon vin, pourquoi se le refuser?

Relâchant la jeune femme, il se recula pour enfin lui laisser son espace personnelle. Il cessa son intrusion dans sa bulle pour lui laisser le temps de réfléchir à sa proposition.

Il était là, présence aussi déroutante que dérangeante dans sa propre maison. Ou plutôt, celle qu’elle hantait, comme pour lui rappeler que, où qu’elle aille, elle était condamnée à ne jamais être vraiment chez elle. Il était là et elle ne savait comment se comporter face à lui. Il agissait d’une manière qui la perturbait autant qu’elle l’intriguait, incapable qu’elle était de savoir s’il jouait seulement un jeu, ou si elle devait le considérer comme un réel danger. Dès l’instant où elle avait frappé à sa porte, ou plutôt était apparue devant lui, elle avait su les risques qu’elle prenait : il était sorcier, il avait un lien non négligeable avec la mort. S’il pouvait lui apporter des réponses, il avait également le pouvoir de lui nuire. C’était un risque qu’elle n’aimait pas courir. Elle était peut-être morte, mais elle avait entendu parler de choses affreuses qu’on était susceptible de lui faire. Entre autres l’exorcisme, la mort pour les morts en somme. Quelque chose qu’elle aimait mieux éviter. Chercher du café, occupation aussi banale que possible, mais qui permettait de le maintenir à distance. Du moins, elle le croyait. Elle se figea, le sentant juste derrière lui, de nouveau. N’avait-il pas la moindre conscience de sa sphère intime ? Ou bien, il en jouait. Elle sentit son souffle se couper, incapable de savoir comment réagir et tressaillit en sentant l’emprise des mains du sorcier sur les siennes. C’était étrange. Elle pouvait toucher, être touchée, et pourtant il n’était pas rare que les vivants évitent ces contacts. Comme si son état était contagieux, comme si cela signifierait se confronter à une réalité qui n’aurait pas dû être. Il était près, si près. Beaucoup trop près. Comment devait-elle réagir ? S’éloigner ? Impossible, elle était prise au piège. Disparaître ? A vrai dire, elle n’eut pas la présence d’esprit d’y songer, ni de réfléchir à quoi que ce soit d’autre d’ailleurs. Elle frissonna lorsqu’il se pencha davantage vers elle, lui murmurant quelques mots à l’oreille.

« Pourquoi vous m’en avez demandé dans ce cas ? » Malgré la tension, une pointe d’agacement se refléta dans sa voix. Un agacement qui aurait été bien plus prononcé si elle avait pu faire taire cette crainte qui l’habitait encore, et que même le sourire enfantin d’Elkan ne parvenait à dissiper.

Elle aurait voulu qu’il la lâche, sans oser le demander. Le dire à voix haute aurait signifié perdre du terrain, elle le sentait parfaitement. Lorsqu’elle crut qu’il lâchait enfin son emprise, ce fut finalement pour le voir la reprendre autour de ses épaules, la poussant à se retourner, à le regarder. Et être ainsi face à lui était presque pire, parce qu’il lui fallait soutenir son regard, reprendre contenance, ne pas trop laisser paraître ses craintes. Elle sentait que son sourire ne se voulait pas mauvais, mais il y avait quelque chose en lui qui la troublait profondément, comme une face cachée qu’elle ne parvenait pas à percevoir. A moins que tout ne vienne d’elle, elle n’aurait su le dire. Il était encore trop tôt pour qu’elle puisse prendre un tant soit peu de recul et réfléchir à ce qu’elle pensait réellement de lui. La proposition qu’il lui fit eut de quoi la surprendre et la fit hausser les sourcils tandis que ses prunelles émeraudes exprimaient un réel étonnement.

« Comme vous voulez, mais je vous signale que je ne peux pas boire. Vous allez passer pour un dingue qui parle tout seul, mais à votre guise. » rétorqua-t-elle avec un haussement d’épaule.

A vrai dire, elle n’était pas certaine que l’idée lui déplaise, au contraire. Elle n’était sortie de cette manière avec personne depuis bien longtemps, et pour cause ! Si certains pouvaient la voir, ce n’était pas le cas de tous et qui aurait voulu passer pour fou ? Sa présence posait d’autres problèmes de logistique, mettait mal à l’aise lorsqu’il s’agissait de manger ou boire. Alors, elle s’en passait, la plupart du temps. Mais puisqu’il ouvrait cette porte, elle allait la franchir, d’autant plus qu’elle se sentirait sans doute davantage à son aise dans un lieu extérieur. Elle se volatilisa pour réapparaître dans l’entrée de l’appartement, puis ouvrit la porte.

« Alors, vous venez ? » demanda-t-elle, un peu amusée, avant d’ajouter « Où est-ce que vous comptez m’emmener ? »  

 Séduire. Jouer de ses charmes... Il n'avait pas toujours été ainsi. Séduire. Jouer de ses charmes... Fut une époque où il était à dix milles lieux de tout ça. Fut une époque où il était un fiancé aimant et fidèle. Fut une époque où l'idée même de regarder les autres femmes ne lui venait pas à l'esprit. Fut une époque... lointaine. Sans attache, il était devenu cet être au charisme imposant qui n'hésitez pas à utiliser son sourire comme d'une arme de persuasion.

Avec Coraline, il le savait... Il lui faudra bien plus qu'un sourire pour en savoir plus sur elle. Avec Coraline, il le savait... Il allait devoir s'armer de patience. Un jeu qui lui plaisait. Un jeu qu'il prenait au sérieux. Un jeu qui n'avait pas de règles. Juste un objectif : l'aider à comprendre ce qu'elle était et ce qu'elle faisait là.  

U.C