This is the end ? ▲ LA MOISSON DES ÂMES (les adieux)

Les tempes enfermées entre mes deux paumes, j'observe d'un regard égaré les tuiles usées qui tapissent le sol de cette pièce fermée, sans fenêtre. Seul le plafonnier éclaire les murs blafards de cette prison. Je suis ici depuis combien de temps? Des heures? Ça me semble comme des jours, voir des mois. J'ai ragé, pesté, frappé tout objet sur mon passage. Je repasse encore et encore cette scène déchirante dans ma tête... Celle où j'ai entendu mon nom être prononcé par l'hôte de la Moisson des Âmes, celle où j'ai cherché avec désespoir ma frangine, celle où je l'ai étreint une dernière fois. Tous ces regards de pitié posés sur nous, alors qu'ils se réjouissaient de ne pas être à notre place. Ces prises insistantes qui nous ont malgré nos efforts séparés... Ma mâchoire se solidifie et je peste en silence contre les Originels. Les larmes qui ont coulé sans retenu le long de mes joues sont maintenant séchées, n'ayant même pas eu la force de les dégager. Je suis en déni. Je refuse de croire que j'allais devoir me battre à mort dans une arène, devant tous les habitants de New York, devant mes plus grands ennemis. Je refuse de mourir de la sorte. J'espère au moins qu'ils allaient m'offrir un moment et les accessoires pour me coiffer et me maquiller! De quoi aurais-je l'air sinon?

J'entends la poignée de la seule porte de sortie tourner sur elle-même. Je lève instinctivement la tête, sentant une vague de panique me parcourir le corps. Déjà? C'est déjà l'heure d'y aller? Mon dos se compresse un peu plus contre le mur derrière moi alors que j'entoure mes jambes que je colle contre ma poitrine. La porte s'ouvre et je constate. Mes muscles se détendent instantanément alors que la voix de Dylan me vient jusqu'aux oreilles. Je retrouve de la vigueur, saute sur mes jambes et m'approche. « Dylan, » que je murmure alors que je la rejoins. Sans plus de cérémonie, je l'entraîne dans mes bras. Il s'agit bien de la seule personne que je désirais voir à ce moment... Je ne peux remercier suffisamment quiconque était responsable pour me permettre de la voir et lui parler une dernière fois avant... enfin, avant que je parte.

Je contrôle tant bien que mal les tremblements qui me secouent le corps, me sentant soudainement vulnérable. Pourtant, je devrais rester forte, courageuse, la tête bien haute. Il s'agit d'une occasion en or pour prouver aux Originels que nous étions plus que de simples vampires d'égouts! Mais je demeure effrayée... Une enfant qui craint de se faire surprendre par les monstres sous son lit... Je relâche mon étreinte contre ma soeur et recule la tête afin de l'observer. Rester forte. Rester confiante. Mais je n'y parviens pas... Pas avec elle. Je sens mon visage se tordre, ma gorge se serrée. « Je... je sais pas si je vais y arriver... » que je déclare de ma voix incertaine. J'ai si peur! Si peur de souffrir, si peur de la quitter, si peur de perdre le visage devant tous ces gens. Je ne suis pas destinée à ça! Nous étions supposées vivre des siècles, révolutionner le monde, faire tomber les Originels de leur trône et vivre nos vies libertines comme nous savions si bien le faire! Je doute de moi-même, car je suis faible sans mon âme soeur. Je ne suis rien sans elle.