"I Got a Crush on You, Baby" [Briséis & Heathcliff]

❝I HAVEN’T EXPECTED TO BE OUT SO LATE❞

( c) texas-flood

Briseis observa avec appréhension la nuit tomber à travers la fenêtre du bar/pub où elle travaillait. Un petit job honnête qui lui permettait de survivre mais qui avait la fâcheuse de tendance de toujours lui prendre du temps libre alors que ce n’était pas prévu. Ce soir là, elle s’était bien attendu à finir pour neuf heures mais c’était sans compter sur les soirées spéciales qu’organisait le patron. Ce dernier lui avait demandé de rester plus longtemps et Briseis ne sachant pas dire non avait accepté... Mais s’en mordait les doigts à chaque seconde où ses yeux se posaient sur le ciel s’assombrissant toujours un peu plus. Stressée, elle naviguait dans la salle, évitant les obstacles qui se dressait sur sa route pour servir chaque client. Appliquée, elle faisait attention à ne pas trop servir ceux qui étaient déjà bien imbibés. Nul doute que le patron n’apprécierait pas cette initiative mais Briseis le faisait avec un bon sentiment : ce n’était ni bon pour l’image de l’endroit, ni bon pour ces pauvres créatures en détresse et encore moins pour elle puisqu’elle serait forcément obligée de nettoyer tout ce qui n’allait pas. Oui, la jeune femme avait beau être d’une grande générosité, elle se rendait toutefois compte que parfois, certaines choses étaient dans l’intérêt de tous. Alors qu’on la hélait pour une énième bière, elle envia un instant ces femmes qui parvenaient à embrasser un homme qu’elles avaient manifestement rencontré quelques minutes plus tôt à peine. Cette manière de faire la fascinait tout en éveillant en son sein un sentiment de répulsion et de dégoût. Oui, l’une de ces bondinettes aux cheveux impeccables venait d’entraîner sa proie à sa suite à l’extérieur. C’était... Répugnant. Comment une femme pouvait-elle se faire ça ? Avec un inconnu ? Pourquoi elle, elle ne le pouvait pas ? A la fois envieuse et en colère de voir une congénère s’envoyer en l’air avec n’importe qui, l’humaine fut rappelée à l’ordre par un nouveau client.

Le servant aussi vite que possible, la brune se trouvait soudain accaparée par une salve de commandes. A court de verre, Briseis se pencha pour ouvrir un placard et piocher dans la réserve. Quand elle se releva, ses yeux croisèrent ceux d’un homme, et le temps s’arrêta. Son rythme cardiaque accéléra, son coeur tambourinant, pompant le sang, liquide vital si précieux pour un assoiffé. Le regard qu’il lui lançait était... Hypnotisant. Elle ne put expliquer cette sensation étrange qui l’attirait irrémédiablement vers lui. Le geste suspendu, elle ne reprit ses esprits que lorsqu’il brisa le contact visuel. Un peu perdue et embrouillée, elle se prit plusieurs remarques peu avenantes de la part des clients qui attendaient d’être servis. S’excusant platement, la jeune femme tendit le verre à l’un de ces hommes prétentieux qui se croyaient tout permis. Intriguée, elle tourna la tête vers celui qui l’avait tant dérouté quelques secondes plus tôt. Il était toujours là. Ne voulant pas se montrer impolie, elle lui adressa un sourire chaleureux jusqu’à ce qu’elle ne comprenne que ce client n’allait pas bien. Sa collègue ou le patron avait dû trop lui accorder de boisson. Fronçant les sourcils, elle essayait de comprendre ce qu’il avait alors elle se rapprocha pour lui poser la question. "Excusez-moi ... Je ... Je ne peux plus respirer. S'il vous plait, ... aidez-moi !" Briseis n’eut que quelques secondes pour réagir. « Aidez cet homme, vite ! Avant qu’il ne se blesse ! ». Le voisin assis là tourna la tête suffisamment tôt et eut le réflexe bienheureux de le rattraper avant qu’il ne touche le sol. Inquiète, Briseis contourna le comptoir du bar et rejoignit l’homme pour l’aider à soutenir le corps inconscient. « Il faut l’emmener dehors ! » indiqua-t-elle, se moquant bien des regards que les autres leur lançaient.

Une fois à l’air libre, elle demanda à ce que l’on veille sur lui le temps qu’elle ne revienne avec un verre d’eau et un chiffon mouillé. Ce n’était pas grand chose, mais cela suffirait probablement à le ramener à la conscience. « Monsieur, vous m’entendez ? » questionna-t-elle plusieurs fois, observant ce corps vampirique affaibli par la soif et la douleur d’un passé oublié. Un vampire dont elle ne soupçonnait pas la réelle nature. S’ils existaient, ils étaient rares dans ce coin. C’était le seul quartier de New-York où l’espèce humaine était préservée. Tombée du bon côté de la barrière, la nuit n’en était pas moins dangereuse. « Monsieur ? ». Angoissée, elle espérait de tout son coeur qu’il reviendrait à lui. Epongeant son visage avec douceur, elle rafraîchissait comme elle le pouvait. Le remède n’était peut-être pas le bon, mais l’intention était là. « Doucement, vous êtes devant le bar. Vous avez fait un malaise. » Elle ne se méfiait pas. Son regard inquiet témoignait silencieusement de toute son humanité conservée. Loin de se laisser choir dans une décadence propre à l'Homme lorsqu'il pensait tout espoir perdu, elle se tenait près d'un prédateur sans se douter que peut-être, il lui voudrait du mal. Mais le mal existait-il vraiment ? Ce n'était pas un tueur en série qui lui faisait face mais un homme en position de faiblesse. Peut-être le pire prédateur de tous.

❝WOW. YOU ARE REALLY SICK!❞

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Briseis eut le temps de voir le corps de l’homme basculer et un client put amortir sa chute de justesse. Les sentiments s’emmêlés : crainte, inquiétude, volonté de lui venir en aide même si elle n’était pas médecin. Bondissant devant le comptoir, elle aida à l’emmener dehors. Ici, pendant ces soirées un peu festive, l’air pouvait vite manquer. Les malaises n’étaient pas courant mais ils arrivaient tout de même. Assise à côté du corps que l’on avait transporté dans la rue, la jeune femme tentait de le réveiller avec douceur, à l’aide d’un linge mouillé. Un curieux lui conseilla de lui mettre « quelques baffes bien placées » mais Briseis était incapable de violence. Et préférait rafraichir le visage qui avait l’allure d’une statue de marbre, de ces figures éternelles et étranges que l’on voyait dans les lieux jadis décorés avec goûts. Tamponnant avec douceur la peau délicate et blafarde, elle mettait cette étrange impression d’éternité qui émanait du vampire sur le malaise lui-même. Continuant de lui parler, elle le vit rouvrir les yeux. Heureuse, un sourire se dessina sur ses lèvres avant de finalement s’inquiéter : était-ce juste un malaise ou bien cet homme couvait-il quelque chose de bien plus grave ? Le questionnant, elle songea bientôt qu’il pouvait avoir perdu ses repères : avant de tomber, il était dans un bar et voilà qu’il se réveillait dans la rue. Concernée, elle lui expliqua alors où il se trouvait et pourquoi. Là, il se redressa brusquement, obligeant Briseis à reculer du même coup. Accroupi, elle le sentait prêt à fuir et l’incompréhension se refléta dans son regard noisette et elle amorça un pas vers lui quand elle le vit grimacer. Sa tête apparemment le faisait souffrir. S’était-il quand même blessé, malgré toutes les précautions qu’ils avaient prises pour sortir d’ici ? Le temps qu’elle réfléchisse à comment cette éventualité aurait pu survenir, l’homme bascula à nouveau sur le côté.

Cette fois, Briseis n’hésita pas et se rapprocha de lui, gardant quelques pas de distance. « Avez-vous un nouveau malaise ? » demanda-t-elle, une main posée sur son coeur. Définitivement inquiète, elle le vit se redresser à nouveau. Il semblait souffrir au niveau du ventre à présent. Elle ne comprenait pas ces symptômes. De quoi cet homme pouvait-il bien souffrir ? La tête ? Le ventre ? Fronçant les sourcils, elle nota seulement à quel point elle semblait soudain... Seule. Elle ne le réalisait que maintenant : l’autre homme était rentré dans le bar et les curieux avaient déserté, comme mis en fuite. Venait-elle de se mettre en danger ? Cet homme agissait bien trop étrangement et malgré toutes ses précautions peut-être était-ce le jour de sa... Sa gorge se serra. Et silencieuse, elle ferma les yeux et implora ce Dieu si miséricordieux pour qu’il lui accorde le droit de vivre plus longtemps. Là, elle sentit un contact étranger sur ses lèvres. Surprise, elle rouvrit les yeux et vit un bras tendu vers elle. Que faisait-il au juste ? Déglutissant difficilement, Briseis resta parfaitement immobile, tétanisée. Elle avait fait une bien belle erreur ! Il allait la tuer ! Cet homme était probablement le genre à violer et laisser le cadavre de sa victime dans le caniveau, à la merci des chats errants ou... Pire. Pourquoi n’était -elle pas rentrée immédiatement ? "Je ... excusez-moi mais ... Je me sens ... Déboussolé. Qu'est ce qui s'est passé ? Et surtout, qui êtes-vous ? Je ... Ah ma tête !" Plongée dans ses sombres pensées, elle entendit pourtant bien les excuses. Penchant légèrement la tête sur le côté, elle finit par sourire. Non. Il était simplement perdu. Il n’était finalement pas celui qu’elle pensait. Rassurée, ses muscles jusque là crispés se détendirent. « Vous avez eu un malaise dans le bar. Un client vous a rattrapé et nous vous avons emmené à l’air libre. Je suis Briseis, la serveuse... » Mais elle ne put lui retourner la question car le brun se plaignit à nouveau d’avoir mal à la tête.

Un mal, une douleur telle que le pauvre fut à nouveau perturbé. La serveuse attendait, surveillant chaque geste pour estimer un possible danger de chute. S’il s’ouvrait la tête, cela n’aiderait sûrement pas. Mais ce fut totalement autre chose qui se produisit. Sous le regard médusé et compatissant de la jeune femme, l’homme fut pris d’une violente nausée. Il avait dû manger un truc pas frais. Seule conclusion et explication plausible à ses yeux. Un éclat de dégoût passa dans son regard quand elle nota qu’il essuyait sa bouche sur...Sa manche. Elle avait un torchon ! Elle lui retendit pour qu’il puisse se rafraichir au mieux. Quelle idiote, elle aurait dû le lui proposer dès le départ ! "Excusez-moi à nouveau. Je ne me sens ... pas vraiment bien à vrai dire. Mais je crois que ça commence à aller mieux ! L'air me fait du bien ... je crois." Souriant à nouveau, elle voulut le rassurer de son mieux. Posant une main sur son épaule, elle l’entraîna vers une marche pour qu’il puisse s’assoir. « Restez-là, je reviens ». Il ne lui fallut que quelques minutes pour récupérer un verre d’eau. « Tenez, cela vous aidera à faire passer la nausée. Avez-vous mangé quelque chose d’avarié ? ». Oui, elle pourrait sûrement mieux l’aider en sachant exactement ce qu’il avait.

❝COME WHAT MAY I DON'T CARE AS LONG AS MY SOUL IS GOIN' TO HEAVEN❞

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Briseis ignorait qu’elle était la cause du trouble du vampire. A vrai dire, elle ignorait pouvoir rendre un vampire originel malade mais nul doute que si elle l’apprenait, cette nouvelle l’attristerait alors que d’autres profiteraient sûrement de cette information pour peu qu’ils aient des problèmes avec l’homme qui s’était écroulé à ses pieds. Briseis peinait toujours à comprendre pourquoi certains profitaient de sa gentillesse. Cette humiliation la peinait toujours parce qu’elle n’avait pas la force de dire « non ». Elle n’osait jamais dire à quelqu’un d’aller « se faire voir ailleurs ». Briseis était l’une de ces créatures dont l’empathie était telle que vous pouviez lui demander n’importe quoi, pourvu que vous lui laissiez transparaître vos émotions. Elle en avait besoin pour s’identifier à son interlocuteur, comprendre sa détresse et lui venir en aide. Jamais elle n’utiliserait une faiblesse contre vous, au contraire. Une part d’elle même était consciente également qu’elle dénotait totalement dans ce monde où l’Humanité ne pensait plus qu’à sa survie et tant pis si la vie d’un autre individu était mise en danger. C’était chacun pour soi. Elle en souffrait. Tellement. Mais comment ramener les choses ? Le monde avait changé. Mais elle se souvenait de ses parents qui lui racontaient des souvenirs, des souvenirs où les hommes étaient libres. Ce temps était révolu, certes mais n’y avait-il aucun moyen pour que les vampires, les humains, les sorciers, les loups garous puissent vivre tous ensemble ? Le régime alimentaire des vampires ne demandait pas forcément de tuer leur victime, n’est-ce pas ? Alors imaginons que tous les humains donnent un peu de leur sang, les deux espèces pourraient survivre ensemble... Une utopie mais l’espoir régnait toujours dans ce coeur pur.

Offrant un verre d’eau à un homme que tout le monde aurait probablement reconnu comme étant un vampire et donc n’ayant certainement pas besoin d’un verre d’eau, Briseis lui rendit son sourire. Cet homme était gentil, de cela elle en était persuadée (mais elle finissait toujours par arriver à cette conclusion avec tout le monde). Elle ne remarqua même pas que Heath cessa de respirer afin de mener une petite expérience dont les conséquences pour elle pourraient se révéler dangereuses. Fixant le vampire dans les yeux, elle écouta sa réponse. Il pensait que son malaise n’était pas dû à la nourriture. Il déclina également le verre d’eau. Etrange mais la jeune femme n’insista pas. «Ok. Mais vous devriez vous rendre à l’hôpital pour faire des examens, on ne sait jamais ». Fin, des examens, de bien grands mots mais qu’il puisse au moins se faire ausculter afin de vérifier. C’était vraiment inquiétant ce genre de malaise.

Briseis voyait bien qu’il était troublé et qu’il doutait de quelque chose mais de quoi ? Pourrait-elel lui apporter une réponse ? Ses yeux suivirent le verre qu’il posa à terre. Il serait bien dommage que quelqu’un ne le casse ou ne le prenne. Le temps qu’elle réfléchisse à prendre le verre avec elle, voilà que l’homme lui tendit la main. "Suivez-moi, je dois vous montrer quelque chose !" Ce genre de phrases, c’étaient celles qui devaient vous donner l’alarme et vous conseiller de fuir, de décliner l’offre et de ne plus vous retourner. Le regard noisette fixa les yeux de son vis-à-vis, hésitant. Si elle disait non, il pourrait mal le prendre le pauvre... Déglutissant, sentant instinctivement un danger, elle n’osa pourtant pas résister et lui donna sa main.

Entraînée dans une ruelle, elle se surprit à prier. Elle avait beau être innocente, elle n’était pas stupide et se souvenait de tous les cadavres retrouvés dans une ruelle. Et s’il la tuait ? Dieu décidait, si c’était sa destinée, ainsi soit-il. Après tout, elle ne faisait que survivre et la solitude lui pesait chaque jour un peu plus. Briseis resta parfaitement immobile alors qu’il se rapprochait d’elle. Elle eut un léger mouvement de recul quand il prit l’une de ses mèches pour jouer avec. Et la sentir. Le regard interrogateur, elle ne comprenait pas. Reculant sans vraiment comprendre comment, elle laissa le vampire mener la danse. Elle tressaillit quand elle sentit les doigts se poser sur elle. Comme hypnotisée, elle se laissait faire avec une incroyable docilité. Pourtant, la peur courait dans ses veines, en vague d’adrénaline qui lui hurlait de fuir. Mais elle en était incapable. La main posée sur sa gorge l’en empêchait et un geste brusque pourrait se révéler aussi mortel que le calme apparent qu’elle offrait. Elle était une proie et comme toute proie acculée, elle était paralysée. Frissonnant encore alors qu’il venait chercher sa main, Briseis ne détourna pas les yeux de son bourreau. Fronçant les sourcils alors qu’il posa sa main sur sa poitrine, ses yeux finirent par s’écarquiller quand elle comprit ce qu’il cherchait à lui dire. Pas de coeur. Et il vivait. C’était un... « Vous êtes un vampire ? ». Wow. « Je... Je vous demande pardon » ajouta-t-elle en baissant les yeux. « Je ne vous ai pas été d’une grande aide en vous proposant un verre d’eau tout à l’heure. Je vous prie de me pardonner si je vous ai offensé. » La sincérité dans sa voix se percevait. Oui, elle craignait de l’avoir froissé. Elle restait craintive mais... Plus que tout, elle espérait qu’il lui pardonnerait sa naïveté. « J’aurais dû le comprendre... C’est juste que je n’ai pas l’habitude de voir des vampires. Vous êtes le premier que je vois à vrai dire... En tout cas le premier pour qui je sais. ». Aie. Elle savait. Elle déglutit et releva la tête. « Allez-vous me tuer maintenant parce que je sais ? Parce que je ne le dirai à personne vous savez ! » A qui le dirait-elle ? Elle ne connaissait personne. Elle avait des amies mais celles-ci n’étaient pas vraiment le genre à qui elle pouvait se confier. Elle était totalement isolée dans ce monde. Sa disparition ne marquerait personne.