❝ i'm on my way to hell. ❞ - MAVEM

What are they haunted by ?

How are we ever gonna know peace ?

La nuit se lève, exhibant mystères et appréhensions dans les cieux obscurs, dôme crépusculaire qui recouvre désormais tous les arrondissements de la vaste métropole endormie. L’atmosphère est fraîche et lugubre. Chaque jour qui s’écoule signifie l’agonie puis la mort d’un être que j’ai peut-être connu. Incessamment, cette pensée me hante, puisque persuadé que le fantôme de ces âmes brisées rôdent autour de moi et m’observent. Désormais, l’arrivée du soir me parait bien moins réconfortante qu’à l’ordinaire, voyant le miroitement argenté du maigre croissant de lune comme une menace latente qui brille sournoisement par-delà la trainée des nuages prestes. Gamin, je me plaisais à me dire que la lune était le phare des dormeurs, veillant sur les âmes assoupies de sa magnificence idyllique pour doucement nous guider vers les bras de Morphée nous berçant lentement vers le monde féérique des rêves… Ce songe, que je charrie avec moi depuis l’aube de mon enfance, j’en ai bien honte. Dans le tréfonds de ma gorge, il me communique un arrière-goût amer et dégoûtant. Il m’étrangle parfois, tant que ces chaînes s’enroulent au tour de mon cou, puisque esclave de mes plus redoutables vices. Voilà bien longtemps que j’ai perdu foi en l’humanité, mon innocence s’étant envolé tel un vieux rêve illustre s’égrainant à la merci des tempêtes les plus déchaînées.

D’un regard vif et serein, mes grands yeux céruléens se perdent dans le contraste de l’horizon embrunit qui se déploie énigmatiquement à perte de vue devant moi.  Je suis encagé dans une tour de pierre et de fer, alors que le reste du monde dégingandé semble paisiblement s’incliner à ma révérence. Je suis ici depuis plusieurs minutes, voire même un quart d’heure. J’ai vu le soleil déchoir lentement en arrière des hauts édifices, laissant nuancer des plaques d’ombres éphémères aux reflets moirés sur les têtes des buildings de la ville.  Franges disproportionnées qui se disputaient en silence le droit de flamboyer une dernière fois durant le jour déclinant tandis que plus loin derrière, les quartiers oxydés se fardaient doucement pour enfin s’évanouir dans la nébulosité de la nuit. C’est la valse habituelle des ténèbres naissants ! Spectacle que je me plaisais autrefois de regarder depuis la grande baie vitrée encadrée dans le mur de cette vaste et déserte salle de conférence de la Empire Tower.

Ma paume bouillante effleure la froide façade de verre, mes paupières embrassant lourdement l’obscurité, je repose dans cette alcôve… triste tombeau de verre où contre les parois fragilisées suintent Misère et Amertume. Malheureux pantin délaissé là. Je deviens l’inertie. Je deviens le parfait malfaiteur de cette nuit tyrannique aillant fait fuir la lumière craintive d’un Jour qui se meurt dans la soumission et l’abandon ! Mon pauvre cœur givré dans la glace cristalline d’un hiver sempiternel… Il fait si froid et noir ! Ma tête n’est qu’un sépulcral cimetière, là où dans les ténèbres reposent les cadavres de mes plus sinistres déboires. J’erre tel un fantôme dans le cœur de cette ville qui se meure. J’erre tel un fantôme dans le cœur de cette alcôve poisseuse qui devrait être en fait ma demeure… même ici-bas, tu ne te sens pas à ta place.

Tu te crois être en guerre contre le monde alors que le seul ennemi que tu confrontes à tous les jours se retrouve là… dans ta tête… Et misérable ; tu poursuis cette guerre… contre moi... moi qui ne suis que le fruit de ta désespérance...

Tes azurs sont désormais devenu que deux abysses éprouvés dans les ténèbres et qui bientôt aspireront toutes tes larmes. Un trou se creuse à l’intérieur de toi. Tu le sens. Tu sens cette douleur cuisante. Ce mal de l’âme. Ce mal de vivre. Ce mal d’aimer. Un trou se creuse à l’intérieur de toi. Chimère. Néant. Rien et à la fois tout  t’encombre… Réveil-toi… Ouvre les yeux… Salem… réveil-toi…ouvre les yeux.

Voilà bien le problème… n’est-ce pas ? L’esprit tant vide que douloureusement tiraillé, l’exténuation te gagne et l’inertie te sombre vers le paroxysme de ce cauchemar éternel… cauchemar éternel que tu traverses avec les yeux malheureusement grands ouverts. Tu es réveillé… c'est simplement les murs de la réalité qui explosent tout autour de toi. Ton monde se désagrège et toi tu t’émiette avec lui. Cendres, ruines et décombres… tu es né de poussières et tu retomberas en poussières.

- Monsieur Chamberlain ne devrait tarder à arriver.

Je sursaute, l'air soudainement sortis d'une tourmente, tournant furtivement la tête en direction de cette source inattendue aillant troublé mes barrages psychologique. Une femme, au teint livide, au sourire ravageur, se tient là, au travers de l'embrasure de la porte. La réceptionniste. Abeline. Si je me souviens bien de son prénom.

- Est-ce que vous voulez quelque chose à boire pour vous aider à patienter, monsieur O'Malley ?

- Non. Mmm. Ça va. Merci.

Sur quoi, la jolie blonde referme la porte et me laisse à nouveau seul dans la pièce. J'ai rendez-vous avec le patron, ce soir. J'ignore encore la raison de cet entretien, je suppose que cela a un rapport avec tout le remous que j'ai causé ces derniers mois. Avec le régime, la révolte et tout ce Chaos engendré, Maverick doit être curieux de connaître dans quel camp est-ce que je repose désormais ?

Si seulement toi-même tu pouvais le savoir, n'est-ce pas ?

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Le silence régnait dans ce que j'appelais la Tour de Cristal. Une tour à la fois protectrice mais retranchant paradoxalement des êtres fragiles en plein jour. Si misérables qu'il suffisait d'un seul rayon de soleil pour les consumer. C'était là une protection bien mince qui les empêchait de flamber, mais si elle tombait... Bien sûr, seuls ceux qui n'avaient rien à perdre pouvait se permettre d'affirmer une telle faiblesse.

Derrière mes paupières, la luminosité décrue. Et quand je les ouvris, lentement, le même spectacle s'offrit à moi, le même en ces dernières sombres années. La ville de New-York s'étendait au bas de l'édifice. Un territoire gouverné par nous, Originels, et subit par d'autres. Au début, je prenais le temps de regarder à mon réveil. Mais maintenant habitué, je n'y accordais guère plus d'attention. Tout ce qui m'importait était de voir le ciel rouge sang à l'horizon, juste après le crépuscule pour ne pas perdre une miette de ces merveilleuses nuits de fraicheur.

Je mis alors pied à terre, laissant mon lit et son occupante en l'état. Le carrelage marbré sous mes pieds devait être froid ; je ne le sentais pas. Nu, je déambulais entre mon bureau et ma garde-robe, puis entre la cuisine et la salle de bain. Je devais faire quelque chose aujourd'hui. Oui, mais quoi ?

Toujours dans le plus simple appareil, je m'assis dans l'épais fauteuil, derrière mon espace de travail, et vérifiais mails, agendas et pseudo-cours financiers. Tous les soirs, c'était la même chose : je pestais contre la Grande Révélation qui avait tout compliqué, au point de devoir gérer une économie complètement à la baisse et instable. Pis encore, hors de toutes normes. Chacun pour soi et le bétail serait bien gardé.

A propos de bétail... Je devais me nourrir. Je regardais en direction du lit et... non, pas envie. Ma préférence alla pour une bouteille de sang conservée au frais. L'ouvrant, mon regard se porta au dehors une nouvelle fois. Une volée de corbeau passa subitement devant la baie vitrée. Mes yeux se plissèrent plutôt que de sursauter et je posais la bouteille qui se renversa. Le liquide pourpre qu'elle contenait s'étendait sur le carrelage gris sans pour autant que j'y remédie. Il l'imprégna jusqu'à remplir les aspérités.

Ce ciel... Quand je le regardais, humain, il me semblait si grand, si imposant. Je me savais ridicule face à une telle ampleur de la nature. Mais aujourd'hui... aujourd'hui... Dieu me tendait la main.

Le sang s'insinuait dans les joints, poursuivant dans son élan.

L'observation avait porté ses fruits. L'Ombre est source d'inspiration. Et dans cette Ombre se cache l'Avenir. Mon avenir. Et celui de tant d'autres n'ayant pas même conscience qu’elle s'étendrait au-delà de toutes nos espérances.

Le fluide visqueux rampa jusqu'à mes pieds

C'est dans une flaque à l'odeur exquise que je me rappelais. Salem. Un sourire naquit sur mon visage. Était-il prêt pour se lancer à corps perdu dans ma quête ? Mes paupières se fendirent. Et s'il ne l'était pas ?

Je m'en retournais dans la salle de bain et entra dans la douche, sans me préoccuper des traces de pas que j'avais laissé. La vapeur recouvrait les surfaces et saturée l'air d'humidité. Du tranchant de la main, j'essuyai d'une passe la buée à hauteur de mon visage, sur la vitre de la cabine. Le reflet qu'elle me renvoya m'apparut différent, mais exquis. Les iris rouges et un rictus figé.

Quelques minutes plus tard, habillé comme à mon habitude d'un costume au col de chemise ouvert laissant apparaitre une chaine dorée, j'ouvris la porte de mon appartement.

- Merci messieurs. Quand elle sera réveillée, donnez-lui de quoi se restaurer puis laissez-la partir. Appelez aussi la femme de ménage.

Les deux loups-garous postés à l'entrée de mon appart étaient de confiance. Je pense avoir fait suffisamment d'exemples pour que certaines... confrontations n'aient plus lieu. L'un plutôt massif, l'autre était plus réfléchi. Je ne comptais pas m'entourer d'incompétents au sein même de l'Empire Tour. Si j'avais élu domicile ici, c'était pour de bonnes raisons. Dont la vue...


Abeline réapparut de longues minutes plus tard.

- Monsieur O'Malley, mademoiselle Stinghart souhaiterait s'entretenir avec vous. Monsieur Chamberlain m'a également contacté. Une affaire urgente à régler, mais il arrivera d'un moment à l'autre. Il s'excuse du contre-temps.

Elle s'éclipsa avant de laisser entrer une jeune femme en talon aiguille et tailleur noir. Laquelle s'approcha de Salem d'un pas sûr avant de lui tendre une main.

- Salem O'Malley. 28 ans, en concubinage, né à Melbourne et qui plus est... un loup aux expériences belliqueuses.

Dynamique, elle se mit à tourner dans le bureau, les mains croisées dans le dos. Une unique pièce qui, étant au même étage que l'appartement de Maverick, en occupait la moitié. Un large bureau en verre trônait dans le second tiers du lieu. Devant, une longue table de réunion équipée en informatique et, dans un coin, un petit espace de détente avec fauteuil et une table basse-bar. Le tout entouré d'une parois de vitre teintée donnant sur l'extérieur tandis que le sol était fait d'une moquette molletonnée. Elle ne lui laissa pas le temps de prendre la parole.

- Je me nomme Mélinda Stinghart. Conseillère humaine d'un ami Originel de sire Chamberlain. J'ai dû jouer des pieds et des mains pour que la réceptionniste me laisse passer. Mais quand on parle de haute sphère...

La jeune femme se tourna vivement vers lui en faisant virevolter sa jupe, en affichant un sourire pincé.

- Mon Maître a assisté à vos derniers exploits, et est très intéressé par vos compétences. Si vous voyez où je veux en venir. Nous savons tout deux votre profession, actuelle ou passée, et ne doutez pas des moyens de mon Maître. Quelles sont vos conditions ?

Ses yeux perçants se plantèrent dans ceux de Salem sans faillir à son sourire. Aucune peur, aucune hésitation. Avec attention, une petite cicatrice claire pouvait se distinguer sur sa joue droite.

What are they haunted by ?

How are we ever gonna know peace ?

Seul mon fin sourcil blond s’arquant faiblement de doute trahi tout signe de vie sur les traits de fer de ma figure impassible, lorsque mes deux billes d’un bleu javellisé se posent lentement sur la source de la voix avenante qui s’invite dans la quiétude quasi religieuse de la pièce.  Une femme, élégante, raffinée, statique, rôde nonchalamment là dans la vaste salle spacieuse. Affublée d’ornement dispendieux, sa gracieuse silhouette enténébré de ce tailleur greffé BCBG que je vois déambuler telle une chimère au travers des meubles en verre lustré. Elle aspire la gentillesse, mais pourtant il y a quelque chose en elle qui joue avec mes nerfs, les éraflent tel ce violon qu’on afflige. Une menace attenante et grisante que je n’arrive pas à comprendre la raison d’être. Un pressentiment obnubilant qui supplie à mon crâne Méfiance sans toutefois se faire violence. Déstabilisé par sa présence hypnotique, inattendue, je la laisse meubler et combler la discussion. De toute manière, pas besoin de faire grand-chose, elle sait tout de moi, apparemment… alors autant sauver du temps et éviter les présentations inutiles.

En bon entendeur, je m’abreuve de ses paroles, profitant de son laïus pour me détacher de la grande baie vitrée et trainer ma lourde armature humaine vers le bureau de mon patron. Là où je viens écraser mon cul contre la surface du verre poli. Confortablement bien assis, je croise paresseusement les bras sur mon torse massif, mes deux pierres de saphir jouant doucement la navette entre le textile ouaté de la moquette et le visage de poupée rivée désormais vers moi. Une bulle de silence, vaporeuse comme un nuage de poussière, retombe sur nos têtes, mon interlocutrice dynamique attendant patiemment que je me révèle et que l’on nourrit désormais à deux ce dialogue embaumé de sous-entendus. Plait-elle ? Elle veut parler business. Cela va de soi. Je me racle la gorge et dégluti de travers le filet de bile qui me remonte dans le gosier.

- Mes conditions se confondent avec les autres. Je réponds aux désirs de mon client. J’opère selon le contrat que l’on me commende. Je n’ai pas d’exigence. Il n’y a que le statut de la cible qui importe. Les tarifs se variant selon l’engagement qui intéresse l’acquéreur, se jouant avec la vie professionnelle et personnelle de la cible. Quant à la relation que j’entretiens avec mon client, sois sans crainte que le moins j’en sais, mieux je me porte. Tu me révèles les desseins, j’orchestre en conséquence. Je ne possède pas de mode opératoire fixe. Le tout changeant, pour brouiller les pistes, les mobiles et dépersonnalisé les récidives. J’exécute parfois en solo et ou encore en tandem. Nous nous rencontrons qu’une seule fois. Dans ton cas, il va sans dire que c’est aujourd’hui. Le reste du temps nous communiquons via les téléphones jetables et les cartes SIM. Tu me paie la journée même de notre seule et unique rendez-vous. En liquide. Pas de chèque.

Je fronce les sourcils, taraudé par ces détails qui accaparent chaque recoin de ma cervelle, cette méfiance injustifiée qui devient de plus en plus lourde. Mes deux billes de saphirs désormais bien ancrées dans le regard perçant de la demoiselle, cette paire d’yeux qui vrille au travers de moi tel un glaive.

- La cible. Qui c’est ? Que je demande, sans grands artifices, en extirpant de la poche intérieure de ma veste en cuir mon Zippo et mon paquet de clopes. 

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