You better move, you better dance. Let's make a night, you won't remember || Pv Ambre

Euphorie artificielle. Sourire artificielle. Un bonheur éphémère construit sur les vestiges de l'alcool. Mais qu'importe. La nuit lui appartenait. Mais qu'importe. Demain n'existait pas. Les soucis s'envolaient. La musique emportait son être, l'assaillant de cette frénésie communicative. Plongée parmi la foule, Roxane bougeait son corps bafoué de cicatrices. Hypnotisée, bercée, elle se laissait entièrement allée. Le rythme de la chanson dictait sa loi, guidant les mouvements de la vampire. Elle se sentait aimée. Elle se sentait choyée. Elle faisait partie d'une communauté d'anonymes. Réunis pour se défouler sur la piste de danse, il n'y avait plus de vampires, plus de lycans. Juste des hommes et des femmes venus se libérer des contraintes du quotidien.

Elle avait chaud. Elle avait soif. Pourtant elle continuait de se mouver, juchée sur ses hauts talons. Elle se sentait bien. Elle se sentait en phase avec elle-même. Elle s'oubliait. Le son vibrait dans ses oreilles, animant son cœur éteint depuis longtemps. Au fond de ses pupilles, une lueur illuminait son regard. Un sourire imperturbable dessinait les traits de son visage. La femme obscurs avait laissé place à la jeune Roxane. Cette adolescente insouciante d’antan. Cette jeune demoiselle qu'elle avait su être par le passé. Angélique et douce. Innocente et abordable. Sans barrière. Sans défense. Elle récupérait sa jeunesse volée. Et en dépit de cette joie de vivre débordante, la fatigue commençait à l'envahir. Les cheveux humides de s'être trop défoulée, elle laissa ses jambes cadavériques la guider jusqu'au bar.

Poussant un soupir d'aisance, elle se glissa sur un haut tabouret. Mine de rien, c'était tout un art de grimper sur ce genre de siège. Elle devait faire attention à ce que sa robe ne remonte pas, tout en aillant l'air gracieuse. Mais en vue de son état, elle avait été tout sauf gracieuse. Par contre qu'on se rassure, l'identité de sa petite culotte restera, pour ce soir, à jamais un secret. Les mains tranquillement posée sur ses genoux, elle lissait son collant noir opaque, dans l'attente qu'un serveur s'occupe d'elle. Loin d'être impatiente, elle tuait le temps en gesticulant la tête en rythme. Son corps lui hurlait de retourner sur la piste de danse en dépit de cette soif enflammant sa gorge.

- Vous désirez quelque chose? hurlait un jeune homme derrière le comptoir. Enfin, il avait remarqué la présence de Roxane.
- Un Bananarama, retirant un billet dissimulé à l'intérieur de son soutien-gorge, elle précisa, gardez la monnaie.

Certains verront en ce geste quelque chose de noble et de gentils. Roxane voyait là un moyen pratique de ne pas s'embêter avec de la petite monnaie. Saoule mais pas encore assez, elle gardait un sens pratique.

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Je suis fier de toi. Tu as su me rendre fier jusqu’au-delà du trépas et exauce mes vœux d’arrière tombe. Ma petite hirondelle noire, je t’aime.

Tu ne refermes même pas la porte en quittant ton logement. Tu ne l’as jamais fait sous prétexte que tes alambiques feraient fuir les plus fouineurs de ces terres abîmées. Je sais que la véritable raison de tes soucis envolés provient de tes locataires de plumes à charbon qui arracheraient les yeux du premier venu. Je te connais si bien. Tu portes ces vêtements crades et poisseux. Une robe noir dont on ne discerne pas les lambeaux des mailles esthétiques désirés. Les longues chaussettes que tu portes jusqu’aux cuisses et qu’on ne discerne que d’entre les déchirures de ta soutane s’agencent mais ne sont même pas identique. Sur tes épaules, un châle si sombre que l’encre de ton far à paupière en serait jaloux. Sur tes bras, des gants de longueur sauvagement percés à tes doigts, rayés et extravagant. Sur tes lèvres, un rouge qui donne la sensualité à ce qui ne devrait pas en porter. Tes oreilles trimbalent des boucles d’oreille si exagérée, bronze sous la tignasse foncée. Tes bottes de cuir et de métal laissent des tambours sur le corridor de ton appartement. Tu sors et percute un trottoir qui te fraie un chemin jusqu’au bar où tu n’auras pas ta place, mais bien tes bonheurs.

Tu as lu dans les ossements et la craie, quelques heures avant, que celle que tu avais à abattre est sur le rebord d’un verre qui patauge le martini et le sucre. Alors tu t’y diriges. Comme un loup, tu traques ta proie jusqu'à son habitas. Il te met une heure de marche à t’y rendre. Tu as le dos droit, la tête haute et le regard perçant. Les autres sont des vermines à tes pieds, tu as la classe et l’élégance dans ta démarche, dans ton déhanchement, ta manière de cligner des paupières et de respirer. C’est tout normal. Tu arrives à l’entrée de cet endroit qui t’est nouveau et inconnu. Que fais-tu dans ce genre d’endroit? Rien. Tu n’y mets jamais les orteils. Tu tires la ganse de ton sac à main, l’ouvres. Il y a mille et un flacons à l’intérieur. Tu plonges ton bras en entier dans ce sac qui semble, à vu d’œil, pas plus gros qu’un cantaloup. Vieux truc de sorcière. Vous saviez que Mary Poppin était une sorcière? Les gens ne voient rien autour. Les gens sont aveugles.

Le bout de tes ongles peint de noir sans éclat extirpe une bouteille de parfum. Tu en fabriques des centaines, mais celui-ci à le caillot du sang et la fraîcheur des veines. C’est celui qui attire les vampires, l’incontournable appât qui sait faire la différence du rapprochement quand le gobeur de sang tend l’odorat. Il est sucré, hématique et facilite le rapprochement vers l’aura d’un vampire. Ambre vous le garantirait. Tu ranges ton parfum et fouette une lourde mèche de cheveux sur ton épaule. Ton nom de la bouche française te mérite des ancêtres et des goûts de la langue de l’amour. Tu as dévoré le roman de Suskind et t’en es fait une profession de taille. Ambre, quand tu étais âgé des rêves, tu étais persuadé que Jean-Baptise Grenouille était sorcier de tes générations antérieur. Tu étais si mignonne, sous les rayons d’une lune magnifique.

Tu pénètres dans le bar. C’est une odeur de sueur, édulcorent jusqu’en creux de pores, effluve de musique et de danseurs qui boivent à s’en perdre le foie jusqu’aux heures impossibles… Le rythme assourdissant d’un DJ qui sait plaire les clients s’agence au battement de cil près avec le tintamarre visuel des lumières stroboscopiques. Tu marches calmement dans la foule qui sait d’instinct frayer un chemin place aux passants qui mettent cap vers le bar. Tu gardes cette invincible expression de volonté, de puissance et de sadique contentement sur ton joli minois. Puis tu la vois. Tu sais que c’est elle, c’est tout. Les ossements et la craie de cette journée de soleil t’ont mis derrière les globes oculaires le visage de celle que tu veux mordre. Sur son corps portant les vêtements pour se laisser paraître, il y a des cicatrices. Chacune ont leur chapitre, sans doute. Un roman sur pattes qui s’éclate et qui danse. Cette idée te plaît, Ambre? Je sais que oui. Tu aimes la beauté, comme celle des romans. Ou des romans que l’ont brûle. Tu souris en coin. Tu trouves cela drôle que celle qui bouffe les humains adopte leur pratique primaire dans les lieux comme celui-ci.

La vampire tait alors ses folies et s’amarre au bar pour se noyer. Elle a cet air cocasse et adorable de jeune femme qui s’amuse et ne pense au reste de la vie qui entour le bonheur, pour le soupir d’une nuit, seulement. Ses vêtements contrastent si chaleureusement avec son air, sensuel et bonne à foncer s’entrechoquent. Tu trouves l’occasion pour t’approcher d’elle, elle qui hurle un retour de cri une boisson bananière qui accueillerait, ragoûtant, un poison ou deux.

_Et un cognac Gray Goose je vous pris.

Ce que tu dictes au barman d’un voix somptueuse et poussée alto pendant qu’il est toujours disponible. Et tu t’assois sur un tabouret libre juste à la droite de la belle blonde d’un geste si svelte qu’il pourrait devenir un divan de velours. Tu fais le plus radieux et doux des sourires à ta nouvelle compagne. Tu lui laisses savoir que tu de sa compagnie et de ses discussions pour un verre et peut-être plus.

_J’ai rarement vu quelqu’un d’aussi vivant sur la piste de danse. Vous y démontriez une joie de vivre inégalable. Point que je vous faisais de l’œil, rassurez-vous.

Et tu fais ce rire pulpeux que les gamines ont, celui qui me faisait craqué à tous les coups. Tu lui fais croire que tu la penses de vie, de vie. Plan judicieux, pour ne pas afficher intuitions de races maintenant. Quoi que, comme tant d’autres, elle devinera tes sortilèges au cœur tôt ou tard. Il est écrit sur ton visage que tu es une sorcière. Bien trop vaniteuse, tu ne t’en caches pas. Pas toujours. Et tu lèves le cou au parfum de sang avec l’amabilité sur les joues, les lèvres et les yeux beurrés de suie.  

_Je m’y suis prise une commande trop tard, mais je vous offre le verre. Une telle joie est rare à notre époque, et se mérite la récompense d’une saine vie par le poison de l’alcool. N’est-il pas?

Encore, tu as la gentillesse sur ton visage. Et pourtant, je sais que tu la déteste jusqu’au fond de ton estomac. Tes tripes veulent sa mort. Parce que tu sais ce que leur race m’a fait. Race de bâtards et d’ignobles. Le barman dépose les commandes devant vous et tu poses ton regard sur ce qui donne la soif. Tu agrippes délicatement ton verre, tintement de glaçons et bagues énormes sur le verre, et la brasse de peu, comme une contemplation. Tu ne paies pas. Et ne paieras pas. Tu ne débourseras pas d’argent pour cela, jamais. Tu aimes beaucoup trop ton or, mon hirondelle noire. Et nonchalante, tu sors de ta bourses un flacon de légère poudre brunâtre : du camphre, l’exhalation dit. Tu en mets dans ton breuvage, tu adores cela. Et tu trempes tes lèvres dans la boisson avec parcimonie. Elle devinera sûrement, du coup, que tu es sorcière. Peut-être, ou elle te croira humaine très bizarre. Et avec l’élan, la confusion portera peut-être son esprit à savoir pourquoi une de ton genre viens aborder une de son genre. Les autres vampires y trouvent la confusion, du moins. Et n’aiment pas trop. C’est délectable. Comme le cognac.

 

Energie enivrante. Ambiance délirante. Des cors chauds. La vie débordait et l'alcool s'écoulait. Les tracas laissaient aux vestiaires, les festivités battaient leur plein. Cerveaux embrumés. Esprits illusoirement libérés. Demain n'existait plus. Plus pour le moment. Moment présent. Ivresse des sens. La musique vibrait. Elle palpitait en tout cœur, animant les corps les plus morts. Moment de répit dans un monde vouait au chaos. Lumières artificielles éclairant un chemin sinueux. Roxane s'enveloppait de ce doux mensonge. Roxane se vautrait dans cette pathétique mise en scène. La prédatrice devenait mouton. Retrouvant le chemin du troupeau, elle laissait tomber les crocs et enfilait sa robe la plus belle. Inhibition barrée à grand coup de cocktails corsés, elle laissait librement ses cicatrices à vue de tous. Vulnérable et à la fois plus forte que jamais, elle s'assumait tout en se défilant. Elle se montrait tout en se dévoilant. Contraste et paradoxe. L'histoire de sa vie.

A peine installée au bar qu'elle entendait déjà la piste de danse l'appelait. Besoin d'évacuer. Besoin de dépenser sainement son trop plein d'énergie. Moment versatile pour une vie déjà bien trop remplie. Elle avait besoin d'user son corps jusqu'à épuisement. Puiser sa délivrance dans la souffrance. Désireuse de fouler le seuil de ce bar qu'une fois ses pieds hurlant à la mort. Se sentir humaine à nouveau. Retrouver cette innocence volée. L'espace d'une nuit, d'une heure, ou même d'une seule minute. Juste... effleurer du bout des doigts les vestiges d'une humanité passée. Commandant pour la énième fois un cocktail, elle ne prêta pas attention à la femme s'installant à ses côtés. Pas dans l'immédiat en tout cas.

- Et un cognac Gray Goose je vous pris.

Cette voix, bien qu'envoûtante, n'interpella pas la vampire. Bien trop occupée à fixer le barman, elle attendait avec une impatience non dissimulée sa consommation. Dissimuler ses besoins primaires sous une autre addiction ne faisait pas pour autant d'elle une alcoolique? Non? Question sans réponse dans l'immédiat. Fermant un instant les yeux, elle se laissait bercer par le rythme entêtant qui crachait sa mélodie dans toute la pièce. Pourtant elle finit par sortir de sa transe, interpellée. Ses paupières s'ouvrirent en grand alors qu'elle tourna son visage vers la droite.

A ses côtés se trouvait une femme des plus ravissante. Une beauté anormale. Une aura pleine de mystère et une odeur à s'en damner si ça n'était pas déjà fait. Les prunelles emplies de malice, Roxane détaillait sans gêne ce visage d'une blancheur laissant croire à une immortelle. Pourtant son ouïe surnaturelle détectait un coeur qui battait. Ses prunelles descendirent plus bas et un sourire naquit à la commissure de ses lèvres. Des chaussettes dépareillées ornaient ses deux jambes sculptées. Un style vestimentaire qui ne manquait pas de fantaisie.

- J’ai rarement vu quelqu’un d’aussi vivant sur la piste de danse. Vous y démontriez une joie de vivre inégalable. Point que je vous faisais de l’œil, rassurez-vous.

Surprise, le sourcil de Roxane se haussa quelque peu. Incertaine, une poignée de secondes s'écoula. Temps nécessaire à la vampire pour être certaine d'avoir bien compris la ténébreuse à ses côtés... pour ensuite éclater de rire. Un rire joyeux et qui pourtant, trahissait une certaine ironie. Elle était morte. Depuis bien longtemps déjà. Cette vie qu'elle dégageait ne lui appartenait pas. Ce n'était qu'un mirage. Une illusion. La joie aussi était un sentiment qu'elle avait perdu. Un sentiment enterré en même temps que la tombe que sa mère avait prit soin d'établir en dépit de l'absence de corps.

Et ce rire qui se déployait dans sa gorge s'éteignit aussi vite qu'il était venu. Inconsciente. Insouciante. La ténébreuse exhibait son cou, dévoilant à la vampire une carotide juteuse. Cette fragrance qui chatouillait ses narines vint enflammer sa gorge. Un incendie qui prenait naissance au creux de son estomac et qui resserrait sa gorge. Sourire crispé sur son visage de porcelaine, elle posa ses mains sur le comptoir, cherchant à maîtriser la bête en elle.

- Je m’y suis prise une commande trop tard, mais je vous offre le verre. Une telle joie est rare à notre époque, et se mérite la récompense d’une saine vie par le poison de l’alcool. N’est-il pas?

Proposition intéressante mais c'était au cou de cette inconnue que Roxane voulait s'abreuver. Une chose qu'elle s’interdisait de faire. Cette nuit était réservée à son humanité perdue. Cette nuit là, elle voulait la garder pour elle et juste pour elle. La bête devait rester dans son coin. Repoussant toujours plus les limites entre la bête et son humanité, elle détourna ses yeux lorsqu'enfin le barman arriva avec les consommations. Une fois son bananarama en main, elle déploya un effort colossal pour concentrer tout ces sens sur cette boisson enivrante.

- A notre joie de vivre dans ce cas, formula la New-Yorkaise, osant enfin tourner de nouveau ses yeux vers l'inconnue.

Curieuse, elle observait avec attention le petit rituel de la ténébreuse. Ses prunelles s'illuminèrent comme si elle venait à l'instant de réaliser un tour de magie. User de ses propres épices pour agrémenter une boisson. Voilà une chose que Roxane n'avait jamais tenté en soixante ans d'existence. Un petit rire franchi ses lèvres. Sans demander de permission, car la vampire n'était pas du genre à demander l'approbation de quiconque, elle attrapa le verre de l'inconnue. Sans brutalité. Juste cet air angélique qui rappelait combien elle était jeune quand la vie l'avait quitté. Une fois le cocktail en main, elle l'apporta à ses lèvres pâles, goûtant à ce breuvage inédit.

- Merci beaucoup pour le verre, gratifia une Roxane sincère alors qu'elle quittait son siège.

La consommation de la ténébreuse toujours en main, elle s'élançait de nouveau sur la piste de danse. La musique résonnait à ses oreilles, berçant son palpitant inanimée. Tournant les talons, elle adressa un dernier regard à la belle mystérieuse juste avant de se retrouver plongée en plein coeur de la foule animée. Un regard de braise. Invitation silencieuse à la rejoindre. La soirée ne faisait que commencer.

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Tu te fais regarder, tu te fais fixer. Par ces grands yeux qui brillent tu sais quel sacrilège, rideaux de mèches blondes surplombant un minois pâle comme la mort. Sur un minois si mignon qui vaut la fillette qui s’éclate entre deux bars de la rue populaire d’une ville assoiffée. Et tu attaches, à son œil de sang, le tien qui s’y noue et s’y coud. N’est-ce pas merveilleux de trouver la bonhomie et l’insolence de la paix d’esprit chez un être damné au point de m’avoir tué? Tu t’en réjouis, tu élargis ton sourire pour le laisser somptueux mais lui donner le goût des cerises d’automne. Tu es heureuse de la situation car tu la trouves belle. Et comme la beauté est ton fétiche, tu es heureuse. Elle dansera jusqu’au bout de sa joie avant de s’éteindre. Une poésie gracile qui donne la plume.

Ta blague l’a fait hésiter et l’a fait rire. Tu frémis de satisfaction et tente de déchiffrer d’où vient cette hilarité. De ta dernière phrase ou de cette supposée joie de vivre? Tu sais bien que le commentaire est d’ironie. Tu en aurais rit aussi, comme celle que tu n’aimes pas mais que tu trouves inlassablement charmante. Évidemment, tu joues l’ignorante, celle qui la croit humaine. Tu es humaine. Tu es mieux ainsi, dans ce costume et cette peau de lait. Mais tu ne cherches longtemps que la joyeuse vampire de charme s’appuie au comptoir. Tu lui offres un sourire pulpeux, dissimulé narquois, comme si de rien était. Comme si tu ne voyais pas que sa gorge se hérissait. Tu te raidis, un moment. Tu as peur. Tu ne voudrais te l’admettre, mais tu sais ce dont elle est capable. Tu voulais jouer avec le feu et tu en paies le prix de l’épouvante jusqu’à t’en glacer la moelle. Quelques secondes, pas plus. Tu te détends, aussi rapidement que le rire de la belle s’eut évanouit. Car les boissons se servent d’elles-mêmes et proposées et assaisonnées.

Mais elles ne seront que servies d’elles-mêmes, proposées et assaisonnées. La tienne sera volée, aussi. C’est avec intérêt qu’elle observe ton verre. Toi aussi, tu fixes le tien. Dans ta manche est glissée une fiole contenant un poison qui l’agrémenterait à ravir. Un Gray Goose au camphre est délicieux. Un bananarama au cyanure devrait l’être tout autant. Mais tu détaches bien vite ton iris de ce verre. Pour ne pas être repérée. Et parce qu’une main se glisse sur ton breuvage et de le vole. Une main de arbre munie d’un sourire candide, celui d’une fleur, qui t’empêche de riposter. Pour le moment. Elle te remercie, de son air adorable et vert, et tu lui laisses un sourire doux ainsi qu’un regard amusé. C’est vrai qu’elle aurait été bête de ne pas profiter de la consommation la plus coûteuse de la place en cadeau. Tu gardes ta posture somptueuse et droite, la suit du regard sur ses hauts talons lui conférant la démarche d’une reine. Avant de se faire engloutir tout rond dans la danse de mille et un hommes, elle te donne l’une des prunelles du Diable. «À notre joie de vivre, oui!» tu te dis. À nos malheurs de mort, aussi. Tu chancelles, mais ne le montre pas. Elle est vive et flammèche, et tu portes son appétit dans ton coup. Et sur le bout des doigts.

Car tu glisses tes ongles au charbon sur son bananarama et l’attire vers toi. Caché derrière ta paume y coule un poison de vampire. Celui qui ne fait effet que sur les hémophiles, buveurs de caillots en rouge de race. Quelques gouttes, c’est suffisant, qui s’enduisent sans défaut d’odeur, de goût ou d’allure à l’alcool. Ta crinière en suie se fouette; regard par-dessus ton épaule pour touché la foule de l’œil et t’assurer que la blonde ne t’as pas vue. Puis tu te relèves de ton tabouret et te penches sur le barman qui revient de la chasse au client pour quêter sa liasse verte.

_Vous me faites une ardoise, mon cher?

Ardoise que tu ne comptes jamais payer. Tu demandes comme s’il avait été acquis qu’il te l’accorderait. Mais cette question, plus que rhétorique, n’attend pas sa réponse et tu trimbales tes grosses bottes sur la piste de danse avec ce breuvage totalement incongru pour ta personne à la main. Ce n’est plus un breuvage, de toute façon, c’est une arme coulée en verre. Tu n’aimes pas danser. Tu n’aimes pas la musique en canne trop bruyante. Tu n’aimes pas la sueur des gens se mêler à ton parfum. Mais tu aimes atteindre tes objectifs. Tu t’y approches en épaulant nonchalante les défoncés de morceaux à DJ jusqu’à être complètement avalée à ton tour. Tu fouilles du regard cette assemblée grouillante, mais ne trouve ta cible. Et tu espères qu’elle n’aie joué les espiègles après avoir découvert ton quelconque subterfuge et s’être volatilisée en douce. Tu fais résonner un cliquetis, invisible, tant les stéréos de la place le couvre, de tes bagues trop grosses comme tu le fais à chaque fois que tu as la nervosité au cou. Mais comme tu t’inquiétais sur ton visage de glace, tu remarques que la blonde t’attendait à la danse patiemment. Tu t’approches d’elle en trémoussant un pas que tu improvises et que tu ne connais pas. Histoire de donner crédibilité à ta venue dans cet endroit. Quoi qu’à ton air, on donnerait plutôt les bars de métal sans grâce et à surplus de méthamphétamine.

Tu n’aimes pas danser, car tu ne sais comment t’y prendre. Mais le rythme à cette valeur certaine de laisser le déhanchement à n’importe quel dévoué. Alors tu feins de danser et tu lui souris, toujours aussi paisiblement. Tu préfères laisser paraître que rien ne t’atteint même si le chaos te détruit de l’intérieur, bien quelque fois. À sa hauteur, tu captes son attention et cogne son verre doucement au sien à votre joie de vivre. Quelle ironie, vraiment!

Et comme il est d’instinct de faire après avoir trinqué, tu prends une sapée fine de ton verre. Tu seras malade, sans doute. Le poison ne te tuera pas, mais il te fera jaillir tes tripes. D’ici une file d’attente d’heures, tout au plus - tu es trop bien immunisée contre tes propres formules. Mais il en vaudra le coup, tu le sais, tu le sens. Tremper tes lèvres dans ce bananarama meurtrier ne pourra que relever des soupçons qu’elle pourrait avoir, possiblement, et la mettrait plus en confiance. Mais tu ne veux penser trop à ce qui s’en vient pour toi. Alors, c’est sur cette air joueur et amusé que tu demandes à la voleuse :

_Alors, comment trouves-tu ton breuvage agrémenté de camphre?

 

La piste de danse devenait son terrain de jeu. La piste de danse devenait son havre de paix. Son paradis artificielle. Féline mais surtout taquine, elle avait abandonné la mystérieuse inconnue, non sans emporter avec elle la consommation de la ténébreuse. Invitation silencieuse à la rejoindre parmi cette foule de corps dansant. L'exaltation de ces instants passé à se mouver lui conférait un sourire des plus radieux, illuminant sa face angélique. Plongée dans l'insouciance, la vampire ne se doutait de rien. Bernée par une volonté béton de profiter de la soirée, elle ne voyait pas clair dans le jeu de l'inconnue. Simple rencontre anodine, donnant un nouveau rythme à cette nuit déjà pétillante. Plongée dans la foule anonyme, elle se déhanchait sous cette mélodie agressive et pourtant exaltante. Sa tête dodelinant avec charme, elle serpentait parmi ces corps bouillants, attendant sa mystérieuse inconnue. Une attente qui lui semblait interminable et qui pourtant s'écoulait à une vitesse fulgurante. Contradiction. Impression controversé résumant très bien l'état dans lequel était plongée la vampire. Si vivante et pourtant morte depuis longtemps. Débordante de joie et pourtant zébrée de cicatrices et de blessures amers.

D'un éclat versatile, ses prunelles s'animèrent en apercevant les chaussettes dépareillées de l'inconnue. Car au final, c'était la première chose que ses yeux avaient accroché. Un sourire en coin, la New-Yorkaise remontait ses iris le long de ce corps voluptueux et opalin. La ténébreuse s'approchait, provoquant un sourire plus large chez l'immortelle. La consommation dérobée entre ses doigts glacées, elle trinqua avec son alliée illusoire. Sa main blafarde alla se perdre dans cette sombre chevelure, plaçant une mèche derrière son oreille ornée d'une énorme boucle. Elle possédait un si beau visage. Un si beau sourire. Il était dommage de le cacher derrière ce rideau de ténèbres.

- Je trouve ton breuvage au camphre bien meilleure, énonça la blondinette, couvrant les centimètres la séparant de la ténébreuse.

Douce euphorie. Tendre mensonge. Affreuse vérité noyée par le flot de l'alcool. Ses sens vampiriques ne lui était d'aucune utilité. Son instinct mit au vestiaire peinait à se faire entendre. A demi-consciente du danger de ce monde, elle se livrait sans contrainte à un jeu enfantin. Sa main d'ordinaire meurtrière descendit délicatement le long de ce bras bouillant. Agréable chaleur qui l'enivrait autant qu'elle lui rappelait cette humanité perdue. Ses doigts cadavériques caressèrent le tissus de son gant, avant d'aller trouver refuge au creux de ses reins. Dans un mouvement mutin, elle attira la sorcière contre elle, dansant sans pudeur avec charme et sensualité.

Odeur entêtante qui enflammait les sens de la vampire. Chaleur intenable qui irradiait l'immortelle. Amusée, Roxane plongea son nez au creux de ce cou appétissant. Effleurant cette peau d'où provenait la palpitation aguichante de son pouls, Roxane laissa son souffle hivernale mordre sa chair. Sa bête momentanément sous contrôle, elle refoulait cette envie vorace de croquer la mystérieuse.

- Mais d'après moi, ta jugulaire s'annoncerait d'un goût bien meilleure encore, susurra la vampire de ce ton carnassier... avant de lâcher un rire amusée et de tout simplement s'écarter, laissant une distance raisonnable entre les deux femmes. Tout du moins, aussi raisonnable qu'exigeait un tel lieu.

Bien consciente d'avoir monopolisé un bien qui ne lui appartenait pas, la vampire rendit la boisson à base de camphre et s'empara aussitôt de son banarama.

- A la tienne! joviale, elle leva son verre en direction de la ténébreuse, prête à trinquer à nouveau. La boisson s'approcha dangereusement de ses lèvres. Ultime geste avant de sonner le glas. Et alors que sa bouche s'apprêtait à s'emparer avec gourmandise de sa paille changea d'avis. Girouette. La simple odeur de banane l'ecoeura soudainement et dans une grimace, elle intercepta le premier homme passant à ses côtés afin de lui refourguer entre les pattes ce poison mortel.

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Tu es près d'elle, tout près d'elle. Peut-être pourrais-tu ressentir le battement de son cœur s'il était toujours en marche. La peau froide de la belle blonde ne l'est plus. Et elle passe un doigt dans tes cheveux, sur lequel tu n'oses plus bouger. D'autant plus que ta danse était statique, la vampire vient de te l'achever.

Parce que tu ne t'y attendais pas, à dire vrai. Tu as vu la main s'approcher de ton visage, et tu as crains la fraction d'une seconde qu'elle le casse le cou. Qu'elle eut deviné tes plans, ou qu'elle ait vu ton poison. Apparemment non. La blonde se laissait danser par la musique, et tu continuais à feindre un sourire parfait pour l'occasion. Tu mens à pleine dent de jouer son amie. Elle aussi, elle ment à pleine canine. De jouer la vivante.

Tu as douté, sans détruire ton masque. Mais il sembles que tu perdes la lueur dans ton œil et l'étirement de tes lèvres. Une fraction de seconde. Dès qu'elle eut parlé. La belle est douce. La belle est rieuse, et gentille. Tu as l'arme pour l'assassiner dans tes mains, et que fais-tu pour la poignarder maintenant? Elle préfère ta boisson. Celle qui ne contient pas de poison. Et toi, tu ne voudras te contenter de boire ton breuvage de banane et repartir sans meurtre avec le vomit plein la bouche. Non, ce n'est pas toi, petite sorcière.

La la belle n'est plus belle. Elle est maintenant charmante. Hédoniste. Un frisson qui parcoure ton bras, ta paume, ton dos... Ce frisson est une griffe. Tu sais de quelle origine. Tu frémis. Pour la première fois, un vampire te touche d'autre chose que de violence. Et tu n'as d'autres choix que d'accepter la tendresse de sang. Serait-elle plaisante? Serait... Tu ne sait trop. Tu gardes ton masque, sourire joviale sur une iris mystique, et tu danses contre elle. Tes mouvements son ceux d'une marionnette à côté de ses courbes aux délices qui éraflent plus d'un regard d'homme au passage. Tes bottes te bloquent les pas sur ces jambes sveltes et congelées. Tes hanches ne tiennent le rythme et n'osent pas, se frottant sur celles qui portent à elles-seules toutes les danses de l'Espagne. Tu détestes danser. Tu ne sais pas comment. Et tout ce que tu trouves à faire est de regarder tes jupons s'entremêler à cette robe sexy et vulgaire à souhait.

Puis la belle blonde plonge son nez dans ton cou. Ton parfum, petite sorcière, tu n'as pas oublié ton parfum. Celui qui était placé sur l'épaule de ton aorte exprès pour la charmer. Tu croyais qu'il serait utile pour des mètres de distance. Maintenant, il n'y a que des secondes qui te sépare de sa dent. Ton cœur bat, bat à tout rompre. Tu sais qu'elle pourrait te tuer. Elle est saoule, elle pourrait le faire en public. Les ivres sont trop imprévisibles et stupides, parfois.

Tu sens son envie. Tu crispes tes mains et ton âme se déchaîne. Tu es à sa merci, malheureusement. Et tu gardes tout de même la danse. Comme un dernier espoir... Non. Tu l'arrêtes. Dès qu'elle parle de ta jugulaire. Ton myocarde lâche prise sur ses fonctions et tu écarquilles les yeux en faisant la statue. Tu serres tes lèvres entre elles, comme si leur rouge n'était pas assez écrasé. Elle rit. Te lâche. Et tu retrouves la fonction de la respiration. Tu restes tremblante un moment, mais ne bouges plus, en souriant bêtement. Comme si tu ne comprenais pas et qu'elle venait d'énoncer une blague sans queue ni tête. C'est ce qu'un ignorant aurait fait, sans doute. Et tu joues toujours l'ignorant. Maintenant que tu te sais toujours en vie, tu en profite pour jouer ton plan jusqu'au bout. Et tu me remercie intérieurement d'avoir toujours du sang dans les veine à cette minute.

Stupéfaite. Stupéfaite d'avoir passé dans les filets d'une vampire. C'est un signe, que cette fois, tu ne dois rater ta chance. Et tu n'as même pas le temps de réagir quand elle s'empare de son breuvage et te redonne le tien. Là, tu t'éveilles. D'un coup sec. Éclat dans ton regard, et merveilleuse joie sur ton visage. Elle lève son verre. Tu lèves ton verre. C'est une victoire. Tu vas enfin la voir mourir tranquillement, et avec satisfaction. Elle approche son verre de sa bouche. Tu l'imites. Elle porte les lèvres à la paille, tu restent suspendues à elle. Tu la fixe, avec une subtilité derrière cette air de fille qui s'apprête à prendre une gorgée.

Elle s'arrête. Dédaigne et rend le verre à quelqu'un d'autre. Non. Ton cœur se déchire. Non. Impossible. Tu écarquilles les yeux. Les mains d'un inconnu s'empare du délectable. Ta main de gant serre le verre si fort qu'il éclatera si tu ne cesses. Tu cesses. Le jeune homme, encore plus saoul que la belle, s'éloigne avec la consommation. Juste comme tu calcul le nombre de gouttes restant et nécessaire pour tuer. Alors tu te tournes vers la vampire et lui fait un sourire charmant, comme si de rien était. Tu continues à danser.

Alors. Quel est le plan? Va tu courir après cet homme? Si ça se trouve, il a déjà tout but ta potion. Il lui reste moins d'une heure pour cracher ses intestins à ce rythme. Tant pis pour lui. Tu danses en te trémoussant de manière retenu sur des tambour de fond de disque sauté. Tu tiens ton verre du bout des doigts, sur le long de ta cuisse, et approches tes bottes de la dansante en passant une main dans tes cheveux pour dégager ton pâle visage. Pas aussi pâle que le sien, tout de même.

_Tu as bien fait. Il était trop sucré ce banarama.

Il y avait trois jours de concoctions de cyanure à l'intérieur. Mais il était trop sucré, c'est vrai. Tu ris vers le ciel et adopte ta boisson de camphre d'une énorme gorgée. Pour faire passer le malaise sans n'en laisser paraître une miette. Toujours des paroles pour relever les soupçons. Et comme tu rages contre elle, intérieurement. Elle fait tomber tes plans à l'eau, à l'alcool et au poison. Tu danses. Si on pourrait donner ce verbe à ce trémoussement. La musique te fait penser à quelque chose que tu ne connais pas.

Trouver une idée qui lui ferait boire sans faute un breuvage. Car tu n'as pas le droit à l'erreur, cette fois. Il ne reste pratiquement rien dans ta fiole à mort. Qu'est-ce qui lui ferait boire un verre en entier? Que cela prend-t-il à une ivre saturé pour pousser les limites de sa boisson? Tu y penses, enfin. La drogue.

Tu sais que les vampires peuvent être sensibles à ces substances. S'ils peuvent ressentir l'effet de l'alcool. Alors tu fais plusieurs regards autour de toi, d'un air qui se veut plus sérieux. Tu feignes de scruter un mauvais œil. Mais tu cherches un serveur à plateau. Puis de ta main libre, comme pour la séduire de ta voix suave et de ton parfum, tu agrippe doucement son cou et sa mâchoire. Approche ta bouche teinte à son oreille. Et tu lui susurre:

_Veux-tu d'éclater, ce soir? J'ai ce qu'il faut.

Et, tout près de son visage - vos visages de charme - tu lui fais un regard enivré qui lui parle de sous entendu. De cocaïne. Extasie. LSD. Qu'importe ce qu'elle voudra croire. C'est un risque monstre à prendre. Mais tu t'agrippe à cette peur au foie justement pour sortir de ta manche une fiole. Celle du poison. De ta main qui serpente son corps et lui dévoile en toute discrétion.

_Fait maison. Pour t'envoler au paradis, crois-moi.

Elle a déjà vendu une drogue de ces mots. Qu'elle avait cuisiner. Mais vendre la dopamine lui rapportait bien moins que d'offrir des services de tueur à gage. Alors elle avait laissé cette option de côté. Pour le bien de son portefeuille, allons.

La blonde ne pourrait deviner qu'il s'agit de son meurtre. Mais ses sens, si elle n'est pas trop saoule, pourront lui dire qu'il s'agit d'une drogue qu'elle ne connait pas. Tu ne lui laisses trop le choix, de toute façon. Tu sembles pressée. Mais la situation se prête bien à ton impatience. Alors tu ne cache pas que tu as hâte de lui faire avaler le poison. Tu lèves le verre à la hauteur de vos yeux et verses de cette «drogue» translucide dans la consommation. Tu lui tends ce regard incitateur que tu espères qu'elle prendra. Et tu lui proposes:

_À toi l'honneur.

Après tout, elle t'as dit adoré ton breuvage. Pourquoi aurait-elle mentit? Tu restes collée contre elle, à danser furtivement. Comme si tu protégeait un énorme secret. Le doorman y aurait crut, s'il avait été là pour voir la scène, en tout cas.

Et tu ranges rapidement la fiole. Il ne faut surtout pas que tu la perde. Surtout pas.