A Generous Vampire || Ariana [Terminé]

- Et tu compte rester combien de temps, cette fois, avant de partir des semaines sans prévenir?

Sa voix ne trompait personne quant à l'amertume qu'il pouvait ressentir... et je le comprenais. Ses grands yeux clairs me sondèrent longuement, attendant probablement une réponse de ma part. Une réponse qui ne venait pas. Que pouvais-je lui dire? Il attendait des explications. Je le savais. Il voulait savoir ce qui avait bien pu me pousser à disparaître de la circulation aussi longtemps. Deux petites semaines... ça équivalait à une éternité à New-York, la ville où tout bouge beaucoup trop vite. Comment lui expliquer que tout avait changé? Comment lui expliquer que j'avais ressenti le besoin de fuir ce que j'avais été... Ce que j'étais devenue.

- Hugo... commençais-je, mais aucun autre son ne suivit. La bouche ouverte, les yeux pleins de regrets, je me contentais de le regarder, impuissante. Je ne pouvais rien lui dire. Il ne comprendrait pas. Pour ça, il aurait déjà fallu que je comprenne moi-même.

Et il était là, à me fixer, à m'attendre. Pendant ces deux semaines, il m'avait attendu. Pendant ces deux semaines, il avait saturé mon téléphone de message. Tantôt moqueur. Tantôt inquiet... Et pour finir, tantôt en colère.

- Laisse tomber, cracha t-il, visiblement dégouté. Plongeant le nez dans un dossier, il me snoba avec une véhémence que je lui avais rarement connu à mon encontre. On se chamaillait. Souvent. On se taquinait. Tout le temps. Notre truc, c'était de s'envoyer des vacheries. Mais au final, on s'appréciait. Tout du moins, c'était ce que j'aimais penser. Comment expliquer son comportement, sinon? Comment expliquer le fait qu'il m'en veuille autant d'être partie sans prévenir? Pour fêter ton retour parmi nous, je te laisse les bons soins de Mme Anderson Camelia. Avec froideur, il me tendit le dossier qu'il avait entre les mains. Dossier que je pris avec méfiance. Je le connaissais assez pour savoir qu'il était rancunier. Une rancune tenace qui pouvait le rendre aussi hargneux et vil qu'un vampire affamé. Il ne me fallut que quelques secondes avant de comprendre. Il ne me fallut que quelques secondes avant que mon coeur ne se serre douloureusement en lisant le dossier.

- Je... Je ne peux pas et tu le sais très bien! m'exclamais-je, la voix tremblante. D'après ce dossier, il ne lui restait que quelques heures à vivre, tout au plus. Hugo m'envoyait donner les derniers soins pour me punir. Il savait combien cela m'affectait.... Il savait très bien qu'à chaque fois, ça me brisait le coeur. J'étais trop sensible et il s'en servait contre moi.

- C'est un ordre. Tu n'a pas le choix, Ariana. Bon retour parmi nous.

Et c'est ainsi qu'il me laissa seule dans la salle du personnel. Et c'est ainsi qu'il me laissa seule avec ce nouveau fardeau qui me tombait sur les épaules. Comment osait t-il? Comment pouvait t-il me faire ça?! Que je pouvais le détester à cet instant précis! Que je pouvais le maudire! Toute cette haine gratuite qui me balançait dans la face réveillait en moi un mal bien plus tenace. Toute cette haine qu'il me balançait dans la face éveillait en moi la bête tapit dans mon être. Les poings serrés de rage, un grognement animal sorti du tréfonds de ma gorge. Un son animal qui me terrifiait. Je perdais le contrôle. Petit à petit. La bête grondait en moi, ne demandant qu'à répandre sa rage. Balançant avec négligence le dossier sur une table, je me hâtais en direction de l'unique lavabo en état de marche dans notre aire de repos. Suspendu au mur, il y avait un miroir qui confirmait ce que je redoutais. Je contemplais mon reflet avec horreur. Je n'avais plus rien d'humain. Je n'avais plus rien à voir avec celle que j'étais jadis. Ces yeux qui n'étaient plus les miens... Ces yeux qui avaient cette forme lupine... Je ne pouvais pas les supporter. Je ne voulais pas devenir cette chose. Mes paupières se fermèrent sur cette vision déroutante. Inspirant et expirant profondément, je tentais d'insuffler le calme en moi. Je m'efforçais à penser à des choses agréables, comme des cookies, du chocolat, ou un bon thé vert aux pétales de roses et de violettes. Quelques minutes ainsi suffirent pour que je retrouve un semblant de sérénité... Ou au moins, à retrouver des airs plus humains.

Maudissant toujours autant Hugo, j'allais récupérer mon dossier et quitta la salle. Direction la salle réservé aux patients mourrant. Super... A chacun de mes pas, je pouvais sentir mon coeur s'alourdir. Je n'étais pas taillée pour ce genre d'épreuve. Je n'étais même pas infirmière bordel! Je n'étais qu'une secrétaire, censée ranger des dossiers et répondre aux coups de fil! Oui, j'avais entamé des études d'infirmière lorsque j'étais partie de New-York... mais j'avais du tout plaqué en revenant à la mort de Keira. Je n'étais pas taillée pour ça! Je n'étais pas une infirmière. Je n'étais pas formé pour ça. Et pourtant je m'obstinais à aider, à donner des soins, à chercher à apprendre. Je n'étais qu'une imposteur. Je n'étais qu'un mensonge... Je n'étais rien d'autres que l'intrus.

- Courage... murmurais-je pour moi, alors que j'entrais dans la salle interdite.

Une fois sur place, je tentais de ne pas penser à toute ces vies qui allaient nous quitter. Je tâchais de ne pas penser à cette solitude qu'ils devaient ressentir. J'essayais de ne pas songer à la peur qu'ils pouvaient éprouver et pourtant, l'odeur de la peur et de la mort planait dans les lieux. A mes débuts ici, l'on m'avait expliqué que très souvent, l'on pouvait littéralement sentir les gens qui allaient rendre l'âme. J'ai rapidement compris que c'était vrai.... Ou presque.

Secouant faiblement la tête, je laissais mes pas me guider vers le lit de Mme Anderson. Allongée, les paupières closes, elle semblait si paisible. Elle semblait en paix avec elle-même. C'était cette image que je voulais garder d'elle. C'était cette image que je voulais garder de tout ces patients... Parce que c'était mieux pour eux. Parce que c'était plus simple ainsi pour moi. Mes mains bouillantes attrapèrent celle de ma patiente en un signe de réconfort. C'était vain et pourtant...

Puis le calme des lieux fut interrompu par l'arrivée impromptu d'un groupe d'individus. En me tournant vers eux, je pu reconnaître quelques uns de mes collègues... et des gens qui m'étaient totalement inconnu. Ne comprenant rien à ce qui se passait, je relâchais avec douceur la main de Mme Anderson et m'avança de quelques pas. Un grand blond m'expliqua alors qu'on lui faisait visité les lieux. Certes. Je ne comprenais toutefois toujours pas pourquoi il y avait autant de monde avec lui. Une fois proche l'un de l'autre, je serrais la main qu'il me tendait. Il était glacée. Un contraste qui m'arracha un frisson.

- Enchantée. Moi c'est Ariana Vander. Mes sourcils se froncèrent, signe de perplexité. Quelque chose me disait que j'allais avoir l'air blonde... Cependant, une question me démangeait les lèvres. Puis-je savoir ce que vous faites ici? Personne ne m'a prévenu de votre présence.

A voir le visage dépité de ma collègue Andréa qui se trouvait aux arrières de Michael... je venais de dire une énormité calamiteuse. A vrai dire... c'était en examinant les visages de tout mes collègues que je compris réellement ma bêtise. Etais-je vraiment censée savoir qui était ce grand blond? Sérieusement? Nerveusement, je plissais le tissus de mon débardeur rouge avant de ranger mes deux mains au fond des poches de mon jean, pour au final changer d'avis et les placer dans celle de ma blouse blanche.

- Et sinon... la visite vous semble bonne? Enfin... La visite d'un hôpital n'est jamais agréable. Avec tout ces malades et ces patients. C'est un véritable enfer. Mais... mais... Je m'interrompis en voyant Andréa me faire des signes désespérés pour que je me taise. Compris. Je ne dirais plus rien. Enfin vous avez compris...