Lost in the echo [PV Coraline]

Il est encore tôt ou peut-être déjà bien trop tard quand il arrache son vélo du mur pour l’enfourcher. Une énième insomnie après un énième cauchemar. Ses propres cris l’ont tiré de ces fantasques et terrifiants rêves. Ses voisins vont encore se plaindre du tapage nocturne sans se soucier de la provenance ou de la raison du vacarme. Neal a renoncé depuis longtemps à se fabriquer des potions pour aller mieux ou du moins, dormir d’un sommeil plus léger. Il préfère subir chaque symptôme de cette dépression car elle rend palpable la perte d’Ellie. Sa plus grande peur serait sans nulle doute d’oublier d’une façon ou d’une autre, cette souffrance quotidienne. L’oublier elle, sa voix, ses gestes. C’est aussi pour ça qu’il ne veut plus avancer et qu’il préfère s’arrêter au même endroit, au même instant qu’elle. Il n’est plus concerné par le temps qui passe. Ses roues naviguent sur l’asphalte à vitesse démentielle, il met toute son énergie dans cette avancée jusqu’à atteindre son objectif. La nuit est tellement noire qu’il n’en voit pas le bout et pourtant, c’est  son moment préféré de la journée. Le silence, l’absence de lumière, il se sent à sa place. Quand le décor souhaité se profile, il abandonne sa fidèle bicyclette et court vers la colline qui l’attend. Il ne fait pas attention quand il grimpe, à ses vêtements rapiécés, à la boue qui s’y agglutine et encore moins à ses mains s’écorchant sur la pente trop ardue par endroit. Arrivé à destination, les pieds sur le rebord, il admire le néant, celui que les souvenirs créent en contre bas. Chaque inspiration est une nouvelle pointe d’agonie. Ce paysage transmet sa douleur en le ramenant aux vestiges du bonheur. Il piétine ses espoirs et joue avec le vide comme elle se plaisait à le faire. Il n’a plus du tout peur désormais. Bien au contraire d’ailleurs. Il sort ses mains enfoncées jusque-là dans ses poches et écartent les doigts pour laisser le vent caresser sa main. C’est presque une promesse, presque l’incarnation d’Ellie.

Il ferme les yeux et s’invente une autre situation, une autre dimension. Le temps que dure cette illusion, il se sent satisfait et un léger sourire s’esquisse même sur ses lèvres. Elle est là. Elle est partout mais surtout ici, avec lui. Il peut presque le sentir. Il suffirait de… Il ouvre prudemment ses prunelles et en équilibre sur sa butte, il s’interroge alors. Ses derniers appels n’ont pas été très concluants. Elle se cache, elle lui échappe. Il sait pertinemment pourquoi elle se dérobe à ses invocations mais il ne peut pas survivre sans ça alors il la bouscule parce qu’il a décidé d’être égoïste. Il s’accroupit pour dessiner des symboles dans la terre. Ses mains sont aussi sombres que le ciel au-dessus de son crâne mais il n’en a cure. Ses lèvres remuent déjà. Une fois, deux fois, trois fois. Les mots s’emmêlent alors qu’il perd son souffle. Son énergie s’envole tandis qu’il s’appuie sur le sol pour en tirer un peu de force. Elle va encore l’ignorer ? Neal finit par se laisser tomber en arrière et allongé, il crie son prénom jusqu’à ne plus avoir d’air dans ses poumons. Il la déteste autant qu’il l’aime. Il la supplie une centaine de fois et finit par couvrir son visage de ses bras pour effacer les étoiles. Il ne supporte pas la vue de ces lueurs pour la simple et bonne raison qu’elles ne symbolisent qu’un mensonge. L’espoir. Qu’est-ce qu’il reste d’espoir ? Tout est voué à disparaitre. Et tout est déjà en démolition autour de lui. Alors ? Pourquoi ? Il sent une présence mais ne retire pas encore son barrage visuel. D’un murmure tremblant, il articule seulement « C’est toi ? » Le son de sa voix est étouffée mais il croit encore qu’il vient de la rêver alors à quoi bon répéter?