You can't change who I am || PV

Froide et limpide. L’eau coulait sur mes mains, nettoyant tout ce rouge. Froide et limpide. L’eau coulait sur mes mains, emportant avec elle un sillon vermeil.  Tapis écarlate qui s’écoulait dans le siphon du lavabo. Les chutes Niagara version Hannibal. Je frottais, encore et toujours à grand renfort de savon. Rien ne semblait porter atteinte à cette abomination qui entachait ma peau opaline. Les secondes s’égrenaient et un sentiment d’impuissance enflait en moi. Frustration qui se déployait et envahissait mon être.

- Besoin d'aide? résonna une voix à mes arrières.

Surprise, mon coeur fit un bond dans ma poitrine. Au bord de l'implosion, il tambourinait contre ma cage thoracique avec force. Si bien que je l'entendais tambouriner à mes oreilles.

- Non, ça ira, affirmais-je en fermant l'arrivée d'eau.

Un mensonge auquel moi-même je ne croyais pas. Un simple regard à mon reflet me permettait d'affirmer combien j'étais mauvaise actrice sur le coup-là. La vérité étant que si. J'avais besoin d'aide. La folie me gagnait et je ne pouvais rien faire contre ça, à part attendre. A travers le miroir, j'observais les traits inquiets qui défiguraient le visage de Hugo. Collègue et peut-être ami. Collègue et peut-être ennemi. Je ne l'avais jamais vraiment su. Toujours là pour moi. Toujours là pour me mettre des bâtons dans les roues.

- En es-tu certaine? insistait-il alors qu'il s'approchait.

La distance entre nous se dissipa bien rapidement. Ses grosses mains viriles se posèrent sur mes épaules et c'était avec une incroyable douceur et fermeté qu'il me tourna vers lui. Proximité dérangeante. Mon espace personnelle s'en retrouvait envahi. Une alarme sonnait à l'intérieur de mon crâne et ses doigts se glissèrent sous mon menton afin de relever mon visage. Mes yeux trouvèrent son regard perçant et je crus mourir liquéfiée sur place.

- Je sais ce que tu es, Ariana. Et je peux comprendre que ce soit difficile à porter.

Ses doigts glissèrent dans ma chevelure, ramenant une mèche rebelle derrière mes oreilles. Figée par l'horreur, mon corps se crispa. Ma nature? Ainsi donc, il savait ce que j'étais? Une louve? De nouveau, mon coeur tambourinait à mes oreilles. Respirer devenait difficile. Ainsi donc, il savait. Tout ses efforts pour dissimuler ma nature avait donc été vain.

- Tu es un monstre. Tu es une meurtrière.

Ses mots. Lames d'aciers s'enfonçant dans ma chair. Ses mots. Lames d'aciers charcutant mon être de l'intérieur. Secouant faiblement la tête de droite à gauche, je reculais d'un pas. Mais mon dos se heurta aussitôt contre le lavabo. Paniquée, je jetais un regard par-dessus Hugo, priant pour que personne d'autre ne se trouve dans la salle de repos. Vide. Il n'y avait que nous et je ne savais pas si je devais m'en réjouir ou non.

- Je ne vois pas de quoi tu veux parler.

Un nœud obstruait ma gorge. Parler m'était difficile. Respirer m'était douloureux. Voulant couper court à la discussion, je tenta de le contourner, mais à peine avais-je bougé un muscle qu'il m'attrapa par les épaules pour me projeter des mètres plus loin. La collision fut rude. La collision fut rapide. Un fracas résonna à travers toute la pièce lorsque ma carcasse dégringola sur la table. Le meuble n'ayant pas résister à un tel choc, je me retrouvais étalée sur les vestiges de ce qu'il avait été autrefois. Ma tête bourdonnait. Mon corps me lançait. C'est à peine si je distinguais le bruit de ses semelles qui se rapprochaient de moi. Mes yeux s'ouvrirent et je pouvais distinguer sa tête. Penché vers moi, il m'observait, attendant. La confusion se mêlait à la peur et très rapidement, je trouvais le moyen de rassembler mes forces pour me relever. Lui faisant volte face, je reculais de plusieurs pas.

- Allons, Ariana, ça irait beaucoup plus vite si tu l'admettais.

Ne voulant en entendre d'avantages, je tournais les talons, prête à courir vers la sortie. Je devais partir. Et vite. La situation m'échappait. Rien n'avait de sens. Pourtant, quelque chose me stopa dans ma lancée. Me heurtant de plein fouet contre quelqu'un, mon esprit s'en retrouva retourné quelques secondes.

- Je suis une meurtrière, allez. Dis-le, me susurrait une voix. La mienne.

Avec horreur, je pouvais me contempler. Moi. Je me trouvais... là. En face de moi. Un clone parfait de ce que j'étais. Mes yeux s'ouvrirent en grand sous l'horreur de la situation. Ce n'était pas Keira. Malgré notre ressemblance flagrante, je savais que ce n'était pas elle.

- Tu ne peux pas changer qui je suis. Tu ne peux pas changer ce que tu es.

Trop. C'était tout simplement trop. Des larmes roulèrent le long de mes joues alors que j'essayais difficilement de faire rentrer de l'air dans mes poumons. Je perdais la tête. Purement et simplement. M'agrippant les cheveux, je reculais de quelques pas, jusqu'à finalement heurter le mur. Les ténèbres m'envahissaient. Les ténèbres m'emportaient loin. Tellement loin. Je sombrais et je ne pouvais rien faire si ce n'était attendre.

- Il n'y a qu'une seule façon pour toi de stopper tout ça. Et tu le sais.
- Non... Laissez-moi! LAISSEZ-MOI!!! hurlais-je avant d'essayer, de nouveau, de partir en courant.

Cette fois-ci, personne ne me retint. Une fois en dehors de la salle, pourtant, je me heurtais de nouveau à quelqu'un. Des mains puissantes m'attrapèrent, mais pour m'empêcher de tomber.

- Est-ce que tout va bien? questionna la voix inquiète d'Hugo.

Terrifiée à l'idée que tout ne recommence, je regardais autour de nous. Les couloirs de l'hôpital étaient bondés. Une agitation usuelle, avec des patients grouillants dans tout les coins et des infirmiers débordés. Un retour à la normal.
Bien qu'encore bouleversée, je parvenais à me calmer suffisamment pour répondre avec aplombs.  

- Oui. Tout va bien. Merci.

Bien que peu convaincu, il n'insista pas et sorti un flyer de sa blouse. Hésitant, il me tendit le bout de papier que je pris.

- Je connais quelqu'un qui organise une soirée disco ce soir. Je m'étais dit que ça te ferais du bien. Tu as un peu l'air sous pression en ce moment.

Un sourire sincère se dessina sur mes lèvres. Hugo. Parfois ennemi. Parfois ami. Il savait me surprendre quand je ne m'y attendais pas. Me hissant sur la pointe des pieds, je déposais un baiser sur sa joue et m'en alla. Une soirée disco... Certaine personne aurait probablement boudé l'idée après une hallucination telle que la mienne. Un choix que j'aurais compris. J'avais cependant besoin de reprendre pieds. J'avais besoin de me connecter au monde de réel. J'avais besoin de ma famille pour traverser cette épreuve. C'était donc naturellement que je pris mon téléphone portable à la recherche du numéro de Salem.

"Hey! Le yéti de mon coeur! Nous sommes quel jour?"