Black Black Heart || Sybil

Elle s'accrochait. Elle tenait bon. Submergée par un profond sentiment d'espoir, elle luttait pour garder les yeux ouvert alors que la vie s'écoulait hors d'elle. Elle luttait pour garder les yeux ouvert alors que son corps se vidait peu à peu de son fluide vital. Pauvre petite humaine insignifiante. A quoi pouvait-elle penser? A quoi pouvait-elle se raccrocher pour ainsi défier la mort? Se rendait-elle compte que ce n'était qu'une question de temps, de secondes, avant que sa longue agonie ne prenne fin pour l'emporter sur un rivage inconnu. Se rendait-elle compte que bientôt, elle ferait parti de ces gens qui s'éteignaient et que l'on oubliait? Son bras devenu bien blafard s'étira, agrippant vainement le parquet pour tenter de hisser sa misérable carcasse. Un râle de douleur s'extirpa de ses lèvres. Sa respiration devint plus sifflante et ensuite... plus rien. Les battements de son coeur avaient cessé. Maintenant qu'ils étaient tous mort, il fallait que je me trouve une nouvelle distraction.

Quittant mon siège, j'avançais à pas félin, enjambant sans l'ombre d'une contrariété les cadavres qui jalonnaient le sol de ce petit café. En bordure de route, à l'aspect miteux, peu de gens s'arrêtaient là. A part les pauvres gens sans ambitions, ceux qui avaient quelque chose à cacher, où ceux qui avaient encore une longue route à faire. Moi, je m'étais retrouvée là par ennuie et aussi pour étancher ma soif. L'éternité c'était long... Il fallait constamment se trouver de nouvelles distractions si on ne voulait pas devenir dingue. Et je devais avouer que j'étais fière de cette nouvelle décoration sanguine. Parfaite pour une soirée d'Halloween. Allez savoir... je pourrais peut-être me reconvertir dans la décoration d'intérieur. Par contre, le côté sol poisseux, c'était moyen.

Grimpant par dessus le bar, je me retrouvais au commande. Là où toutes les boissons intéressantes se trouvaient. De cette place, je pouvais d'autant mieux admirer mon oeuvre. Un sourire étira mes lèvres alors que j'attrapais une bouteille de vodka. Danae serait fière de moi. J'en étais certaine. La mort était une chose délicieuse. Elle avait un gout, une saveur différente à chaque fois. La mort pouvait être belle à qui savait la mettre en scène. Sur ces pensées philosophiques, je commençais à fredonner Another girl de Wild Belle. Cette soirée s'annonçait des plus agréables et des plus jouissives. Tout comme ce liquide alcoolisé qui descendait le long de mon gosier.

L'alcool réchauffait les coeurs. L'alcool réchauffait les corps les plus froids. L'alcool amputait les sentiments inutiles. L'alcool me tenait compagnie dans ce cimetière improvisé. J'étais une femme seule. J'étais une femme à la recherche d'un amusement peu commun. Je ne voulais pas seulement danser sur les tables. Je ne voulais pas seulement me mettre la tête à l'envers. Je savais que ça ne suffirait pas à combler mon ennuie.  Alors que je cherchais un moyen quelconque d'occuper mon temps, le doux bruit d'un palpitant en pleine forme vint titiller mon ouïe. Boom. Boom. Boom. Tendre mélodie. Boom. Boom. Boom. Un sourire étira mes lèvres et j'attrapa deux verres à shooter. Le musée des horreurs venait d'ouvrir ses portes et je me devais d'accueillir correctement mon invité surprise. L'odeur entêtante d'un sang encore chaud. Le bruit de plus en plus prononcé d'un coeur qui s'affole. Le gout enivrant de la peur. Ses pas approchant résonnaient, perturbant le silence troublant qui régnait en ces lieux quelques instants plus tôt. Bientôt je la vis. Belle et majestueuse.

- Qu'est-ce que... c'est vous qui... avait-elle commencé. Pauvre agneau égaré. Mes yeux accrochèrent son regard, me plongeant sans retenu dans cette marre chocolaté. J'étais le prédateur. Elle était la proie.

- Oui, c'est moi, répondis-je calmement en versant un alcool fort dans les deux shooter. Vous venez admirer mon oeuvre, c'est gentil de votre part. Pour la peine, je vous offre un verre. C'est moi qui paie.

Ces paroles à peine prononcées que je fis usage de ma vitesse hors norme. Quelques battements de cils plus tard, je me retrouvais à ses arrières. Sans gêne, alors que ma main se posa sans pudeur sur sa hanche, je respirais son odeur. Entêtante. Enivrante. La peur se mêlait à une autre fragrance que je connaissais très bien.

- A moins que vous ne vouliez m'inviter à dîner? J'avoue avoir les crocs... murmurais-je alors que je pouvais déjà sentir un plaisir incommensurable de simplement pouvoir planter mes dents dans sa chair. Alors, que choisissez-vous?

Elle restait fière. La mort lui faisait face et c'était la tête haute qu'elle l'accueillait. Un mélange de courage et d'idiotie. Mes prunelles damnées la fixèrent. La lueur versatile du prédateur animait mon regard, faisant danser les flammes de l'enfer au plus profond de mes iris. L'odeur entêtante de la peur m'enivrait. Elle m'enveloppait et m'arrachait  des frissons délicieux le long de mon épiderme glacé. La tentation devenait tout de suite plus ardente. Ce désir incontrôlable de goûter sa peur, de me délecter de la saveur exquisse de son sang. Il ne me fallu guère de temps pour me retrouver à ses arrières. Voulant jouer sur l'effet de surprise, j'avais usé de ma vitesse vampirique. Ma main cadavérique s'harponna à sa hanche alors que de mes lèvres, quelques paroles se murmuraient à son oreille. Je m'attendais à une tentative de fuite, un refus. Mais certainement pas à cet abandon totale de sa part. Son dos s'écrasa contre mon corps frigorifié. Elle se livrait sans retenue au mal, m'invitant à faire d'elle ce que bon me semblait. Parfois, les humains avaient ce don pour nous surprendre. C'était rare, mais apparemment pas imposssible.

Mon nez alla s'enfouir dans son cou. Sans retenue, j'humais son odeur alors que d'une poigne possessive, je compressais d'avantages son corps contre le mien. Sa chaleur m'irradiant ne faisait qu'accroître un désir vicieux qui se creusait dans mes reins. Poupée de chairs. Poupée de sang. Entre mes mains, elle devenait marionnette. Poupée de chairs. Poupée de sang. Entre mes mains, elle devenait mienne. Mes hanches commencèrent à se balancer de droite à gauche, doucement, dans une danse improvisée. Sensuelle et féline. Mes lèvres effleurèrent sa peau pour remonter le long de son oreille.

- Ferme les yeux et laisse toi aller, murmurais-je faiblement, mon souffle glacée se heurtant à son épiderme.

Dans un mouvement fluide, je tassais ses cheveux sur le côté, l'intimant par la même occasion à pencher sa tête sur le côté. La vue de son cou affolait mes sens. J'entendais son coeur battre. Je devinais la veine palpitante sous cette peau affreusement tentatrice. Mon visage prit alors l'apparence du démon caché en moi et mes crocs se plantèrent dans sa chair délicate. Un liquide chaud emplit ma bouche, réveillant mes papilles et exacerbant mon désir. Je me contenta de quelques gorgées à peine avant de me reculer, la délivrant de mon emprise. Son sang me montait à la tête tel un alcool doux mais entêtant.