Sweet dreams || Pv Cara

Extrait du journal d'Ariana, non daté

La folie emporte les rêves. La folie emporte sur son passage la moindre parcelle de lumière. La folie. Elle vous guette et vous grignote sournoisement. Petit à petit vous vous rapprochez d'un précipice. Petit à petit vous vous rapprochez de ce gouffre géant qui est prêt à vous dévorer. Petit à petit... Vous sombrez et sans même vous en apercevoir, les ténèbres vous engloutissent. Petit à petit... avant la chute suprême. Petit à petit... avant que la fin ne vienne. La folie emporte tout. La folie remporte sur tout. Accrochez-vous à ce qui vous reste de lucidité car bientôt, il ne restera plus rien. Car bientôt, il ne me restera plus rien.

Partout. Il y en avait absolument partout. Le tissus de la moquette en était totalement imprégné. Marque indélébile de ma faute. Tout devait disparaître. Tout devait partir. Frotter. Encore et toujours. Mes mains tremblantes continuaient de s'activer avec une énergie féroce. Tout me semblait tellement flou. Tout me semblait tellement confus. Aucuns souvenirs. Juste des faits. Partout. Il y en avait absolument partout. Le tissus en avait prit sa teinte. Marque permanente de mon erreur. Mes mains tremblantes continuaient de s'activer avec cette rage bouillonnante qui creusait mon estomac. J'étais tellement en colère. Contre ma nouvelle nature. Contre le monde entier. Mais surtout contre moi. Le savon moussait, encore et toujours plus, prenant lui aussi cette teinte rouge qui me faisait tellement horreur. Tout devait partir mais rien n'en venait à bout. Tout devait disparaître. Tout devait partir. Je me répétais ces deux simples phrases, encore et encore. Je me répétais ces deux simples phrases en boucle, comme un vieux disque rayé. Peut-être. Oui. Peut-être que si tout venait à disparaître... Alors... Je me rendrais compte que tout ça n'était qu'un simple cauchemar. Peut-être que si tout venait à disparaître, mon crime me semblera moins affreux.

Pourtant, quand mes yeux se posèrent sur l'objet de mon délit, une vague d'angoisse m'envahit de nouveau. Un nouveau cri chercha à franchir mes lèvres soudainement pâles. Sauf que cette fois, j'avais réussi à le contenir. Les doigts agrippés sur ma brosse à tapis, je la serrais à m'en faire détruire les articulations. Je restais là, un instant, totalement figée. Mon coeur sembla s'arrêter alors que de nouveau, un ruisseau de larmes fit dégringoler une vague de mascara bon marché sur mes joues. Je ne voulais pas y croire... Je ne devais pas y croire. Ravalant un sanglot, je me remis à frotter la moquette. Comment?! Pourquoi?! Je n'avais aucuns souvenirs. Juste des faits. Juste un cadavre et ce panorama d'hémoglobine envahissant l'espace autrefois douillet de ma chambre.

Comment?! Pourquoi!!!! Et cette p*tain de brosse qui ne me servait strictement à rien! Avec force, elle traversa l'ensemble de la pièce avant de se heurter avec fracas contre le mur. Ce geste inutile avait pour but de calmer un tant soit peu mes nerfs. En vain. Tout me semblait tellement vain! Agrippant ma chevelure dorés, j'essayais de me calmer. La culpabilité me rongeait. Elle tordait mes entrailles et se répandait dans mon être tel un acide. J'avais mal. Je sentais la gravité m'attirer de tout son poids contre le sol, me mettant dans l'incapacité de bouger quoi que ce soit. Je ne me sentais pas la force de me lever. Je ne me sentais plus la force de pleurer encore. Je ne me sentais plus la force de rien. Même l'arrivée imminente de Cara ne suffisait pas. Je voulais tout faire disparaître. Tout devait disparaître avant son arrivée. Il ne devait y avoir qu'un corps. Un corps reposant sagement sur mon lit. Je voulais faire partir tout ce sang. Je devais tout faire disparaître... oui... Tout disparaître...

- Ce n'est qu'un cauchemar. Un horrible cauchemar... murmurais-je en fixant ces sombres prunelles. Elles me fixaient mais elles n'exprimaient rien. Elles étaient vides... car il était mort. Elles étaient vides car je l'avais tué.


Qui il était? Je n'en avais aucune idée. Ce qu'il faisait là? Je n'en avais aucune idée. Pourquoi je m'étais réveillée avec un cadavre à mes côtés? Je n'en avais aucune idée. Pourquoi j'avais fait appel à Cara? ... ça, c'est une longue histoire.

Tout n'était que confusion et ténèbre. Tout n'était que perdition et présage funèbre. Quand. Quoi. Comment. Trois petites questions. Trois petits mots qui tournaient en boucle dans mon esprit torturé. Je me repassais sans cesse les événements passé. Encore et encore. Rien. Aucuns souvenirs. Que des sensations. Des odeurs. Parfois des flashs... et c'était tout. La lame qui s'enfonçait dans la chaire. L'odeur du sang. Ce regard vide. Et plus rien.  Ce ne pouvait pas être réel. Je ne pouvais pas avoir fait ça... Non...

J'ouvrais mes paupières, regardant à nouveau la scène du crime... et à nouveau, des sanglots me reprirent. Un poids énorme écrasait ma poitrine, m'empêchant de respirer. Non... Je n'avais pas pu faire ça... Et pourtant, la preuve se trouvait sous mes yeux. Le poids de la culpabilité allait m'écraser. J'inspirais à grand coup mais rien ne semblait alimenter mes poumons. Comme si cette boule dans ma gorge empêchait quoi que ce soit de passer. J'avais mal. Un creu béant envahissant ma cage thoracique. Un trou béant qui pourtant, s'enflammer par cette absence. Ce vide intolérable qui s'intensifiait à chaque goulée. La vue de ce coprs me rendait malade.

A nouveau, je fermais les yeux, allant instinctivement me blottir contre le mur. Ne plus rien voir. Ne plus rien percevoir. J'aimerais tant que tout s'arrête. J'aimerais tant remonter dans le temps. Dos au mur, les genoux pliés contre moi, je priais pour que tout ne sois qu'un simple cauchemar. Je priais pour que tout ne sois qu'illusion. Pourtant je continuais à sentir cette odeur caractéristique du sang. Je sentais cette présence fantomatique planer tout autour de moi. La mort rôdait.

Je me sentais mal. Je me sentais sale. Un poison coulait dans mes veines, enflammant mon corps d'une douleur intolérable. Mes prièrent se transformèrent en sanglots. Encore. Toujours plus puissants. Je tremblais. Incapable de réfléchir. Incapable de penser. Incapable de m'arrêter, je laissais aller ce torrent de mer salé. Qui j'étais? Ce que j'étais? Je n'en savais plus rien... Ou peut-être que si. Un monstre. Une meurtrière. Je me dégoûtais.

J'avançais toujours plus loin dans les ténèbres. Sans savoir où ce long tunnel allait me mener. J'avançais toujours plus loin... Sans savoir. Sans savoir comment m'arrêter. Sans savoir comment continuer autrement. Sans prendre le temps de respirer. Sans prendre le temps de regarder derrière moi. Un mal qui me rongeait. Un maux sans nom, sans visage. Mes rêves étaient peuplés de cauchemars, jonchés de cadavres, de sangs et de long couloirs sombres. Symbole du gouffre sans fonds dans lequel je m'immergeais immanquablement depuis des semaines. La maigre lumière que j'avais cru entrevoir me semblait si loin... tellement loin. J'aimerais sortir la tête hors de l'eau. Pouvoir voir au-delà de cette eau trouble. Remonter à la surface. Sentir autre chose que cette pestilence mortuaire qui s'imprimait dans chacun de mes pores.

Un sursaut, violent, me gagna. Emprise délicate sur mes poignets. Sortant de mes pensées, cherchant à calmer cette déferlante noircissant mes joues de mascara, je plantais mes prunelles dans le regard de Cara. Cara... enfin, elle était là. Je pensais alors parvenir à me contrôler. Je pris le temps de ravaler mes larmes. Laissant quelques secondes de silence, je prenais sur moi pour reprendre contenance. J'ai vraiment cru parvenir à contrôler ce poids énorme qui compressait ma poitrine. J'ai vraiment cru parvenir à faire taire cette culpabilité terrassant qui brûlait mon être. Mais à peine avais-je ouvert la bouche que mes barrières s'effondrèrent à nouveau.

- Je... je me suis réveillée et...

Et plus rien. Je sautais à son cou, cherchant du réconfort là où je le pouvais. Mon corps secoué par les sanglots se serra contre elle. Paupières clos pour ne pas voir l'objet de mes tourments, je serrais mes petits poings, comme si cela allait m'aider à gérer la situation.

- Oh mon dieu, Cara, qu'est-ce que j'ai fait!!

Ma voix. Brisée. Désespérée. Elle me semblait lointaine. Étrangère. Étranglée. Qu'est-ce que j'avais fait... Telle était la question que je me posais. Ne plus rien voir. Ne plus rien percevoir... Prenant mon courage à deux mains, cherchant à affronter le feu par le feu, je me décidais enfin à ouvrir mes yeux pour de nouveau me confronter à mon tourment...

Aussitôt, mon coeur cessa de battre l'espace d'un instant, avant de tout simplement s'emballer. Mon sang ne fit qu'un tour. Les larmes cessèrent, et lentement, je me décrochais de Cara. Les secondes s'écoulèrent avant que je ne parvienne à réellement saisir ce que je percevais. Rien. Absolument rien. Aucun corps. Aucune trace de sang. Ne comprenant rien, je cherchais une solution rationnelle à ce qui avait pu se passer mais rien ne me venait. L'incompréhension. Puis l'horreur. A nouveau.

- Je... NON!! C'est... Impossible!! Hystérique, je me redressais, pointant furieusement du doigt mon lit. Il y avait un corps! ICI!! Il était mort!! Cara, je ne l'ai pas inventé!!!

Nerveusement, je glissais mes doigts dans ma longue chevelure dorée. Chevelure dorée que j'agrippais désespérément en tournant en rond. Incompréhension. Horreur. Tourment. L’incertitude me gagna. La folie viendra à bout de mes nerfs. Les ténèbres m'engloutissaient. Je m'engouffrais toujours plus profondément dans l'obscurité.